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Reprendre la main : un objectif pour Sarkozy, un programme pour les Français ?

Publié le 29 novembre 2011 par Cahier

A Toulon, ce Jeudi 1er décembre, le Président Nicolas Sarkozy prononcera un discours fondateur en cette drôle de campagne, qui tait son nom; Toulon, ville symbole de l’UMP, et où le Président s’était érigé contre les dérives de la finance en septembre 2008. Toulon, fil rouge entre ce quinquennat passé et le programme de 2012 ;

Entre ces deux dates, le Président tente de reconstruire une mythologie, un combat contre le sentiment de dépossession. Contre l’impuissance face aux dérives financières. Contre la fatalité du déclin.

Car, au-delà des catalogues de réformes et thèmes testés depuis quelques mois par l’UMP,  le Président sortant doit proposer une vision de la France et du quinquennat à venir. Une vision et une cause suffisamment puissante et impliquante pour reléguer au second rang la répulsion épidermique que nourrissent une partie des électeurs populaires envers celui qui « les a trahis ».

Or, tous les thèmes déployés par l’UMP ces derniers mois convergent vers cette aspiration protéiforme, transpartisane, et sourde de nos compatriotes : lutter contre le sentiment de dépossession, d’impuissance et croire qu’une reprise en main est encore possible. Ce sentiment de est transversal. C’est un prisme, une posture de repli qui colore la position sur des sujets économiques et sociétaux :

1. Une dépossession économique incarnée par la mondialisation.

La mondialisation est clairement vécue comme une menace pur nos compatriotes. Selon un dernier sondage réalisé par TNS Sofres, 50 % des français perçoivent la mondialisation comme une menace, contre 37% seulement qui y voient une opportunité. Et parmi les plus réticents, on retrouve les électeurs du front national, dont les reports de voix au second tour font cruellement défaut au Président sortant. Synonyme de délocalisation, d’importation, et d’absence de régulation, la mondialisation est le nom repoussoir d’un système hors de contrôle, régi par d’obscures entités, et qui dépossèdent les catégories populaires de leur travail. Bref, aux yeux d’une majorité de nos compatriotes, la mondialisation est ce monde virtuel qui a séparé la France entre les gagnants minoritaires, et les autres.

2. Une dépossession culturelle

Face à une économie qui ne joue plus son rôle d’intégration, les perdants de la mondialisation cherchent dans les valeurs le palliatif symbolique à la puissance perdue. Et voient dans les flux migratoires le risque d’une dilution de ces mêmes valeurs : selon une étude ifop pour le Monde, 40 % de nos compatriotes considèrent que l’islam est « plutôt une menace pour l’identité du pays », contre 22% qui y voient « plutôt un facteur d’enrichissement pour notre pays ». Cette dépossession culturelle cristallisée autour de l’immigration est au cœur du débat sur le droit de vote des étrangers ; Si l’UMP s’arc-boute contre cette mesure qui recueille globalement l’assentiment des Français, c’est parce qu’elle sait l’opposition au sein des électeurs du FN est puissante, et conditionne le report de voix au second tour.

3. La défaite du bon sens et la trahison des experts

Au-delà, ce sentiment de dépossession est exacerbé par la répulsion envers les intellectuels, les élites qui auraient joué leur intérêt personnel au détriment du peuple ; Le succès de l’ouvrage de Pascal Boniface est le dernier opus d’un divorce consommé entre les Français et les « sachants », thème qui a nourri le succès du FN ces dernières années. Conséquence directe, les discours techniques sont discrédités à priori, soupçonnés de manipulation. A l’inverse, le bon sens, slogan que l’on retrouve dans de nombreuses campagnes de communication, connait un retour en force ; Il est un moyen pour nos compatriotes de reprendre pied sur des sujets parfois techniques, de retrouver une légitimité. Au cœur de cette campagne, la simplicité des discours et la compréhension des mesures occuperont une place primordiale. 

Nicolas Sarkozy, peut-il répondre à ce sentiment de dépossession, articuler son programme autour de la réappropriation du destin individuel et collectif et promettre que « demain est entre nos mains » ?

