Une journaliste de France 3, Caroline Sinz, a été agressée le jeudi 24 novembre sur la place Tahrir, au Caire. Elle a été frappée, dénudée, trainée au sol, et sexuellement molestée. « J’ai cru que j’allais mourir », m’a-t-elle dit au téléphone quelques heures après cet incident. Ce sont des dizaines d’adolescents qui l’ont ainsi violentée pendant près d’une heure. Elle a été sauvée in extremis par un commerçant qui l’a mise à l’abri dans son échoppe.
Caroline est une excellente journaliste, aguerrie. Elle n’a besoin ni de prouver à elle même son courage, ni de démontrer aux autres sa valeur professionnelle. Elle n’a pas pris de risques inconsidérés et elle n’a pas cherché à heurter la sensibilité de ceux dont elle était venue raconter l’histoire.
Son agression est l’expression d’une réalité bien peu évoquée par la presse qui couvre la « révolution » égyptienne. Celle d’un pays où la pauvreté et l’ignorance sont les principaux obstacles à la marche du pays vers le progrés. Et vers le développement d’un système politique, économique et social harmonieux, où les femmes auraient toute leur place.
La détermination des milieux « libéraux » à faire entrer leur pays dans la modernité est certaine. Et leurs appels à plus de liberté et de dignité sont profondément sincères. Mais ils sont insuffisants pour faire avancer vers un avenir meilleur une nation de plus de 85 millions d’habitants, dont la moitié ne sait ni lire ni écrire et vit avec deux dollars par jour. Un pays aussi où sans distinction de religion ou d’éthnie, les communautés pratiquent la violence la plus cruelle contre les femmes: la mutilation génitale.
Une récente enquête de l’ONU a établi que plus de 90 pc des Egyptiennes avaient subies une forme ou une autre de mutilations sexuelles, une pratique considérée comme de la torture. Et condamnée de façon catégorique par les religions pratiquées en Egypte, que ce soit l’Islam ou le Christianisme. Une autre enquête de l’Organisation mondiale de la santé a établi que 80 pc des femmes égyptiennes étaient régulièrement victimes de violences domestiques.
Dans ce contexte, les agressions contre des femmes journalistes occidentales –Caroline n’est pas la seule– prennent toute leur signification. Elles illustrent le manque profond de repères moraux et culturels pour des générations de jeunes hommes égyptiens. C’est cette terrible réalité, aggravée par l’explosion démographique, l’absence de travail et de perspectives, qui représente le réel défi de l’Egypte, et de ceux qui sont appelés à tenter de diriger ce pays dans l’aprés-Moubarak.