...ou celui qui n'existe qu'à travers le harcèlement qu'il fait subir à autrui !
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"LE HARCÈLEMENT MORAL - LA VIOLENCE PERVERSE AU QUOTIDIEN" - MARIE FRANCE HIRIGOYEN
"Le bourreau ou "pervers narcissique" peut être un homme ou une femme ; la violence morale
n'est pas l'apanage des seuls hommes, bon nombre de femmes sont des
tyrans domestiques ; les médias donnent trop souvent l'impression que
les harceleurs sont tous des hommes et nous devons bannir ce jugement
erroné, les hommes victimes ont tout simplement plus de mal à parler de
leurs souffrances.
Quel que soit son sexe, son âge, sa nationalité, le bourreau a toujours le même
comportement,
il vampirise sa victime, buvant son énergie vitale.
On peut mettre des
années avant de se rendre compte du processus de destruction mis en
place. Au commencement il peut n'y avoir que des petites brimades, des
phrases anodines mais méprisantes, pleines de sous entendus blessants,
avilissants, voir violents, c'est la répétition constante de ces actes
qui rend l'agression évidente. Souvent un incident vient déclencher la
crise qui amène l'agresseur à dévoiler son piège ; en règle générale,
c'est la prise de conscience de la victime, et ses sursauts de révolte,
qui vont déclencher le processus de mise à mort : car il peut y avoir
véritable mise à mort psychique, où l'agresseur n'hésitera pas à
employer tous les moyens pour parvenir à ces fins: anéantir sa proie.
Le
"pervers narcissique" est une personne totalement dépourvue d'empathie,
qui n'éprouve aucun respect pour les autres, qu'il considère comme des
objets utiles à ses besoins de pouvoir, d'autorité. Il a besoin
d'écraser pour exister : et la proie rêvée reste l'enfant fragile et
malléable, avec sa confiance illimitée et sa soif d'amour et de
reconnaissance.
Le bourreau ne possède pas de personnalité propre,
elle est forgée sur des masques dont il change suivant les besoins,
passant de séducteur paré de toutes les qualités, à celui de victime
faible et innocente, ne gardant son véritable visage de démon que pour
sa victime. Et encore peut il jouer avec elle au chat et à la souris,
faisant patte de velours pour mieux la tenir, puis sortant ses griffes
lorsqu'elle cherche à s'évader.
Ce sont souvent des êtres doués d'une intelligence machiavélique, leur permettant d'élaborer des pièges très subtils.
Ils
culpabilisent à outrance leur proie, ne supportent pas d'avoir tort,
sont incapables de discussions ouvertes et constructives ; ils bafouent
ouvertement leur victime, n'hésitant pas à la dénigrer, à l'insulter
autant que possible sans témoins, sinon ils s'y prennent avec subtilité,
par allusions, tout aussi destructrices, mais invisibles aux regards
non avertis.
Méfions-nous de son apparence séduisante. Le pervers
narcissique est un vampire, sans affect, qui aspire la substance vitale
de sa victime jusqu'à l'anéantir.
Un Narcisse, au sens du Narcisse
d'Ovide, est quelqu'un qui croit se trouver en se regardant dans le
miroir. Sa vie consiste à chercher son reflet dans le regard des autres.
L'autre n'existe pas en tant qu'individu mais en tant que miroir. Un
Narcisse est une coque vide qui n'a pas d'existence propre ; c'est un
pseudo, qui cherche à faire illusion pour masquer son vide. Son destin
est une tentative pour éviter la mort. C'est quelqu'un qui n'a jamais
été reconnu comme un être humain et qui a été obligé de se construire un
jeu de miroirs pour se donner l'illusion d'exister. Comme un
kaléidoscope, ce jeu de miroirs a beau se répéter et se multiplier, cet
individu reste construit sur du vide.
Le Narcisse, n'ayant pas de
substance, va se brancher sur l'autre et, comme une sangsue, essayer
d'aspirer sa vie. Etant incapable de relation véritable, il ne peut le
faire que dans un registre pervers, de malignité destructrice.
Incontestablement, les pervers ressentent une jouissance extrême,
vitale, à la souffrance de l'autre et à ses doutes, comme ils prennent
plaisir à asservir l'autre et à l'humilier. Tout commence et s'explique
par le Narcisse vide, construction en reflet, à la place de lui-même et
rien à l'intérieur, de la même manière qu'un robot est construit pour
imiter la vie, avoir toutes les apparences ou toutes les performances de
la vie, sans la vie. Le dérèglement sexuel ou la méchanceté ne sont que
les conséquences inéluctables de cette structure vide. Comme les
vampires, le Narcisse vide a besoin de se nourrir de la substance de
l'autre. Quand il n'y a pas la vie, il faut tenter de se l'approprier
ou, si c'est impossible, la détruire pour qu'il n'y ait de vie nulle
part.
