Dans la lignée du théâtre de tréteaux qu'appréciait Jean-Baptiste Poquelin, L'Ecla Théâtre, spécialiste en spectacles pour enfants, propose, sous la houlette de Laëtitia Guédon, un "Médecin Malgré Lui" à la portée de tous, rythmé, drôle, et plein de trouvailles.
Vous connaissez probablement l'histoire. Afin de se venger de son mari Sganarelle, rustre alcoolisé du matin au soir qui une fois de plus l'a rouée de coups, Martine fait passer celui-ci pour médecin. Il se verra contraint de soigner, malgré lui, une jeune fille de bonne famille devenue muette depuis que son père l'a promise à un homme qu'elle n'aime pas... Cette pétillante comédie de Molière est à la fois une satire de la médecine, une amusante peinture du couple, des milieux paysans et bourgeois, et une ode à l'amour libre en même temps qu'une déclaration de guerre au mariage forcé. Comme toujours chez l'auteur, le propos est intemporel et indémodable.
L'intelligente mise en scène de Laëtitia Guédon brasse et met en avant de façon contemporaine ces différentes cultures, classes sociales et ethnies. Le rideau se lève sur un camp gitan euphorique qui n'est pas sans faire penser à ceux des films de Kusturica ("Chat noir chat blanc", "Le temps des gitans"...). Il se baisse alors que nous sommes sur le quai du métro Barbès. Entre les deux, le spectateur fait un tour chez un marchand de tissu africain. Le voyage est réussi, notamment grâce à l'astucieuse scénographie de Soline Portmann qui assure une appréciable fluidité à l'action (une boîte "accordéon" qui se déplie, se replie, et dont les fonds se retournent en quelques secondes).
La distribution est honnête, portée du début à la fin par Teddy Mélis qui compose un réjouissant Sganarelle, roublard à souhait. Doté d'une force comique patente, d'un parfait sens du rythme et d'une technique irréprochable, il compense, sans "tirer la couverture", les quelques faiblesses de certains de ses camarades de jeu. Le garçon devrait rapidement faire parler de lui.
Cette production se révèle une excellente occasion de donner à voir le théâtre classique aux plus jeunes, avant que leurs professeurs de français ne les en dégoûtent et qu'il ne soit trop tard pour leur faire comprendre que non, Molière n'est pas ch... et qu'il est tout de même cent fois plus intéressant que "Mon cul sur la commode" et autres "Clan des divorcées" (cette fin de phrase s'adresse aussi aux moins jeunes...).