C’est d’abord acteur qu’est Philippe Caubère, et c’est cette fraternité qu’il affiche immédiatement, c’est-à-dire sans intermédiaire : il y a lui, acteur, qui joue Benedetto, acteur. Et c’est simple, ça pourrait être une conférence, mais c’est un spectacle et les moyens employés le rappellent : lumières, musiques, sons. C’est simple : André Benedetto parle de Vilar, d’Artaud, des « acteurs-sud », avec exigence et tendresse. Pourquoi Jean Vilar a-t-il cessé de jouer à 51 ans ? Et que dire d’Antonin Artaud, de cette voix travaillée avec tout son corps souffrant, tellement souffrant qu’on a dit de lui qu’il était fou, « fada » ? Il traque les différences entre de Funès et les « acteurs-sud ». C’est une leçon de théâtre. Non, pas une leçon, une conversation. L’acteur Caubère est l’acteur Benedetto, le temps du spectacle, avec ce ton calme qui engage à parler avec, et, au micro, soutenu par des effets de lumière et de fumée (qui le font disparaître), par la profération de textes de révolte, d’invective.
Et un Magnificat semble ramasser tout cela, un hommage à Gilles Sandier, critique de théâtre, plutôt considéré ici comme un homme du nord (Paris), qui fait comprendre le sens profond de l’amitié qui animait André Benedetto, et révèle que la conscience d’être « acteur-sud » n’a rien d’un régionalisme étroit.
C’est un spectacle où un acteur incarne un acteur, je l’ai déjà écrit, je sais, mais je veux ajouter que, sans esbroufe, simplement, Caubère-Benedetto parle, tout au long de ce spectacle, du corps de l’acteur, celui qui se met en retrait (Vilar) ou celui qui souffre (Artaud), celui qui s’expose avec son accent, ses gestes, et n’hésite pas à chercher profondément en lui-même l’humanité.
J'ai vu ce spectacle à la Maison de la Poésie où il est à l'affiche jusqu'au 31 décembre 2011.