Ce sera comme un arrêt brutal du train
Au beau milieu de la campagne un jour d'été
Des jeunes filles dans le wagon crieront
Des femmes éveilleront en hâte les enfants
La carte jouée restera tournée sur le journal
Et puis le train repartira
Et le souvenir de cet arrêt s'effacera
Dans la mémoire de chacun...
(Cadou, Aller simple)
On dit bien que trois générations plus loin il n'y a plus rien. Plus de traces. Plus de passage. Plus de visages. Tout a disparu. Peinture effacée, rue volatilisée, corps avalés. Plus rien. Espaces limités, définis. Corps présents, corps absents. Plus rien. Le néant est tout, il n'est pas lourd, il est volatil et peuplé d'ombres claires comme la nuit. Pendant le temps présent le néant rôde déjà, errode, tisse, avale, savoure, rumine, déglutit, régurgite, crache au loin ses noyaux sur d'autres présents. Alors : espace limité entre deux arbres, entre deux trottoirs, entre deux êtres. Alors ? Rien. Plus rien ne subsiste.
Rien n'existe vraiment. Mots, paroles, verbes, pouvoir, vouloir, savoir, désirer. Rien de tout cela. Malgré l'impossibilité de vie, d'éphémères naissances grapillent leurs substances essentielles le temps d'un unique passage emprunté par un unique couloir temporel ou sensoriel : notes de vie et de musique, gouttes de pluie, flocons de neige, arpèges de soleil-lumière. Des contraires et des possibles. Vouloir en tout cas ne suffit pas. Le dérisoire, le subtil et l'éphémère construisent d'authentiques Babel. Espace nu entre deux trottoirs, entre deux êtres, entre deux mondes opposés mais présents. Que le ciel tombe. Que les nuages se déversent. Que souffle le vent. Rien n'a jamais existé. Rien n'a vraiment existé. Tout est distance, inexistance. Temps et vent. Espaces.