Les pervers narcissiques sont envahis par un autre dont ils ne
peuvent se passer. Cet autre n'est même pas un double, qui aurait une
existence, seulement un reflet d'eux-mêmes. D'où la sensation qu'ont les
victimes d'être niées dans leur individualité. La victime n'est pas un
individu autre, mais seulement un reflet. Toute situation qui remettrait
en question ce système de miroirs, masquant le vide, ne peut
qu'entraîner une réaction en chaîne de fureur destructrice. Les pervers
narcissiques ne sont que des machines à reflets qui cherchent en vain
leur image dans le miroir des autres.
Ils sont insensibles, sans
affect. Comment une machine à reflets pourrait-elle être sensible? De
cette façon, ils ne souffrent pas. Souffrir suppose une chair, une
existence. Ils n'ont pas d'histoire puisqu'ils sont absents. Seuls des
êtres présents au monde peuvent avoir une histoire. Si les pervers
narcissiques se rendaient compte de leur souffrance, quelque chose
commencerait pour eux. Mais ce serait quelque chose d'autre, la fin de
leur précédent fonctionnement. Les pervers narcissiques sont des
individus mégalomanes qui se posent comme référents, comme étalon du
bien et du mal, de la vérité. On leur attribue souvent un air
moralisateur, supérieur, distant. Même s'ils ne disent rien, l'autre se
sent pris en faute. Ils mettent en avant leurs valeurs morales
irréprochables qui donnent le change et une bonne image d'eux-mêmes. Ils
dénoncent la malveillance humaine. Ils présentent une absence totale
d'intérêt et d'empathie pour les autres, mais ils souhaitent que les
autres s'intéressent à eux. Tout leur est dû. Ils critiquent tout le
monde, n'admettent aucune mise en cause et aucun reproche. Face à ce
monde de pouvoir, la victime est forcément dans un monde de failles.
Montrer celles des autres est une façon de ne pas voir ses propres
failles, de se défendre contre une angoisse d'ordre psychotique. Les
pervers entrent en relation avec les autres pour les séduire. On les
décrit souvent comme des personnes séduisantes et brillantes. Une fois
le poisson attrapé, il faut seulement le maintenir accroché tant qu'on
en a besoin. Autrui n'existe pas, il n'est pas vu, pas entendu, il est
seulement utile. Dans la logique perverse, il n'existe pas de notion de
respect de l'autre.
La séduction perverse ne comporte aucune
affectivité, car le principe même du fonctionnement pervers est d'éviter
tout affect. Le but est de ne pas avoir de surprise. Les pervers ne
s'intéressent pas aux émotions complexes des autres. Ils sont
imperméables à l'autre et à sa différence, sauf s'ils ont le sentiment
que cette différence peut les déranger. C'est le déni total de
l'identité de l'autre, dont l'attitude et les pensées doivent être
conformes à l'image qu'ils se font du monde.
La force des pervers est
leur insensibilité. Ils ne connaissent aucun scrupule d'ordre moral.
Ils ne souffrent pas. Ils attaquent en toute impunité car même si, en
retour, les partenaires utilisent des défenses perverses, ils ont été
choisis pour n'atteindre jamais à la virtuosité qui les protégerait.
Les
pervers peuvent se passionner pour une personne, une activité ou une
idée, mais ces flambées restent très superficielles. Ils ignorent les
véritables sentiments, en particulier les sentiments de tristesse ou de
deuil. Les déceptions entraînent chez eux de la colère ou du
ressentiment avec un désir de revanche. Cela explique la rage
destructrice qui s'empare d'eux lors des séparations. Quand un pervers
perçoit une blessure narcissique (défaite, rejet), il ressent un désir
illimité d'obtenir une revanche. Ce n'est pas, comme chez un individu
coléreux, une réaction passagère et brouillonne, c'est une rancune
inflexible à laquelle le pervers applique toutes ses capacités de
raisonnement.
Les pervers, tout comme les paranoïaques, maintiennent
une distance affective suffisante pour ne pas s'engager vraiment.
L'efficacité de leurs attaques tient au fait que la victime ou
l'observateur extérieur n'imaginent pas qu'on puisse être à ce point
dépourvu de sollicitude ou de compassion devant la souffrance de
l'autre.
