L’Alivi, restaurant corse
27 rue du roi de Sicile, 75004 Paris.
Tél. : 01 48 87 9020. Site Web.
En bref
Une bonne adresse corse dans le Marais, ça existe, ça s’appelle l’Alivi. L’ambiance et la cuisine, bonne, sans prétention, permettent de s’évader quelques heures sur l’île de beauté. Le prix (compter au moins 50€ pour un repas complet avec boissons) est justifié par de bonnes assiettes et l’utilisation de bons produits frais. Mentions particulières à deux plats « fusion » réussis : le Corsica Burger et le cheesecake aux canistrelli. Des vins corses intéressants, à des coefficients doux.
Flashback
L’Alivi est un restaurant corse (depuis 1996) qui figure sur ma wish-list (pas remise à jour) depuis 2006! Je ne sais plus comment il s’était retrouvé là, probablement un bon article lu dans la presse de l’époque. Et puis je dois avouer que l’adresse s’était retrouvée un peu perdue dans la pile. Pour moi, le Marais n’est pas synonyme de quartier où l’on mange bien (à quelques exceptions près), et ce n’est pas non plus un quartier où je m’aventure spontanément ou sans motif sérieux. Bref, l’Alivi était sorti de mon radar. Les avis sur l’Alivi sont globalement bons sur Qype, Mmmm!!!, un peu moins sur L’Internaute (et l’information n’est plus très à jour). L’Alivi est classé deuxième sur CityVox (catégorie restaurants corses à Paris), entouré par les Villa Corse Rive Gauche et Rive Droite.
L’occasion fait les larrons
Jusqu’au jour où mon ami Fabien « Fabulous » Nègre de Paysages Culinaires m’a annoncé qu’il m’invitait à un diner découverte dans un restaurant corse du Marais… L’Alivi! L’occasion de tester enfin cette adresse! Et en bonne compagnie, puisqu’étaient présentes les personnes aux manettes de Slurpitudes, des Délices de Vanessa, de Mr. Lung, de Coup de Fourchette et de Presque-Moi (mon épouse adorée), et quelques autres éminents connectés gourmands, les cerveaux derrière LesRestos.com, RestoàParis.com et Foodreporter.fr.
Que sais-je de la cuisine corse?
C’est vrai qu’il n’y a pas beaucoup de restaurants corses chroniqués sur ce blog. En plus de l’Empire du VIIIe, d’À la Châtaigne, j’ai mangé un certain nombre de fois dans une autre adresse du 75008, au bar corse l’Elysée Saint Honoré, même si je ne lui ai jamais consacré d’article (c’est plus un bar qui sert à manger des plats corses qu’un restaurant à part entière). Ajoutons également un diner à la Villa Corse 15e il y a quelques années, et, pour finir, ou plutôt pour commencer, un séjour d’une dizaine de jours en Corse en 2000. De bons produits, des fromages bien dosés, de la charcuterie rustique mais goûteuse. Des ressemblances logiques avec les cuisines italiennes, en version un peu plus brute, peut être…
À l’Alivi, le chef s’appelle Joseph Poggi, et le patron Saveriu Cacciari et sont tous les deux originaires de Bastia.
Situation et cadre
En ce soir de début de semaine, nous perdons d’abord un peu de temps à cause des rues en sens interdit du Marais, puis à chercher une place pour laisser nos Vélibs. Nous trouvons enfin de la place, le long du BHV, et il ne reste plus qu’à marcher quelques minutes pour atteindre notre objectif : cette petite enclave corse en plein marais. L’air étant assez frais, nous ne nous attardons pas à l’extérieur, juste le temps de jeter un œil à l’agréable petite terrasse, exposée sud/ouest et donnant sur la rue piétonne cloche-perce. La terrasse est bordée de bacs à plantes, dans lesquels poussent des oliviers (oliviers=alivi, pluriel d’alivu, en corse).
À l’intérieur, la déco est sobre, de type bistrot, avec un plafond haut et de belles poutres, pierres et briques apparentes, carrelage old school au sol. Quelques affiches vantent les mérites de la Corse ou de ses produits… Une douzaine de couverts dehors, un peu plus du double à l’intérieur.
