-Dis donc tante Zag,
C’est quoi cette bague ?
On dirait des cheveux d’enfant…
-Je pleure chaque fois en y pensant.
Le malheur de ma vie vient de là.
Il avait treize ans et quelques mois
Quand il s’est tué pour moi.
Ce sont ces cheveux d’or.
J’avais dix sept ans alors.
L’amour était de tradition
Dans cette maison.
Tu ne peux te figurer quel étonnant
Et précoce enfant
Était ce petit Santèze.
Il possédait toutes les tendresses.
Souvent après le diner,
Il me disait :
-Allons rêver !
Et nous partions nous promener.
Je riais et l’embrassais
Ce gamin qui m’adorait.
Il me fit la cour, une cour timide.
Moi, coquette et perfide,
Caressante, séduisante
Comme
On l’est auprès d’un homme,
J’affolai cet enfant.
Songez, Gontran avait douze ans !
Pour moi,
C’était un jeu.
Qui donc aurait pris son émoi
Au sérieux ?
Je l’embrassais tant qu’il voulait.
Je lui écrivais de doux billets.
Il me répondait des lettres de feu
Que j’ai gardées comme ses cheveux.
Un soir, il me répéta dans un étrange soupir :
-Je t’aime, je t’aime à en mourir.
Si tu me trompes, entends-tu,
Si tu m’abandonnes, je me tue.
Ah ! je fus coupable,
Bien coupable.
J’avais été trop loin, je le compris.
Même un jour, je lui fis
Des reproches et lui disais :
-Tu es trop jeune pour un amour vrai
On le mit en pension pendant une année.
Quand il revint, j’avais un fiancé.
Il garda un air si réfléchi
Que l’inquiétude m’envahit.
Deux jours plus tard, j’aperçus en me levant
Un petit papier glissé sous le contrevent.
Je l’ouvris et lisais :
-Tu m’as abandonné
Et tu sais,
C’est ma mort que tu as ordonné.
Comme c’est par toi que je veux être trouvé,
Viens sous l’arbre que je t’avais indiqué.
Je devenais folle. Je m’habillai,
Courus à l’endroit désigné,
Levai les yeux.
Gontran s’était pendu.
J’ai rompu
D’avec mon fiancé.
J’ai demandé
Une mèche de ses cheveux.
C’est la…la bague…que voici.
Je suis restée veuve de lui.
…Veuve de cet enfant
De treize ans.