Au pays du Mené, l’énergie verdit
Parfois ma corde bretonne vibre plus fort que mon autre corde génétique, poitevine.
Surtout quand ils ont 40 ans d'avance sur nous !
Plume Solidaire
http://www.liberation.fr/terre/01012356435-au-pays-du-mene-l-energie-verdit
Carburant, chauffage, électricité : ce petit coin de Bretagne subvient à 23% de ses besoins.
Par PIERRE-HENRI ALLAIN Envoyé spécial au pays du Mené
Sols pauvres, vents froids, relief accidenté et surtout éloignement des grands axes de circulation… Malgré ses coteaux verdoyants et ses villages aux belles maisons de pierre, le pays du Mené, au cœur des Côtes-d’Armor, a longtemps cumulé les handicaps. «Dès les années 70, Paul Houée, prêtre, sociologue et chercheur à l’Institut national de recherche agronomique [Inra], avait mesuré toute la fragilité de ce territoire et nous avait mis en garde, se souvient Jacky Aignel, maire de Saint-Gouéno et vice-président de la communauté de communes (1). Si on ne se prenait pas en main, ce pays allait mourir.» L’avertissement n’est pas resté lettre morte : quarante ans plus tard, le pays du Mené est devenu un cas unique en France en matière d’énergies renouvelables. Avec un objectif ambitieux : parvenir à une autonomie énergétique totale d’ici à 2030. Une sortie du nucléaire locale, en somme.
Méthanisation. Chaudières à bois, huilerie pour remplacer le gasoil ou usine de méthanisation pour traiter les lisiers des élevages, les réalisations se sont multipliées ces dernières années. Et 1 000 projets sont dans les cartons. «Le point de départ a été le salon des fourrages organisé en 1995 à Plessala, où ont été accueillies 43 000 personnes, raconte Dominique Rocaboy, agriculteur et PDG de l’usine de méthanisation Géotexia, inaugurée en juin. Sur trois jours, des ateliers ont permis de réfléchir sur l’eau, l’énergie, les rapports nord-sud. Les Cuma (coopératives d’utilisation de matériel agricole) ont joué aussi un rôle prépondérant comme outil de réflexion collective.» Dès le début des années 2000, avec la MIR (Mené Initiatives Rurales), qui regroupe élus, associations et agriculteurs, les problèmes de pollution posés par les élevages s’imposent. «Ou on laissait faire et on allait disparaître, ou on trouvait une solution pour concilier environnement et économie avec le maintien de petites et moyennes exploitations», expose Rocaboy.
Une trentaine d’agriculteurs planchent sur différents projets avant de choisir la méthanisation, un procédé qui permet de valoriser les déjections animales en produisant de l’électricité. A partir de septembre, l’usine pourra produire 13 800 MWh par an, l’équivalent des besoins domestiques de 5 000 habitations, en traitant quelque 75 000 tonnes de lisiers et de boues issues de l’industrie agroalimentaire. A Saint-Gouéno, depuis 2007, une autre réalisation, l’huilerie Menergol, offre une alternative au pétrole avec la pressurisation à froid des graines de colza (2). «Elle est prévue pour alimenter en carburant environ 150 tracteurs sur la communauté de communes, précise Jacky Aignel. En ce moment, l’huile étant très chère, il est plus intéressant de la vendre pour racheter du pétrole. Mais l’huilerie fournit aussi des tourteaux de colza pour l’alimentation du bétail, ce qui évite d’importer du soja du Brésil ou d’Argentine.»
Chaudières. Fort de cette dynamique qui associe toutes les forces vives du pays, le Mené, qui compte 6 400 habitants, s’équipe également de chaudières à bois collectives (3), avec une matière première produite localement, qui réduit peu à peu le recours au gaz ou au fioul pour se chauffer. Les deux premières ont été mises en service en 2003 pour des logements privés. Six autres vont, à court ou moyen terme, s’y ajouter pour alimenter logements mais aussi mairies, salles des fêtes et autres bâtiments publics. «Environ 23% des besoins énergétiques de la communauté de communes sont aujourd’hui couverts par des énergies renouvelables», se félicite Jacky Aignel, qui n’oublie pas de citer les panneaux photovoltaïques installés sur les plateformes de stockage de bois ou sur le toit de l’école de Plessala. Ce volontarisme tous azimuts s’accompagne d’un contrôle des outils par les habitants du territoire. Les agriculteurs à l’origine du projet détiennent 34% du capital de Géotexia (un investissement de 15 millions d’euros). Et c’est encore 140 investisseurs locaux qui vont être sollicités pour le prochain défi du Mené : un site de six éoliennes d’une capacité de 6 MWh.
«Nous sommes une petite université du microdéveloppement et de l’expérimentation grandeur nature», résume Jacky Aignel, qui cite encore la réalisation d’une ZAC dédiée aux renouvelables ou la prochaine construction de 25 logements autonomes en énergie thermique. Une université qui inaugurait en juin ses premières rencontres «Energies et territoires ruraux» pour mieux partager son expérience avec d’autres régions françaises.
(1) La communauté de communes compte 7 villages répartis sur 165 km2 : Saint-Gouéno, Plessala, Collinée, Saint-Gilles du Mené, Saint-Jacut-du-Mené, Langourla, Le Gouray. (2) La capacité de traitement de l’huilerie Menergol est de 3 600 tonnes de graines de colza par an. (3) Le bois issu de l’élagage ainsi que 15 hectares de saules sont destinés à alimenter les chaudières collectives.
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