Ambiance
En ce lundi soir, c’est plein, quelques tables de deux avec des couples de 30 à 50 ans, quelques tables avec des jeunes femmes, une autre avec une petite bande de copains. C’est plutôt détendu et décontracté. Des polyphonies corses faisaient office de fond sonore à 20h. À 20h30, le bruit dans la salle se suffisait à lui même. C’est une salle ancienne, donc pas beaucoup d’absorption des sons, disons que l’on peut suivre sans problème la conversation des voisins directs, mais qu’il est plus difficile de discuter avec une personne assise deux places plus loin. Quelques insouciants qui n’avaient pas réservé leur table ont du passer leur chemin et se rabattre sur un autre restaurant du quartier. Service avec l’accent mais pas trop. Cool, mais efficace.
Avertissement/Disclaimer
Nous avons eu droit à un menu découverte, de plus, la carte à base de produits frais, change fréquemment, ce qui peut expliquer pour quoi certains plats décrits ou sur les photos ne sont pas réalisés et servis de la même façon lorsque commandés à la carte. Nous avons été invités et avons eu droit à un menu spécial, mais le restaurant fonctionnait normalement et je n’ai pas vu de différence de traitement flagrante avec les autres clients, si ce n’est que nous avons eu droit à des vins « haute fourchette de prix », en mode open bar.
Apéro
Une fois installés, celles et ceux qui peuvent boire de l’alcool commencent l’apéritif avec du Cap Corse Mattei, un cousin insulaire des vermouth Lillet, Noilly Pratt, Martini, version rouge… De l’Orezza (fines bulles) ou de la Zilia (plate) pour les raisonnables et/ou futures mamans.
[Faire défiler]Entrées : croustillant de brebis et risotto coppa/champignons
On démarre avec un croustillant au fromage de brebis, légumes et huile d’olive. Servi sur une ardoise. Le croustillant triangulaire est très agréable, le fromage est limite fondant, encore un peu consistant, mais surtout pas brulant. Le croustillant est joliment doré, encore chaud, ferme et croquant. C’est bon. Les légumes sont simples et bons. Je les aurais encore plus appréciés en version light, plus secs et légers. Le chef distribue généreusement sa bonne huile. Point trop n’en faut. Sur les ardoises, ça rend le noir luisant et c’est encore plus flagrant.
Dans nos verres, on ne se paie pas non plus nos têtes, puisque nous avons droit à un vin blanc Capitoro cuvée Louis Bianchetti 2008 (Ajaccio, 45€ – le 2009 est à 24,9€ sur 1855, le 2008 à 19€ sur une boutique de produits corses en ligne, soit un coefficient raisonnable et rare à Paris). Belle couleur, nez marquant et poignant ; la bouche suit aussi.
La seconde entrée est un joli risotto coppa et champignons. Le Risotto est cuit comme il faut. La coppa, croustillante et bien salée, est une bonne idée. Les tranches et morceaux de champignons sont de tailles variables (gage du fait maison), et il semble qu’il y en ait différentes variétés. Cela semble induire quelques subtiles différences de goût et de texture, qui élargissent le spectre déjà présent (du riz souvent fondant à la coppa presque croquante), mais laisse aussi un peu perplexe. Dans l’ensemble, l’essentiel est là et c’est honnête.
Niveau vin, on passe au rouge, naturel, avec la cuvée Carco 2009 d’Antoine Arena (Patrimonio), 42€ à la carte (vendu à 24€ chez un caviste, trouvé à 21€ sur un site de vente en ligne, soit encore un coefficient très sympathique), rouge cuvée : le top de LA référence des vins corses. Un cépage indigène, le nielluccio, une puissance qui me rappelle de très bons vins du sud de la vallée du Rhône.
Corsica burger
Bravo d’avoir joué le jeu et d’avoir accepté de servir un burger pendant cette découverte/dégustation! C’est une preuve d’ouverture, mais surtout l’illustration qu’il n’y pas de pièges, ni de facilités, à la carte. La présentation sur une ardoise lui convient mieux qu’au croustillant. Un bon pain style ciabatta, un beau lit d’oignons, de la coppa et du fromage corse fondu, entourent très bien la belle viande bien saignante et tendre. Et une sauce du soleil pour corser le tout. Comme ma chère femme, je me suis régalé.
Le Carco convenait très bien!
