Interview Publicist
Le mec tout seul torse nu derrière sa batterie posée à même le sol et qui fait méchamment danser les gens devant, c'est Sebastian Thomson, aka Publicist. Il est aussi connu pour être le batteur de Trans Am, un groupe de post-rock formé dans les années 90, mythique pour ceux qui connaissent. Donc samedi dernier, Sebastian Thomson s'est ramené à l'I.Boat pour servir sa disco vocodée extrêmement entraînante à la petite vingtaine de personnes présentes (oui, seulement vingt, c'est scandaleux). C'était génial et vous avez manqué un truc. Une heure avant le concert, j'ai rencontré l'homme dans les cales du bateau, il a essayé de me faire goûter du lait de soja mais j'ai décliné et préféré faire une bataille de blagues.
TEA : Qu'est ce qui s'est passé ? Un jour tu t'es dit "Je vais faire un projet solo d'electro" ? Sebastian Thomson : Trans Am est un groupe qui est très démocratique, toutes les responsabilités sont partagées. C'est pour cela qu'on sait tout faire. Enfin, je veux dire que je joue de la batterie, mais aussi de la basse et des synthés, parce qu'on se dit tout. Donc à un moment j'ai réalisé que je pouvais faire tout ça moi-même. Être dans un groupe c'est super, j'aime mes amis, mais il y a l'inconvénient que chaque décision doit être prise en groupe. Alors quand tu veux tourner ou enregistrer, ça doit être une décision du groupe et c'est chiant des fois. D'un côté tu es très indépendant parce que tu es un musicien et que tu n'as pas de boss, mais tu es aussi pas indépendant du tout parce que tu as deux femmes, tu vois ce que je veux dire. (rires). Donc en gros le groupe a été a plein temps pendant longtemps, on a énormément tourné. Et j'étais à Londres et il y a plein de musique electronique underground cool ici, des clubs cools et de super fêtes, tellement plus qu'à Washington d'où je viens. Donc j'étais à une de ces soirées et je me disais "C'est super, j'adore ça. Tu sais quoi ? Pourquoi pas ? Ce sera un projet bizarre." Au lieu de programmer la batterie et jouer du synthé en live, ce que font la plupart des groupes, je programme les synthés et je joue de la batterie en live, c'est l'opposé quoi. Et j'ai trouvé que ce serait un projet intéressant et étrange. Ça a commencé comme une blague et après, on a commencé à me proposer des concerts et c'est devenu plus sérieux depuis genre deux ans et demi. Avant je jouais avec Trans Am et aussi dans un groupe londonien qui s'appelle les Dead Kids, alors Publicist n'était pas ma priorité. Mais maintenant c'est Publicist en premier, c'est sûr, parce que les mecs de Trans Am sont mariés, ont des enfants, un travail, donc on ne tourne plus beaucoup. C'est avec Publicist que je gagne ma vie aujourd'hui.
Qu'est ce que t'apporte Publicist par rapport à Trans Am et Weird War, en plus de l'indépendance ? Dans Weird War je n'écrivais pas grand chose. Le challenge pour moi c'était que je voulais faire ce que les autres me disaient de faire. J'étais plus un batteur de studio. J'aimais ça parce que ce n'était pas mon seul groupe. Si ça avait été le cas, j'aurais été frustré. Mais c'est marrant de faire ce qu'un groupe veut. Je ne jouais pas de la manière dont j'aurais pensé jouer ça. Dans Trans Am j'écris beaucoup. Mais dans Publicist j'écris vraiment tout ce que je veux. Ce qui est super, mais parfois c'est dur d'avoir du recul par rapport à ta musique. Mon avis sur mes chansons devient plus honnête avec le temps. Quand tu finis un morceaux t'es juste là "J'ai trimé toute la semaine sur cette putain de chanson, alors elle a intérêt à être bien". Mais trois mois après tu penses qu'elle n'est pas si bien en fait (rires). Et c'est comme ça que tu commences à avoir de la distance. Et c'est comme si tu écris une chanson en cinq minutes, tu te dis que ce n'est pas important parce que tu l'as écrite en cinq minutes, et ensuite, deux mois après : "C'est la meilleure chose que j'ai jamais écrite !" (rires). Il y a des morceaux où je me bats pendant des mois pour finir, en changeant des petites choses, souvent en tournant en rond, et d'autres fois où je le fais en un jour, soudainement (rires). Il n'y a pas de logique à ça.
Et tu as combien de chansons là ? Pfiou ! Je ne sais pas (rires). Genre quarante. Je ne joue que dix chansons en live. Mais j'ai l'impression que je suis en constante évolution et c'est cool quoi. Et j'ai le sentiment d'apprendre encore des choses, ce qui est cool. C'est différent de ce que je faisais il y a vingt ans avec Trans Am. Et j'apprends aussi des choses par rapport à l'écriture ou à la production, des techniques qui n'existaient pas il y a vingt ans.
