Jeu compulsif: Thérapies d'orientation psychodynamique

Publié le 28 novembre 2011 par Alain Dubois

Ce traitement intègre une approche psychodynamique traditionnelle avec un modèle de «l'addiction» (dépendance). Psychothérapie individuelle, de groupe ou familiale.

Premier d'une série de billet sur les différentes approches dans le traitement de la dépendance au jeu. Rédigé par Christine Tassé (M. Ps) ce texte a été publié initialement sur le site JeuCompulsif.info.

THÉRAPIE PSYCHODYNAMIQUE ET DE SUPPORT (Rosenthal et Rugle, 1994)

Ce traitement intègre une approche psychodynamique traditionnelle avec un modèle de «l'addiction» (dépendance). Psychothérapie individuelle, de groupe ou familiale.

Entièrement compatible avec les autres thérapies (cognitive-béhaviorale, pharmacologique, G.A.). En fait, une combinaison d'approches est souvent plus efficace.

Va au-delà du débat théorique à savoir si le jeu est une cause (on doit le traiter) ou un symptôme (on doit trouver la cause et la traiter).

Dans ce programme, le jeu en lui-même est le focus de l'intervention et dans le même temps, les causes sous-jacentes au jeu sont investiguées. Comme l'écrivent Rosenthal et Rugle : «That it is both is one of the many paradoxes the acceptance of which will make us better therapists» (Rosenthal & Rugle, 1994, p.40).

POSTULATS

Met l'emphase sur la signification et les conséquences du comportement.

Ce que dit le patient a un sens et les différents liens entre les choses qu'il dit peuvent être découverts. Ainsi, il y a un lien entre le passé et le présent, entre les pensées et les sentiments, entre les fantasmes (fantaisies) et les comportements. Le client dit tout ce qui lui vient en tête afin de découvrir ces liens (technique de la libre-association)

Les thérapies de support (conseils pour apprendre à composer avec la situation), lorsqu'elles sont le seul élément du traitement, communiquent au patient le message suivant: qu'il n'a pas à régler ses anciens traumatismes et qu'il n'a besoin que d'éviter ses émotions inconfortables et ses conflits internes. Ces thérapies justifient et renforcent donc justement ce que le joueur essaie de faire, sans succès, en jouant (la fuite).

Un programme actif  sous-tends un besoin de développer de nouvelles activités de remplacement saines. Par exemple, l'activité physique est très importante pour ceux souffrant d'un trouble d'hyperactivité ou de dépression.

TRAITEMENT

Thérapie directive et compréhensive : Ainsi, l'analyse classique s'adapte au caractère insécure du joueur qui a souvent peur d'être jugé et qui est particulièrement sensible à l'incertitude et dépendant de l'opinion des autres. Le thérapeute communique sa compréhension  et son empathie face aux problèmes du joueur. Pas seulement ceux à la source du jeu (traumatismes), mais aussi ceux générés par celui-ci.

Thérapie psychodynamique : Par la libre association, les liens entre le comportement de jeu et le/les problème(s) générant les émotions douloureuses que ce comportement cherche à fuir, peuvent être trouvés. Il peut s'agir  de n'importe quelle situation pouvant causer un stress ou un traumatisme,  telle une enfance dans une famille difficile, un déficit physique, etc.

Le thérapeute aide le joueur à faire face aux expériences intolérables déclenchant ces émotions. Ce qui a comme résultat que le besoin de fuite s'atténue et le comportement de jeu cesse.

Les expériences générant ces émotions peuvent alors être travaillées directement.

Thérapie de support : Afin d'aider le client à atteindre et maintenir son abstinence face au jeu, le thérapeute : confronte le client avec les conséquences de son comportement.

  • attire l'attention de celui-ci sur  les " trous " et les inconsistances dans la narration de son histoire.
  • anticipe les problèmes.
  • suggère de meilleurs mécanismes d'adaptation au stress (mécanismes de " coping ").

Cinq (5) stratégies sont employées à cette fin :

1) Briser le déni (de la souffrance ressentie et des conséquences du jeu).

