La dernière fois que je me suis rendu en France, c’était par le vol TN7 de Air Tahiti Nui en provenance de Papeete qui fait escale à Los Angeles avant de continuer vers Paris. En feuilletant le magazine de bord, je m’étais promis de faire un jour la route dans l’autre sens, de Los Angeles jusqu’à Papeete, dès que le temps et nos finances le permettraient. Deux choses rendues possibles cette année par le long congé de Thanksgiving et une promotion de Air Tahiti Nui offrant la gratuité du voyage aux enfants pendant cette période.
Il ne faut « que » huit heures pour rejoindre Tahiti à partir de Los Angeles, mais les américains lui préfèrent généralement Hawaï : c’est un peu plus proche (cinq heures), plus grand, mieux équipé en golfs et air conditionné, et l’archipel bénéficie de (beaucoup) plus de publicité, à commencer par celle de Barack Obama qui en est natif et s’y rend régulièrement pour ses vacances. Le résultat est que Hawaï attire plus de 7 millions de touristes par an, environ trente fois plus que Tahiti et ses îles (220 000 visiteurs annuels).
Les Polynésiens se passeraient sans doute volontiers de cette concurrence, mais cette fréquentation touristique relativement faible comparée à Hawaï ou aux îles Fiji (deux fois plus fréquentées) fait aussi de Tahiti l’une des « destinations paradisiaques » les mieux préservées de la planète, au plus grand bonheur de ses visiteurs. C’est l’une de ces rares destinations où la réalité dépasse la mise en scène des brochures publicitaires. L’objectif de l’appareil photo s’en trouve extrêmement frustré, incapable de capturer une telle palette de nuances de bleus et de verts sur un horizon à 360 degrés*. Mais cela rend l’expérience plus intense et les souvenir plus vifs. La météo changeante en cette saison —nous avons connu quelques averses— ne gâche rien au spectacle. Au contraire. Les orages transforment les paysages à chaque minute, jouent avec les éclairages et les couleurs, jusqu’à défier parfois notre perception d’un monde en couleurs avec une palette de gris et bleus d’une incroyable finesse (j’ai quelques photos qui ont l’air de clichés noir et blanc recolorisés dans Photoshop, ils ne le sont pas).
Avec une telle beauté, on comprend l’attirance irrésistible qu’exercent Tahiti et ses îles sur tous les rêveurs de la planète. Certains qui ont succombé à leur charme s’y installent pour de bon, comme Nicolas, parti de métropole il y a plus de vingt ans, et qui nous a fait partager quelques uns des plus beaux points de vues aériens et sous-marins sur « son » île de Moorea… ainsi que quelques unes de ses meilleures pages culinaires (merci ! merci !). D’autres y font escale dans leur quête d’idéal et s’y attardent quelques années pour offrir à leurs enfants un terrain d’éveil et de découverte incroyable. C’est le cas de Sébastien et Cécile, installés à Moorea depuis deux ans et lecteurs de ce blog, qui ayant appris notre arrivée nous ont offert un peu de leur quotidien, de leur gentillesse, ainsi que leur énergie et leur talent de musicien au cours d’une soirée bien arrosée (Non nous n’étions pas ivres. Juste une averse de temps en temps on vous dit.). Saxo, Jazz et Hinano dans la douceur de la nuit polynésienne : rien que du bonheur ! (merci ! merci !).
Et puis il y a les touristes, américains pour la plupart en cette période, qui sous l’enchantement conjugué de la beauté de la terre et de la gentillesse de ses habitants s’ouvrent aux rencontres plutôt que de s’enfermer dans leurs activités, et année après année, reviennent à Tahiti raviver le rêve d’une autre vie possible sur ces îles. C’est le cas de Sam et sa famille qui nous a fait partager ses balades en mer et sur son motu favori, ainsi que son art du sandwich (Sam tient un restaurant à San José).
Malgré un climat politique autonomiste hostile à la métropole (la Polynésie Française revendique auprès de l’ONU son inscription au registre des « terres à décoloniser »), Tahiti partage avec la France un sens aigu de la convivialité (ici, tout le monde se tutoie) et de l’accueil. On y va pour la beauté des paysages, on y retourne pour les rencontres. Même les conditions économiques difficiles que connaissent ces îles n’ont pas entamé la douceur de vivre sous le vent, dans cette « France de l’autre côté ».
Et tandis que de nombreux Tahitiens rêvent de Californie (ils y font leur shopping !), de retour en Californie, je pense déjà à la posibilité d’un nouveau voyage là-bas (pas de centre commercial !). L’herbe est sans doute toujours plus verte, et l’eau toujours plus bleue, ailleurs ! Sagesse de globe-trotter.
* Les rares images qui ne m’ont pas semblé totalement déconnectées de la « vraie couleur » de Tahiti et Mooréa sont disponibles au rayon photo de ce blog: suivez le lien ! (Faudra patienter un peu plus pour la vidéo. 2 heures d’images à réduire en 2 minutes de montage, ça promet quelques bonnes soirées sur Final Cut !)