Et avec tes quarante chansons t'as même pas sorti un album ? Ben beaucoup de chansons sont vieilles et je ne les aime pas (rires). Certaines sont sorties, j'ai fait cinq EPs. Et maintenant j'ai plein de nouvelles chansons. Quand je rentre en Amérique en décembre, je vais dans un studio d'enregistrement et je veux faire un LP. Je ne veux plus faire d'EP. Si possible. On verra après qui ça intéressera. J'espère que mes labels ne sont pas en train d'écouter là, mais en fait, ils n'en ont rien à foutre. Ils sortent juste l'EP et ils ne font aucune promo à côté. Tu vois ce que je veux dire ? "Pourquoi je vous ai donné ma musique ?" C'est pour ça que j'ai payé une agence de com en France, mais avec mon propre argent. Je suis très excité à l'idée d'enregistrer. Tout ce que j'ai fait avant était très DIY, alors là je vais dépenser plus de temps et d'argent sur cet enregistrement, ça va être cool.
Tu joues toujours par terre au lieu d'être sur scène ? Tu as lu mon manifeste ? Le truc sur la fête ? Ouais. Imagine tu es au Moyen Âge à une fête avec genre des troubadours, ok ? Ils ne jouent pas sur une scène mais dans un coin, et tout le monde est bourré et danse. La scène est une situation formelle. Quand les tribus faisaient des fêtes il n'y avait pas une putain de scène (rires). Tu vois ce que je veux dire hein ? Et aussi quand il y a quelqu'un sur une scène, les gens finissent juste par rester là à scotcher. Quand tu es par terre, les dix premières personnes peuvent te voir, mais tous les autres derrières sont genre "Qu'est ce qui se passe ici ?". Et c'est intéressant. Et en plus, je veux dire, c'est juste moi en train de jouer de la batterie, ce n'est pas une magnifique fille qui danse sur scène. Ce n'est pas la chose la plus visuelle qui soit. Une de mes peurs est que, tu connais drum clinic ? C'est genre un célèbre batteur de studio qui parle à un séminaire et fais des démonstrations à d'autres batteurs et tous les jeunes sont là, à prendre des notes. Je ne veux pas ressembler à ça. Je détesterais ressembler à ça.
C'est quoi ton problème avec ta chaîne que tu portes en concert ? (l'air trop content) C'est quelque chose à regarder ! Quand je joue, tu vois. Un pote me l'a donnée et ça a commencé comme une blague et maintenant, je me dois de les porter. Quand je n'ai pas ma chaîne, on m'engueule. C'est une sorte de gimmick visuel.
Quel est le pire concert que tu aies jamais joué ? Peut être ce soir (rires). Oh, le pire concert que j'ai fait c'était avec mes amis Tussle, de San Francisco. On était dans une petite ville froide du Danemark. C'était genre un vendredi soir dans un coffee shop anarcho-punk. Ok ? Et il y avait genre trois mecs assis à parler. Et entre les chansons je faisais "Hé les mecs, la vie est plus belle quand vous vous levez et dansez" et ils bougeaient pas. Donc c'était genre moi, Tussle, les trois mecs et le patron du bar. C'était trop horrible (rires). Et j'ai commencé à changer les paroles des chansons, que de toute façon on ne peut pas vraiment comprendre avec le vocoder, mais je me foutais juste d'eux et du Danemark (rires).
Si tu étais une femme célèbre, qui serais-tu ? Il y a des femmes célèbres ? Je rigole, réaction sexiste. Laisse moi réfléchir. Je ne sais pas si je voudrais être un homme ou une femme célèbre... Tu sais, à l'école tu dois faire des réactions sur ton modèle absolu, et j'ai toujours eu un problème avec cette question. J'aime certains musiciens, écrivains, réalisateurs ou scientifiques, mais je ne veux pas être eux. Donc je ne peux que répondre ça. Je suis tellement focalisé sur l'avancée de mon propre projet...
Tu as une blague à raconter ? Je connais plein de blagues. (rires) Celle-ci est méchante. Pourquoi Superman n'a pas empêché le 11 septembre ? Parce qu'il était paralysé (rires). C'est une blague horrible. Ok, j'en ai une aussi, qu'est ce qui est jaune et qui dort tout seul ? Yoko Ono. (rires) Ok, comment appelle-t-on le premier homme noir sur la lune ? Un astronaute, gros connard de raciste. C'est pas mal hein ? Celle-ci ne marche qu'en anglais : What did the cannibal do after he dumped his girlfriend? Wiped his ass. (rires)
Pour finir, tu as autre chose à dire ? Je ne sais pas, je suis un peu inquiet par rapport au concert de ce soir, parce qu'on dirait qu'il n'y a pas de vibe, il est beaucoup trop tôt.