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La rouille...(d'après maupassant)

Publié le 27 novembre 2011 par Dubruel

 

Il chassait tous les jours.

Il chassait au tiré, à courre,

Au chien courant, au chien d’arrêt,

À l’affût, au miroir, au furet.

Il ne parlait que de chasse,

Ne rêvait que de chasse !

Il avait cinquante ans,

Était chauve, un peu gros maintenant.

Il se nommait le Baron G. de Motteloir.

Célibataire, il habitait un beau manoir.

Il ne rencontrait

Que des chasseurs, ne fréquentait

Qu’une famille

Des voisins aimables, les Courville.

Dans ce château, il était aimé, dorloté.

Il répétait : -Je ne voudrais point les quitter.

Là, il avait toujours

Des histoires de chasse à raconter.

Un jour,

À la fin de l’été

Mme de Courville lui dit :

-Je vais bien parmi mes amies

Vous trouver un bon parti.

Elle choisit

Une veuve de quarante ans

Encore jolie et de caractère charmant.

Elle s’appelait Berthe Loventa

On l’invita

Pour un long séjour au château.

Elle s’ennuyait. Elle vint.

M. de Motteloir lui plût aussitôt.

Elle lui posait des questions

Sur les sentiments des lapins

Et les machinations des renards.

Quelques semaines plus tard,

Le baron, ravi par l’attention

Qu’elle lui donnait,

Et pour lui témoigner son estime,

La pria de participer à l’ultime

Chasse de la saison.

Cette invitation paraissait

Si drôle qu’elle accepta.

Motteloir lui expliqua

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Minutieusement la direction

Du vent, les différents arrêts

Des chiens, la façon de tirer.

Puis dans un champ il la poussa

En la suivant pas à pas.

La veuve tira les deux coups

Et Médor rapporta deux perdrix.

Le baron dansait comme un fou.

Il était amoureux, pardi !

Dorénavant, Motteloir

Venait tous les soirs

Causer avec elle.

Une fois Courville l’écoutant

S’extasier sur sa conquête nouvelle,

Brusquement 

Lui demanda :

-Pourquoi ne l’épousez-vous pas ?

Le baron, saisi,

Partit.

Il ne revint que trois jours plus tard,

Prit Courville à part :

-Vous avez eu une fameuse idée.

Tâchez de la préparer à m’accepter.

-Faites donc votre demande maintenant.

-Non, je dois faire

Auparavant

Un petit voyage d’affaires

À Paris.

Dès mon retour, je vous donnerai mon avis.

Le voyage dura longtemps. Une semaine,

Deux semaines, trois semaines…

Motteloir ne reparaissait pas.

Les Courville, inquiets, ne savaient pas

Quoi dire à Mme Loventa qu’ils avaient prévenue

De la démarche de Motteloir.

Tous les deux ou trois jours, ils envoyaient

Prendre de ses nouvelles au manoir.

Aucun de ses serviteurs n’en avait reçu.

Un soir, alors que Berthe chantait

Un air ancien, le baron

Entra au salon,

S’approcha de Courville :

-J’arrive à l’instant de notre grande ville

Je suis bien las.

Puis il hésita,

Visiblement embarrassé :

-Cette affaire…est…manquée, tu sais !

Courville le regarda stupéfait :

-Comment ? Manquée ?...

Le baron alors lui expliqua :

-Je ne peux pas.

Ce n’est pas un caprice de môme,

J’agis en honnête homme.

Je n’ai pas le droit, tu entends,

Plus le droit de l’épouser maintenant

J’attendrai que Berthe soit

Partie pour revenir chez toi.

Il me serait trop douloureux de la revoir.

Adieu, lui dit Motteloir.

Toute la famille Courville discuta,

Délibéra, supputa.

Un mystère caché dans la vie du baron ?

Un enfant naturel ? Une vieille liaison ?

L’affaire paraissait grave, ardue.

On prévint Berthe qui s’en retourna,

Veuve comme était venue.

Une demi-année se passa.

Un soir, après avoir diné fortement

Et titubant imperceptiblement,

Motteloir dit à Courville :

-Je pense souvent à votre amie…

Réponse de Courville :

-Quand on a des secrets dans sa vie,

On ne pousse pas ainsi ses pions

Car enfin, tu pouvais prévoir la raison

De ta reculade, assurément.

-Je vois bien que je vous ai tous blessé.

Je vais donc calmement

Tout te dire pour me faire excuser.

Depuis trente ans, mon ami,

Je ne vis

Que pour la chasse. Aussi, au moment

De proposer à Berthe qu’on se fiance,

Un scrupule de conscience

M’est venu. Depuis le temps…

J’ai perdu l’habitude de…

De…de l’amour. Enfin, je ne…

Savais plus si je serais encore capable…

C’eut été invivable.

Voici seize ans…

Que…pour la dernière fois,…tu comprends,

…Dans ce pays, ce n’est pas aussi facile…

Que tirer un coup de fusil !

Bref, au moment de m’engager…

À…ce que tu sais,

J’ai eu peur et me suis dit :

Bigre, mais si…si…,

J’allais rater. Alors pour savoir vraiment,

J’ai fait à Paris ce déplacement.

Au bout de huit jours, rien,

Mais rien.

Et ce n’est pas faute d’avoir essayé !

Elles ont fait ce qu’elles ont pu.

Oui, elles n’ont rien négligé.

Mais que veux-tu,

Elles se retiraient toujours…bredouilles,

Bredouilles, bredouilles !

J’ai attendu quinze jours,

Trois semaines, espérant toujours.

J’ai mangé des choses poivrées

Qui m’ont perdu l’estomac et…

Et rien…Toujours rien !

Tu comprends bien

Que je ne pouvais que…renoncer.

Ce que j’ai fait.

-Je te plains,

Répondit

Courville qui reconduisit

Son ami jusqu’au chemin.

Puis il alla tout raconter à sa femme

Qui objecta :

-Quand on aime sa femme

Cette chose-là…

Revient toujours.

-Oui, ma chère, …peut-être…un jour…


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