La journée de la jugeote

Publié le 28 novembre 2011 par La Bienveillante @Ema_Dellorto

Je ne l'ai pas faite.
La journée de la jupe. Je prenais le train. Comme le jour de travail d'avant. Comme celui d'après.

6 heures à chaque fois pour rejoindre l'Ouest de la France puis s'en extraire.

En l'occurence, un peu plus, car je marchais sur les traces du convoi radioactif dont des "actes de malveillances" avaient ralenti la progression et endommagé la voierie.

Or, je fais le chien, en train. Ca me berce, je m'endors. Comme eux. Et : en position de chien de fusil.

C'est une attitude fort peu encouragée parmi ma corporation, les consultants.

Le temps de transport se doit d'être un temps utile, un temps de travail, j'en connais qui finissent leur rapport entre 7h07 (départ du train) et 10h04 (arrivée à Cherbourg).

Moi, le matin, hagarde vers les 5h, ma seule exigence avant de partir est d'avoir de belles chaussettes, en forme et qui sentent bon, pour enlever mes chaussures dès posée dans le wagon, replier les jambes que j'ai heureusement courtes, faire un coussin de mon sac en cuir rempli de dossiers et une couette de mon manteau déchiqueté.

Pour faire revenir la nuit à moi, je déroule le col de mon col roulé et m'y cache le visage. Ca suffoque.

Si donc j'avais porté une jupe, dans ces conditions de vie, j'aurais eu le mérite de pousser à fond le concept de disponibilité sexuelle.

Et ainsi aidé mes soeurs les femmes à démontrer le caractère animal des hommes tous des (domi)niqueurs.

Or, c'est justement à cette occasion, à l'occasion de la journée du viol de la jupe que je remarque à quel point mon statut de femme a peu d'importance dans mon cadre de travail, à savoir depuis que j'ai quitté un monde de la recherche profondément misogyne.

Je dois faire ma "cible", surveiller mon nombre de jours facturés, bien "atterrir" à la fin de l'année, un vocabulaire qui ne m'enchante guère. Mais je n'ai jamais l'impression d'être particulièrement une femme quand je bosse.

Comme le client me paie pour causer, il n'a pas intérêt à saturer l'espace de nos échanges de ses propres idées.

Je suis d'emblée en position d'experte telle une prostituée dont on ne met pas en doute la capacité à faire le (blow) job.

Cette confiance qui m'est offerte est bien loin du mépris que mes collègues masculins de l'époque témoignaient à l'égard des femmes qui se piquent de penser.

Dans l'Intellectuasie où la parole est gratuite mais aussi précieuse qu'une barre de sel pour les Baruyas de Papouasie-Nouvelle Guinée, nous les dégoutions autant qu'une femme menstruée pour ces derniers.

"Dans le registre de la séduction, la culture occidentale promeut encore le modèle de l’homme entreprenant, auquel répond celui de la femme passive séductrice, dans l’attente de se voir proposer quelque chose. Lorsqu’il faut se vendre et vendre ses travaux dans les conférences internationales, démontrer qu’on est le meilleur, quoi de plus normal que les hommes soient plus à l’aise, quand la publication du moi passe avant celle de la science ? " Vincent Berger / Président de l'Université Paris-Diderot