  • Amener le patient à reconnaître que le jeu augmente ses problèmes plutôt que de les diminuer.
  • La compréhension du thérapeute, la possibilité d'être pardonné, l'espoir découlant de la croyance du thérapeute que le jeu est un trouble traitable, apaise la douleur du patient, diminuant le besoin de dénier celle-ci.
  • La diminution de la douleur amène le patient à accepter ses sentiments de culpabilité et de honte, ce qui lui permet d'accepter et de

2) Confronter les défenses d'omnipotence.

  • Omnipotence : " une illusion (certains diront une désillusion) de pouvoir et de contrôle qui protège contre le sentiment d'impuissance et autres émotions intolérables (Rosenthal & Rugle, 1994, p.31).
  • Le thérapeute travaille sur trois  (3) types d'omnipotence. L'omnipotence de la pensée où le souhait a le pouvoir de " faire que les choses arrivent ". L'omnipotence de l'action où faire quelque chose est mieux que de ne rien faire (l'alternative est l'impuissance ou la paralysie).
  • L'omnipotence provocatrice où le comportement de prise de risque permet de se prouver sa puissance.
  • Le jeu renforce l'omnipotence. Il est essentiel à l'activité du jeu que la personne croit qu'elle peut prédire le future et qu'elle peut contrôler l'incontrôlable (le hasard).

3) Interrompre le cycle du«chasing» (retour au jeu dans l'espoir de se refaire).

  • Découvrir la/les raisons personnelles pour laquelle ou lesquelles le patient a ce comportement. Tous les patients n'ont pas la ou  les mêmes raisons de «chaser»: empêcher que les proches apprennent les habitudes de jeu, estime de soi (il est inconcevable de perdre),  honte, etc.
  • Quand la source du comportement est découverte, on peut travailler directement dessus (ex : l'estime de soi).
  • Le «chasing» amènent les conséquences suivantes: plus grande prise de risque, abandon des stratégies raisonnables de jeu, augmentation de la pensée irrationnelle.

4) Identifier les raisons du jeu.

  • Chaque joueur a ses raisons de jouer
  • Nécessité de succès spectaculaire résultant du besoin de démontrer sa valeur personnelle et d'obtenir l'approbation des autres.
  • Expression de rébellion et de colère basée sur l'Assomption que le jeu est un comportement qui sera vu par la famille et les autres comme déviant.
  • Libération d'un état de dépendance par la recherche d'une activité que le joueur peut contrôler, prenant appuie sur le lien qu'il établit entre indépendance financière et indépendance émotive.
  • Acceptation sociale (tous sont égaux  autours d'une table de jeux, si vous avez de l'argent vous êtes accepté).
  • Fuite face à des émotions douloureuses intolérables. Les joueurs dépressifs peuvent ressentir un regain d'énergie ou une libération d'endorphine en jouant. Ensuite, le jeu demande de l'attention, ce qui a un effet distrayant des problèmes. De plus, les activités à hauts risques contrent le sentiment de vide et de mort. En outre, pour les personnes souffrant de trouble d'hyperactivité le jeu, comme la cocaïne ou les amphétamines, a comme effet de les ralentir. Enfin, le jeu peut  aussi être pratiqué afin de prolonger la phase maniaque d'un trouble bipolaire (maniaco-dépression).
  • Une personne peut jouer aussi parce qu'il a appris dans sa famille qu'il est nécessaire de performer (avoir du succès matériel) pour avoir l'attention et être reconnu. La persévérance, qui est souvent une valeur importante dans ces familles, peut venir soutenir le comportement de «chasing».

5) Motiver le patient à devenir un participant actif au traitement.