Le partenaire n'existe pas en tant que personne mais en
tant que support d'une qualité que les pervers essaient de s'approprier.
Les pervers se nourrissent de l'énergie de ceux qui subissent leur
charme. Ils tentent de s'approprier le narcissisme gratifiant de l'autre
en envahissant son territoire psychique. Le problème du pervers
narcissique est de remédier à son vide. Pour ne pas avoir à affronter ce
vide (ce qui serait sa guérison), le Narcisse se projette dans son
contraire. Il devient pervers au sens premier du terme: il se détourne
de son vide (alors que le non pervers affronte ce vide). D'où son amour
et sa haine pour une personnalité maternelle, la figure la plus
explicite de la vie interne. Le Narcisse a besoin de la chair et de la
substance de l'autre pour se remplir. Mais il est incapable de se
nourrir de cette substance charnelle, car il ne dispose même pas d'un
début de substance qui lui permettrait d'accueillir, d'accrocher et de
faire sienne la substance de l'autre. Cette substance devient son
dangereux ennemi, parce qu'elle le révèle vide à lui-même.
Les
pervers narcissiques ressentent une envie très intense à l'égard de ceux
qui semblent posséder les choses qu'ils n'ont pas ou qui simplement
tirent plaisir de leur vie. L'appropriation peut être sociale, par
exemple séduire un partenaire qui vous introduit dans un milieu social
que l'on envie: haute bourgeoisie, milieu intellectuel ou artistique...
Le bénéfice de cette opération est de posséder un partenaire qui permet
d'accéder au pouvoir. Ils s'attaquent ensuite à l'estime de soi, à la
confiance en soi chez l'autre, pour augmenter leur propre valeur. Ils
s'approprient le narcissisme de l'autre.
Pour des raisons qui
tiennent à leur histoire dans les premiers stades de la vie, les pervers
n'ont pas pu se réaliser. Ils observent avec envie que d'autres
individus ont ce qu'il faut pour se réaliser. Passant à côté
d'eux-mêmes, ils essaient de détruire le bonheur qui passe près d'eux.
Prisonniers de la rigidité de leurs défenses, ils tentent de détruire la
liberté. Ne pouvant jouir pleinement de leur corps, ils essaient
d'empêcher la jouissance du corps des autres, même chez leurs propres
enfants. Etant incapables d'aimer, ils essaient de détruire par cynisme
la simplicité d'une relation naturelle.
Pour s'accepter, les pervers
narcissiques doivent triompher et détruire quelqu'un d'autre en se
sentant supérieurs. Ils jouissent de la souffrance des autres. Pour
s'affirmer, ils doivent détruire.
Il y a chez eux une exacerbation
de la fonction critique qui fait qu'ils passent leur temps à critiquer
tout et tout le monde. De cette façon, ils se maintiennent dans la
toute-puissance :
Si les autres sont nuls, je suis forcément meilleur qu'eux.
Le
moteur du noyau pervers, c'est l'envie, le but de l'appropriation.
L'envie est un sentiment de convoitise, d'irritation haineuse à la vue
du bonheur, des avantages d'autrui. Il s'agit d'une mentalité d'emblée
agressive qui se fonde sur la perception de ce que l'autre possède et
dont on est dépourvu. Cette perception est subjective, elle peut même
être délirante. L'envie comporte deux pôles : l'égocentrisme d'une part
et la malveillance, avec l'envie de nuire à la personne enviée, d'autre
part. Cela présuppose un sentiment d'infériorité vis-à-vis de cette
personne, qui possède ce qui est convoité. L'envieux regrette de voir
l'autre posséder des biens matériels ou moraux, mais il est plus
désireux de les détruire que de les acquérir. S'il les détenait, il ne
saurait pas quoi en faire. Il ne dispose pas de ressources pour cela.
Pour combler l'écart qui sépare l'envieux de l'objet de sa convoitise,
il suffit d'humilier l'autre, de l'avilir.
Ce que les pervers
envient, avant tout, c'est la vie chez l'autre. Ils envient la réussite
des autres, qui les met face à leur propre sentiment d'échec, car ils ne
sont pas plus contents des autres qu'ils ne le sont d'eux-mêmes; rien
ne va jamais, tout est compliqué, tout est une épreuve. Ils imposent aux
autres leur vision péjorative du monde et leur insatisfaction chronique
concernant la vie. Ils cassent tout enthousiasme autour d'eux,
cherchent avant tout à démontrer que le monde est mauvais, que les
autres sont mauvais, que le partenaire est mauvais. Par leur pessimisme,
ils entraînent l'autre dans un registre dépressif pour, ensuite, le lui
reprocher.
