La grande trouille. Et si tu n'existais pas. Et si je te cherchais en vain depuis toujours. Et si je devais éternellement habiter mon petit maquis mesquin. Et si j'allais continuer à fuir comme un dératé devant le rouleau-compresseur. Et si mon dos, mes épaules, mon échine, finissaient par se calcifier dans cette posture pré-crash, survie temporaire, mains sur la tête, coudes sur les genoux. Je ne sais pas revenir sur mes pas. Je ne sais pas désapprendre, nier, donner le change. Je n'ai pas la force de la supercherie. Je ne jouerai pas du violon sur les tuiles enflammées. Je n'infiltrerai pas le grand capital. Je ne me la jouerai pas taupe parmi les Einsatzgruppen, SS dissident, pèle-patates du fuhrer. Que nous reste-t-il à faire ? La marge s'amenuise. Ça se remarque. Les mailles du filet se resserrent sans cesse. L'étau referme ses mâchoires d'airin poli. Nous sommes tous et toutes atomisés. Demain la famine. Demain l'exil de tout. Demain les lendemains aphones. Sauf pour les putes, les flics et les marioles de l'Olympe. La vie, la liberté, les rires, oui, mais… seul, à gésir à même la pierre, à s'user les ongles sous les néons aveugles, à traîner des fers rouillés dans les dédales poussiéreux de leurs immenses grottes de béton armé.
Je crois… on dirait que mon ressort s'est cassé.© Éric McComber