Le Harry’s Bar a 100 ans « Great bars never die ! » par Patrick Faus.#
Que faire en face d’une légende ? Respecter bien sûr. Mais aussi essayer de comprendre une telle longévité, rare et presque incongrue en nos années de zapping perpétuel et compulsif. Le temps rassure, on s’y accroche car un lieu mythique est de toute façon une partie de nous-mêmes. Nous avons de prés ou de loin une histoire commune, alors s’il vient à disparaître ou à changer fondamentalement nous perdons une part de notre propre histoire, un pan de notre vie se perd avec lui, surtout si ce pan est lié au plaisir. C’est le cas avec le Harry’s Bar. Premier paradoxe : même ceux qui n’y sont jamais entrés paraissent le connaître autant que ceux qui le fréquentent. C’est une des définitions de la célébrité. On ne reviendra pas sur les débuts qui finalement sont assez anecdotiques et classiques mais qui gardent leur originalité dans la fascination que provoque Paris au début du 20ème siècle, en 1911 en l’occurrence. Un Américain à Paris, Paris ville ouverte aux plaisirs, aux passions et extravagances diverses, de l’argent, des faillites, des rachats et finalement le New York Bar des origines devient le Harry’s Bar du prénom de celui qui, Harry MacElhone écossais bon teint, va finalement le prendre pour ne plus le lâcher puisque aujourd’hui encore Mrs Isabelle MacElhone préside aux destinées du lieu et maintient vive la flamme de l’histoire.
Entre-temps, la notoriété est venue, les célébrités aussi à toutes les époques, Hemingway bien sûr, notre maître à tous au moins en matière de descente de whisky et autres breuvages alcoolisés, les oisifs des temps passés, princes, baronnes vraies ou fausses, artistes et faiseurs, créateurs et suiveurs, et les femmes toujours, même si le bar avait alors une connotation fortement masculine. Chose incroyable en nos jours de puritanisme schizophrène, on y venait pour boire et fumer cigarettes et cigares. Le plafond d’une jolie couleur tabac en porte encore les stigmates.
Le Harry’s Bar était et est toujours un temple de l’alcool et des cocktails, ces fameux breuvages démoniaques aux alliances improbables ou redoutables qui servaient surtout à accélérer l’ivresse sous couvert de sophistication. Pas d’alcool pur qui fait peuple, mais du style et de l’imagination. Ainsi naquirent en ces lieux quelques joyaux qui font encore l’unanimité parmi les soiffards honteux du 21ème siècle méritant. Le Bloody Mary, tellement célèbre que l’on se dispute encore sa paternité, mais c’est ici et pas ailleurs que Ferdinand Petiot dit « Pete » a mis de la vodka dans les premiers jus de tomate qui arrivaient en 1920. Puis, il y eut le Side Car en 1931, le Blue Lagoon en 1960 et le Pétrifiant en 1964 concocté par Andy, fils d’Harry, et qui porte bien son nom car il peut au deuxième verre vous pétrifier sur place ! Pour fêter les 100 ans, cinq cocktails ont été créés par l’équipe dont le MCC à base de Bourbon et de jus de concombre mais qui ne restera pas dans les annales pour le prochain siècle. Les whiskies, of course… le nec plus ultra du Harry’s Bar, une des plus belles collections de whiskies, single malts et bourbons qui laissent rêveur le plus spécialiste des amateurs. On n’est pas chez les écossais pour rien ! Plus de 300 références, avec des raretés pour les pervers de la tourbe comme le Glenfargas 25 ans d’âge et autres merveilles.
Le miracle de la longévité du Harry’s Bar est là, dans ce choix d’alcools de toutes origines et de tous les styles, dans la créativité des faiseurs de cocktails, dans l’esprit d’équipe du lieu où il n’y a pas de chef barman, dans la vieille machine a real hot dogs qui trône sur le bar, dans les fausses élections américaines avant la vraie, mais pas seulement. L’esprit fait la force, l’âme construit la pérennité. Les deux sont inhérents à l’histoire du lieu. Le Harry’s Bar est tellement de choses à la fois : une enclave américaine à Paris et la fascination de l’Amérique ne faiblit pas malgré les apparences ; le décor immuable en bois magnifique, témoin vivant d’un autre temps ; les hommes en blancs ces barmen infatigables aux connaissances sans faille, et l’ambiance changeante suivant les heures du jour et de la nuit chacun ayant sa préférée, son monde à lui. Cependant, depuis quelques années, the times they are a’changing : les interdictions qui surgissent de toute part sous couvert de santé et de « bien-être », boire ou conduire il faut choisir, les fumeurs relégués sur le pavé qu’il pleuve ou qu’il vente, l’arrivée récente des femmes dans les lieux d’hommes qui change la donne, les attitudes et les propos, en bien ou en moins bien, l’avenir le dira. D’ailleurs n’est-ce pas pour la première fois une femme qui le dirige… signe des temps, encore. Mais le Harry’s Bar est plus fort que le temps, plus fort que nous. D’où l’amour que nous lui portons et celui-là est éternel.Harry’s Bar
5, rue Daunou (of course !)
