Une “thèse”. Voilà bien un mot que l’on entend de temps à autre, ici ou là, sans vraiment savoir de quoi il s’agit. Pour la plupart des étudiants en droit, ce mot ne prend sa signification (et encore n’est-ce qu’une première approximation) qu’une fois qu’ils arrivent en Master II recherche (ancien DEA). On leur explique alors que la thèse est un travail de recherche scientifique qui s’apparente au mémoire qu’ils devront réaliser pour l’obtention de leur diplôme de Master, mais qui présente des objectifs et des dimensions plus “monumentaux”.Il reste à déterminer trois choses :
- qu’est-ce qu’un travail de recherche scientifique ?
- quelles sont les objectifs d’une thèse de droit public ?
- quelles sont les dimensions d’une thèse de droit public ?
1. Qu’est-ce qu’un travail de recherche scientifique ?
Il s’agit d’une activité (professionnelle) visant à récolter les informations factuelles et les informations (réputées) scientifiques disponibles sur une question donnée, à les enrichir par un effort personnel d’enquête et de réflexion et à les organiser de sorte de répondre de manière structurée à la question susmentionnée.
2. Quelle sont les objectifs d’une thèse de droit public ?
Au-delà de la très grande diversité apparente des sujets de thèse de droit public enregistrés au Fichier Central des Thèses (FCT), il apparaît d’abord que ces sujets ont rarement pour but de faciliter directement le fonctionnement ou le comportement des acteurs privés (entreprises, associations, individus, etc.). Pis, les sujets de thèse de droit public n’ont que rarement pour ambition de faciliter le fonctionnement ou le comportement des acteurs publics. Achevons la désillusion en reconnaissant que si les sujets de thèse de droit public ont généralement pour but de faire progresser la doctrine juridique, leur traitement s’avère dans l’immense majorité des cas ne pas être à la hauteur de l’ambition (combien de thèses sont citées dans les manuels de droit public, dans les articles scientifiques, dans les mélanges, etc. ?).
Finalement, la thèse apparaît le plus souvent simplement comme le moyen de montrer que l’on est un juriste suffisamment endurant (car la thèse n’est pas toujours une partie de plaisir), voire têtu, qui sans être forcément génial ne commet pas d’erreurs trop impardonnables et qui a intériorisé les habitus du corps des enseignants des universités (société hiérarchisée et codée s’il en est…). En d’autres termes, l’objectif réel d’une thèse, aujourd’hui, est finalement de permettre à son auteur de devenir maître de conférence ou professeur des universités (encore qu’il ne s’agisse que d’une étape dans cette quête).
J’ai entendu dire très récemment que les choses allaient changer, l’association plus étroite des universités et des entreprises devant notamment (si elle réussit…) avoir pour effet de multiplier les thèses “courtes” (i.e. d’une durée effective de trois ans) répondant à des “commandes” du secteur privé. On verra bien…
3. Quelles sont les dimensions d’une thèse de droit public ?
S’agissant de l’oeuvre en elle-même, le standard communément admis dans les facultés de droit françaises semble être :
500 pages (sans compter ni les annexes dont le doctorant n’est pas l’auteur, ni la bibliographie), au format A4, tapées à l’ordinateur, police Times New Roman et taille 12 (ou équivalent), interligne 1,5.
S’agissant maintenant du temps de recherche et de rédaction de cette oeuvre, une thèse de doctorat est supposée être réalisée en trois ans à compter de la rentrée universitaire suivant l’obtention du diplôme de Master (ou équivalent). C’est ce que dit le droit, tout en prévoyant la possibilité pour le doctorant de demander au directeur de l’école doctorale à laquelle il est rattaché une dérogation lui permettant de s’inscrire en 4e année de thèse, puis en 5e année de thèse, etc.
En principe, ces dérogations devraient être accordées au compte-gouttes, de sorte de seulement pallier les difficultés de la vie les moins ordinaires auxquelles certains doctorants peuvent être confrontés. Dans la pratique, au sein des facultés de droit, nombre de directeurs d’école doctorale accordent presque automatiquement et autant de fois que cela leur est demandé de telles dérogations. Mais là encore, il paraît que les choses vont changer. Reste que nombre de professeurs de droit considèrent qu’un doctorant se destinant à la carrière universitaire peut, selon son sujet de thèse, mettre jusqu’à 5 ans pour traiter celui-ci sans se voir reprocher d’avoir été trop lent. Le standard tendrait donc à devenir un laps de temps allant de 3 à 5 ans pour une thèse de droit public (alors qu’aujourd’hui il n’est pas rare de voir des thèses soutenues après 6, 7 ou 8 ans de travail !).