Le goût de l’Art et la volonté d’impersonnalité déclarée de Flaubert rendent donc sa présence quasi transparente dans les romans. Dans la vie même, l’homme, le bon colosse normand, se tient à l’écart de tous, réfugié à Croisset où il « gueule » les phrases pour les « tourner » à sa manière, à l’écart des plaisirs des autres hommes (il considère que l’art doit occuper entièrement celui qui l’a choisi), à l’écart des femmes (ou alors de façon très épisodique avec la très libre Louise Collet qui devient surtout, avant Georges Sand, la correspondante à qui il confie ses tourments et ses affres d’écriture), à l’écart également des modes...
En effet, si, dans les manuels, on étiquette Flaubert comme le « chef de file du mouvement réaliste », il méprise le naturalisme et le goût ordurier de ses contemporains, exècre l’idée d’être « un fonctionnaire », un chef de régiment. Il sacrifie immanquablement à l’Art... L’âge avançant, ses voyages, ses sorties, il ne les fait que pour accumuler les notes à la bibliothèque ou pour « respirer » l’atmosphère de ses personnages : Normandie de Bouvard et Pécuchet... Aussi n’est-il présent que par petites touches dans ses œuvres, par gouttes pulvérisées. Par exemple le neveu et la nièce de la sublime Félicité dans un Cœur simple, c’est un peu lui dans ses jeunes années, et un peu sa nièce Caroline dont sa mère, après le décès de sa sœur, a eu la charge à Croisset.