75002 Paris
Tél : 01 42 61 71 14
www.harrysbar.fr
Ouvert tous les jours de 12h à 2h du matin
(3h du matin le week-end)
Musique live du mardi au samedi, de 22h à la fermeture
A lire absolument
The original Harry’s Bar
par Isabelle MacElhone
Editions La Martinière
25 €
Entre-temps, la notoriété est venue, les célébrités aussi à toutes les époques, Hemingway bien sûr, notre maître à tous au moins en matière de descente de whisky et autres breuvages alcoolisés, les oisifs des temps passés, princes, baronnes vraies ou fausses, artistes et faiseurs, créateurs et suiveurs, et les femmes toujours, même si le bar avait alors une connotation fortement masculine. Chose incroyable en nos jours de puritanisme schizophrène, on y venait pour boire et fumer cigarettes et cigares. Le plafond d’une jolie couleur tabac en porte encore les stigmates.
Le Harry’s Bar était et est toujours un temple de l’alcool et des cocktails, ces fameux breuvages démoniaques aux alliances improbables ou redoutables qui servaient surtout à accélérer l’ivresse sous couvert de sophistication. Pas d’alcool pur qui fait peuple, mais du style et de l’imagination. Ainsi naquirent en ces lieux quelques joyaux qui font encore l’unanimité parmi les soiffards honteux du 21ème siècle méritant. Le Bloody Mary, tellement célèbre que l’on se dispute encore sa paternité, mais c’est ici et pas ailleurs que Ferdinand Petiot dit « Pete » a mis de la vodka dans les premiers jus de tomate qui arrivaient en 1920. Puis, il y eut le Side Car en 1931, le Blue Lagoon en 1960 et le Pétrifiant en 1964 concocté par Andy, fils d’Harry, et qui porte bien son nom car il peut au deuxième verre vous pétrifier sur place ! Pour fêter les 100 ans, cinq cocktails ont été créés par l’équipe dont le MCC à base de Bourbon et de jus de concombre mais qui ne restera pas dans les annales pour le prochain siècle. Les whiskies, of course… le nec plus ultra du Harry’s Bar, une des plus belles collections de whiskies, single malts et bourbons qui laissent rêveur le plus spécialiste des amateurs. On n’est pas chez les écossais pour rien ! Plus de 300 références, avec des raretés pour les pervers de la tourbe comme le Glenfargas 25 ans d’âge et autres merveilles.
Le miracle de la longévité du Harry’s Bar est là, dans ce choix d’alcools de toutes origines et de tous les styles, dans la créativité des faiseurs de cocktails, dans l’esprit d’équipe du lieu où il n’y a pas de chef barman, dans la vieille machine a real hot dogs qui trône sur le bar, dans les fausses élections américaines avant la vraie, mais pas seulement. L’esprit fait la force, l’âme construit la pérennité. Les deux sont inhérents à l’histoire du lieu. Le Harry’s Bar est tellement de choses à la fois : une enclave américaine à Paris et la fascination de l’Amérique ne faiblit pas malgré les apparences ; le décor immuable en bois magnifique, témoin vivant d’un autre temps ; les hommes en blancs ces barmen infatigables aux connaissances sans faille, et l’ambiance changeante suivant les heures du jour et de la nuit chacun ayant sa préférée, son monde à lui. Cependant, depuis quelques années, the times they are a’changing : les interdictions qui surgissent de toute part sous couvert de santé et de « bien-être », boire ou conduire il faut choisir, les fumeurs relégués sur le pavé qu’il pleuve ou qu’il vente, l’arrivée récente des femmes dans les lieux d’hommes qui change la donne, les attitudes et les propos, en bien ou en moins bien, l’avenir le dira. D’ailleurs n’est-ce pas pour la première fois une femme qui le dirige… signe des temps, encore. Mais le Harry’s Bar est plus fort que le temps, plus fort que nous. D’où l’amour que nous lui portons et celui-là est éternel.Harry’s Bar
5, rue Daunou (of course !)
75002 Paris
Tél : 01 42 61 71 14
www.harrysbar.fr
Ouvert tous les jours de 12h à 2h du matin
(3h du matin le week-end)
Musique live du mardi au samedi, de 22h à la fermeture
A lire absolument
The original Harry’s Bar
par Isabelle MacElhone
Editions La Martinière
25 €