Le désir de l'autre, sa vitalité, leur montre leurs
propres manques. On retrouve là l'envie, commune à bien des êtres
humains, du lien privilégié que la mère entretient avec son enfant.
C'est pour cela qu'ils choisissent le plus souvent leurs victimes parmi
des personnes pleines d'énergie et ayant goût à la vie, comme s'ils
cherchaient à s'accaparer un peu de leur force. L'état d'asservissement,
d'assujettissement de leur victime à l'exigence de leur désir, la
dépendance qu'ils créent leur fournit des témoignages incontestables de
la réalité de leur appropriation.
L'appropriation est la suite logique de l'envie.
Les
biens dont il s'agit ici sont rarement des biens matériels. Ce sont des
qualités morales, difficiles à voler : joie de vivre, sensibilité,
qualités de communication, créativité, dons musicaux ou littéraires...
Lorsque le partenaire émet une idée, les choses se passent de telle
façon que l'idée émise ne reste plus la sienne mais devient celle du
pervers. Si l'envieux n'était pas aveuglé par la haine, il pourrait,
dans une relation d'échange, apprendre comment acquérir un peu de ces
dons. Cela suppose une modestie que les pervers n'ont pas.
Les
pervers narcissiques s'approprient les passions de l'autre dans la
mesure où ils se passionnent pour cet autre ou, plus exactement, ils
s'intéressent à cet autre dans la mesure où il est détenteur de quelque
chose qui pourrait les passionner. On les voit ainsi avoir des coups de dur puis des rejets brutaux et irrémédiables. L'entourage comprend mal
comment une personne peut être portée aux nues un jour puis démolie le
lendemain. Les pervers absorbent l'énergie positive de ceux qui les
entourent, s'en nourrissent et s'en régénèrent, puis ils se débarrassent
sur eux de toute leur énergie négative.
La victime apporte
énormément, mais ce n'est jamais assez. N'étant jamais contents, les
pervers narcissiques sont toujours en position de victime, et la mère
(ou bien l'objet sur lequel ils ont projeté leur mère) est toujours
tenue pour responsable. Les pervers agressent l'autre pour sortir de la
condition de victime qu'ils ont connue dans leur enfance. Dans une
relation, cette attitude de victime séduit un partenaire qui veut
consoler, réparer, avant de le mettre dans une position de coupable.
Lors des séparations, les pervers se posent en victimes abandonnées, ce
qui leur donne le beau rôle et leur permet de séduire un autre
partenaire, consolateur.
Les pervers se considèrent comme
irresponsables parce qu'ils n'ont pas de subjectivité véritable. Absents
à eux-mêmes, ils le sont tout autant aux autres. S'ils ne sont jamais
là où on les attend, s'ils ne sont jamais pris, c'est tout simplement
qu'ils ne sont pas là. Au fond, quand ils accusent les autres d'être
responsables de ce qui leur arrive, ils n'accusent pas, ils constatent :
puisque eux-mêmes ne peuvent être responsables, il faut bien que ce
soit l'autre. Rejeter la faute sur l'autre, médire de lui en le faisant
passer pour mauvais permet non seulement de se défouler, mais aussi de
se blanchir. Jamais responsables, jamais coupables : tout ce qui va mal
est toujours de la faute des autres.
Ils se défendent par des
mécanismes de projection : porter au crédit d'autrui toutes leurs
difficultés et tous leurs échecs et ne pas se mettre en cause. Ils se
défendent aussi par le déni de la réalité. Ils escamotent la douleur
psychique qu'ils transforment en négativité. Ce déni est constant, même
dans les petites choses de la vie quotidienne, même si la réalité prouve
le contraire. La souffrance est exclue, le doute également. Ils doivent
donc être portés par les autres. Agresser les autres est le moyen
d'éviter la douleur, la peine, la dépression.
Les pervers
narcissiques ont du mal à prendre des décisions dans la vie courante et
ont besoin que d'autres assument les responsabilités à leur place. Ils
ne sont pas autonomes, ne peuvent se passer d'autrui, ce qui les conduit
à un comportement collant et à une peur de la séparation ; pourtant,
ils pensent que c'est l'autre qui sollicite la sujétion. Ils refusent de
voir le caractère dévorant de leur accrochage à l'autre, qui pourrait
entraîner une perception négative de leur propre image. Cela explique
leur violence face à un partenaire trop bienveillant ou réparateur. Si
au contraire celui-ci est indépendant, il est perçu comme hostile et
rejetant. "