1. Des traits de personnalité favorables.

Le Président dispose d’abord de traits de personnalité qui pourraient être décisifs pour crédibiliser cette posture.

D’abord le volontarisme. Selon un sondage TNS Sofres, une majorité de Français s’accordent à trouver Nicolas Sarkozy volontaire. 35% estiment que cet adjectif s’applique très bien au Président, contre 18% à François Hollande. Second item à mettre au crédit du Président sortant : l’autorité. Dans le même sondage, 75% des compatriotes estiment que l’item « capable de prendre des décisions » s’applique bien à Nicolas Sarkozy contre 57% à François Hollande. Enfin, l’indépendance, et notamment vis-à-vis des marchés financiers, constitue une autre qualité reconnue au Président de la République. Selon Harris Interactive, Nicolas Sarkozy apparait « comme la personnalité politique la plus susceptible d’adopter un programme politique élaboré indépendamment des pressions des marchés financiers », devançant d’une courte tête François Hollande.

Cette adéquation entre la personnalité apparente du candidat et le message qu’il porte, est primordiale. En 2007, Nicolas Sarkozy par son histoire de fils d’immigré, incarnait une France de la méritocratie où tout devient possible. La crise de 2011 est risquée tant elle peut mettre à nu l’impuissance du Président. Mais cette situation économique a aussi un double mérite : d’abord mettre en scène l’image d’un Président qui n’abdique pas. Et façonner l’image d’un Président qui mouille sa chemise et recrée une proximité avec les français à travers une expérience partagée de la souffrance. En d’autres termes, le Président peut retrouver une humanité dans les difficultés qu’il tente de relever.

2. Avec ses premiers thèmes de campagne, l’UMP vante une France qui reprend la main.

Les thèmes qui sont testés depuis quelques mois constituent des preuves activables et à même de justifier le positionnement du candidat. La lutte contre les dérives et les fraudes, thème porteur relevé par Délits d’Opinion il y a un an, rencontre l’exaspération de nos compatriotes vis-à vis de ceux qui profitent du système. Le sujet est jugé important voire prioritaire par 71% de nos compatriotes. Car, lutter contre les fraudes, c’est retrouver une autorité face aux dérives d’un système tentaculaire.

D’autres thèmes pourraient décliner cette posture. La refonte de la justice devra jouer une place centrale dans la campagne ; Amorcé avec la création de jurys populaires durant le premier quinquennat, le contrôle accru du citoyen sur la justice pourrait être complété par des mesures d’encadrement et de contrôle des peines exécutées.

Sur le plan économique, le Président semble avoir trouvé dans la défense du nucléaire, le symbole d’une indépendance nationale que la gauche remettrait en cause. La question du protectionnisme douanier pourrait aussi rencontrer un fort écho parmi nos compatriotes. Ainsi, 65% de nos compatriotes souhaitent renforcer les taxes douanières. Un chiffre qui monte à presque 90 % vis-à-vis des entreprises ne respectant pas les conditions minimales de dignité des salariés.

***

Promettre que « demain est entre nos mains »: Le Président tient peut-être sa cause. Un angle qui n’est pas dénué des risques. Mal exécuté, ce programme peut vite se comprendre comme un repli identitaire : c’est pour lutter contre cette tension évidente que l’UMP cherche à donner à ce virage idéologique une dimension de conquête. A travers l’idée de ré-industrialisation, à travers le concept de made in France, à travers le thème de la compétitivité il s’agit de séduire une frange plus centriste, plus européenne, qui envisage d’abord le quinquennat à venir non comme un repli, mais comme l’ardente obligation de reprendre la main dans le jeu de la mondialisation.

Enfin, revendiquer l’indépendance de son destin peut sembler contradictoire avec les nouvelles règles de gouvernance européenne mises en place pour sauver l’euro. L’annonce par le Journal du dimanche, le 28 novembre, de mesures supranationales, mettant sous tutelle les pays ne respectant pas les critères de Maastricht, constitue objectivement une remise en cause de la souveraineté nationale…Mais en politique aussi, la meilleure défense est bien souvent l’attaque.


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