Semer du vent

Publié le 28 novembre 2011 par Alteroueb

Il y a un peu de monde ce jour devant l’Assemblée Nationale. Cette petite troupe bigarrée s’agite, mais son message est couvert par les bruits de la circulation. Les automobilistes pressés passent, sans rien voir, sans rien entendre d’autre que le vacarme continu des moteurs et des klaxons. Ils ont tort, parce que le cri d’alerte de quelques paysans protestataires est des plus importants : derrière les colonnes, dans l’hémicycle, on examine un texte qui remet en cause pour les hommes de la terre le droit de ressemer leur propre récolte.

Inutile de gratter plus longtemps pour savoir qui peut bien proposer une nouvelle loi si urgente, si fondamentale dans notre beau monde libéral. Christian Demuynck, sénateur UMP et proche de Toto 1er, justifie sa proposition de loi afin de «relancer la recherche agricole en France». En pratique, le texte propose d’autoriser la semence de ferme pour quelques espèces, en échange du paiement d’une «contribution volontaire obligatoire» (CVO), et d’interdire cette pratique pour toutes les autres espèces. Ainsi, les choses sont claires : pour obliger le passage vers les semenciers, on interdit purement et simplement par la Loi une pratique ancestrale : semer une partie de la récolte précédente… Au passage, vous aurez remarqué le néologisme «Contribution volontaire obligatoire». Très fort…

«Tous les exploitants du monde agricole» doivent contribuer à l’effort de financement de l’innovation, via la CVO, indique t-on dans les rangs UMP. Tout le monde va donc devoir cracher au bassinet, où plus simplement, comment comment faire payer un usage élémentaire, naturel, totalement dénué de toute notion marchande… et rémunérer sans raison une nébuleuse de type Monsanto, quelque chose d’opaque qui n’apporte rien d’autre que du vent…

Après avoir fichu par terre la recherche agronomique publique (l’INRA), victime des coups de boutoir de la RGPP, nos représentants poussent une nouvelle manne «volontaire et obligatoire» dans des poches bien privées, leur offrant sur un plateau toute l’indépendance alimentaire d’un pays, d’un continent, du Monde. Quand il s’agit de faire des affaires de ce niveau, il n’y a depuis longtemps plus de frontières. On sait bien ce qu’il en ressortira : les OGM et le progrès génétique sauveront le monde de la faim… Mais bien sûr. Et la marmotte met le chocolat dans le papier alu…

Mais il finira par se lever, le vent de la révolte.