  • Le besoin, typique du joueur, de recherche d'action et de solutions pratiques est mis à profit dans le traitement en l'aidant à devenir un participant actif dans sa propre guérison.
  • Un plan est mis sur pieds.
  • Chaque contestation du joueur face à une activité est une opportunité de travailler sur le déni du patient face à la somme de jeu pratiquée et à ses conséquences.
  • Il y a plusieurs questions pratiques face auxquelles des décisions doivent être prises : doit-il abandonner le contrôle des finances familiales? Avoir accès à ses cartes de crédits ou sa paye ? Ne pas prendre de billets de saison de son équipe de sport favorite ? , etc.
  • Une implication active dans les Gamblers Anonymes est recommandée. Par exemple, la première étape des G.A. (reconnaître son impuissance face au jeu) demande l'abandon de l'omnipotence. Autre exemple: l'idée fondamentale " d'un jour à la fois " donne l'opportunité de prendre des décisions dont les conséquences ne sont pas éternelles (on recommence le lendemain). La personne devient donc plus confiante en ses actions et plus responsable de son comportement.
  • Les résistances à l'implication dans les G.A. sont analysées. Cependant, un refus de participation n'est pas toujours une défense. Cela peut aussi être dû à  une phobie sociale, de la paranoïa ou une structure de personnalité-limite (les liens étroits du groupe sont vécus comme trop proches, provoquant la peur d'une perte d'identité).
  • Le patient décide lui-même des activités de remplacements qu'il désire poursuivre

EFFICACITÉ

Ce mélange de thérapie psychodynamique et de support n'a pas été évalué.
Cependant, 57% seraient complètement guéris de leur névrose et 75% de leurs symptômes de jeu (Bergler, 1957). Basé sur un échantillon de 60 sujets. Pas de groupe contrôle, car étude clinique.
D'autres dynamiciens rapportent de bons succès (Lindner, 1950 ; Martussek, 1953 ; Harris, 1964)




THÉRAPIE PSYCHODYNAMIQUE DE GROUPE (Haustein & Schürgers, 1992)

POSTULAT

Les interactions au sein du groupe offrent une occasion extraordinaire d'expression des conflits psychiques (appelée " transfert "). En d'autres mots, les patients reproduisent dans leurs relations au groupe en tant qu'entité et aux membres du groupe, les conflits qui ont pris naissance dans l'enfance. Par exemple, l'individu aux prises avec un conflit tournant autours des pulsions agressives, aura tendance à adopter des comportements sadiques ou masochismes envers les autres membres du groupe ou le thérapeute. Par ailleurs, le patient dont le conflit psychique majeur tourneraient autours des notions d'identité et de fusion (issu de la relation mère-enfant) tendra à se " fusionner au groupe ", entre autres en parlant toujours au " nous " et jamais au " je ".

BUTS

  • Améliorer la perception qu'a le joueur de lui-même et des autres.
  • Améliorer sa perception de la réalité (test de la réalité).
  • Améliorer sa tolérance à la frustration.

TRAITEMENT

  • Les conflits psychiques qui sont déplacés et revécus au sein du groupe sont interprétés et soulignés au joueur. Celui-ci verbalise sur la façon dont il vit ses relations avec les autres membres du groupe et avec le thérapeute.
  • Le patient reçoit de l'aide en ce qui concerne les fonctions du Moi, qui sont des fonctions reliées à la gestion de la réalité (ex : gérer l'argent), afin qu'il puisse prendre conscience de ses déficits à ce niveau en regardant comment agit l'autre personne.
  • Le groupe a un nombre limité de rencontres.
  • Il n'y a pas de nouveaux membres qui se joignent au groupe durant le temps que dure ce groupe.
  • Cela évite de créer un climat d'instabilité qui pourrait perturber les patients.
  • En connaissant d'avance le moment où prendra fin le traitement, il y a moins de chance d'abandon.
  • Le thérapeute doit être actif et directif et non froid et détaché comme c'est le cas dans les thérapies de psychanalyse traditionnelle.

Les discussions doivent être très structurées et centrées sur 3 sujets :

  • Qu'est-ce que je peux faire de façon pratique pour rendre le chemin vers les appareils de jeu (les billets de loterie, les salles de bingo, etc.) plus difficile ?
  • Quel était la situation et que s'est-il passé juste avant la dernière rechute ?
  • Comment me sentais-je avant, pendant et après le jeu ?

EFFICACITÉ

L'efficacité n'a pas été mesurée.



Par Christine Tassé , Maître en psychologie clinique option psycho-dynamique.

N.B. : Cette recherche n'est pas exhaustive. De plus, certains documents n'étant pas disponibles au moment où elle fût effectuée, il est possible que des traitements plus récents n'y figurent pas