Poisson
Pour le dernier plat, nous avons droit à du poisson. L’enchainement usuel, crustacés, poissons, puis volailles ou viandes est bouleversé, mais ça ne dénote pas vraiment. Filet de loup et polenta au romarin, un bel accord mer-terre méditerranéen. Polenta réussie, le romarin est présent et parfume sans écraser tout le reste. Le filet de loup est cuit comme il faut, la chair est encore légèrement élastique et résistante. C’est bon, bien pensé (avec une touche d’originalité), bien réalisé (cuisson et textures maitrisés). Seul bémol: encore une ardoise!
Trio de fromages corses (trois saveurs d’Alata)
Sans surprise, nous avons droit à un échantillon de trois fromages corses : A filetta, u muntagnolu et brebis aux herbes (12€ à la carte). Trois tranches accompagnées de confiture de figue (et d’huile aux herbes, superflue!). Si le brebis aux herbes est assez gentil, les deux autres sont du genre puissant. Une puissance qui est bien matée par la douceur des figues. C’est tout ce que j’aime, et je n’hésite pas à faire la poubelle de table en quémandant les morceaux que mes camarades, au gabarit plus petit que le mieux, ne terminent pas. Hop, hop.
Merci d’avoir abandonné les ardoises! Dommage pour la petite touche d’huile parfumée en trop.
En accompagnement, un verre bien servi de Rappu, du Clos Nicrosi. Un vin étonnant, qui parait muté, mais qui ne l’est pas, même s’il rappelle un peu le porto. En fait, c’est un cousin des sherry espagnols. Cela change des Maury!
Dessert : cheesecake aux canistrelli
J’avais à côté de moi deux afficionados qui ont été convaincus par l’interprétation locale du cheesecake (que l’on trouve de plus en plus souvent au restaurant, alors qu’il était cantoné aux dinners US il y a encore quelques années). L’utilisation de canistrelli parfume la pâte à l’anis. Encore une touche d’originalité bien placée. Le cheesecake (10€), en version individuelle ronde, se laisse manger avec plaisir, par simple gourmandise. Le coulis de fruits rouges est discret et a le bon goût d’exister sans dominer ni écraser tout le dessert. Mon deuxième coup de cœur de la soirée, avec le burger!
Je passe mon tour pour le café (Costadoro) ; et me « contente » d’un dernier verre pour la route, un limoncellu bien frais, histoire de se réchauffer avant de sortir affronter le froid parisien.
Budget
Comme précisé plus haut, nous avons été invités. Difficile de dire combien nous aurait coûté ce diner. En effet, les portions ont été adaptées à la dégustation, donc allégées pour certaines préparations. La carte affiche des entrées de 10 à 16€ (charcuterie qui se partage), les plats sont à 19-24€, les fromages à 12€ et les desserts à8-10€. Soit une fourchette de 37-50€ en prenant une entrée, un plat et un dessert/fromage à la carte. Au menu (deux choix d’entrées, plats et desserts), on est à 29€ pour entrée/plat ou plat dessert et à 34€ pour entrée+plat+dessert. Vins corses de 28 à 45€ la bouteille. Ce qui amène à un budget de 50-65€/personne en se faisant plaisir. Soit l’ordre de prix à payer pour une bonne soirée dans un bon bistrot/gastro.
Pas donné (ah, l’inflation!), mais on peut très facilement manger très mal dans le quartier, pour une somme pas très éloignée. Donc les tarifs me paraissent justes vu la prestation.
Bilan
Une soirée très agréable, grâce à la compagnie, l’ambiance détendue et chaleureuse, le service calme attentif et efficace, une bonne cuisine d’inspiration corse avec des touches bien vues d’originalité et de contemporanité. Aucune prétention, si ce n’est que d’allier des fondamentaux de la cuisine corses à d’autres bonnes idées culinaires de méditerranée et d’ailleurs (belle ouverture avec le burger et le cheesecake), tout en respectant et en utilisant habilement l’identité et la spécificité des produits corses. J’ai également bien apprécié la petite initiation aux vins corses. Cela donne envie d’en découvrir plus. Bref, une bonne adresse, pas gastronomique mais bistronomique et conviviale. De quoi bien se réchauffer le corps et l’esprit, le temps d’un diner…
Merci à l’équipe de l’Alivi pour cette belle soirée, et à Fab’ pour la bonne initiative!
Rédigé par chrisos