L'hémorragie reprend au PQ
Québec — Le caucus du Parti québécois a perdu hier un septième membre depuis juin, Daniel Ratthé, député de Blainville, lequel a admis réfléchir à la possibilité de se joindre à la Coalition Avenir Québec. M. Ratthé avait prévu quitter le caucus aujourd'hui et a dû devancer l'annonce de son départ puisqu'il a été expulsé du caucus peu avant midi hier par la chef Pauline Marois. Cette dernière, en fin de journée, a dit vouloir travailler «avec des gens de conviction et pas avec des opportunistes» comme M. Ratthé.
En matinée, Mme Marois et son député s'étaient rencontrés. Le communiqué annonçant son expulsion a été diffusé peu après. M. Ratthé soutient avoir présenté le fruit de sa réflexion — datant de «quelques semaines» — à Mme Marois lors d'une «discussion courtoise». «Il m'était tout simplement devenu impossible de lui garantir mon soutien», a confié hier celui qui siégera désormais comme indépendant.
Identifié au lendemain du long caucus du 26 octobre comme un des mutins ayant demandé le départ de Mme Marois, M. Ratthé avait semblé rentrer dans le rang depuis. Le 17 novembre, au 98,5 à l'émission Dutrizac, il avait nié formellement être «en train de fomenter un putsch» contre sa chef. Pourtant hier, il a admis avoir eu — avant le fameux caucus du 24 octobre — une rencontre, chez lui à Québec, avec certains de ses collègues: Guy Leclair (Beauharnois), André Villeneuve (Berthier), Guillaume Tremblay (Masson), Gilles Robert (Prévost) et Stéphane Bergeron (Verchères), selon une liste établie par Radio-Canada. M. Bergeron a tenu à dire au Devoir hier soir que «c'était loin d'être une réunion de "comploteurs", comme on le laisse maintenant entendre». Durant cette rencontre, certains des participants se seraient entendus pour demander à leur doyen François Gendron de tenter de convaincre Mme Marois de quitter son poste. Cette dernière a refusé. M. Ratthé a nié hier que ce refus était à la source de son départ.
Rien n'est écarté
Questionné sur son éventuel ralliement à la CAQ, M. Ratthé a lancé: «Je n'écarte aucune possibilité, au moment où on se parle». Le député a indiqué avoir eu une conversation récente avec son ancien collègue François Legault, instigateur de la CAQ. «Il sait que je suis en réflexion sur mon avenir politique, mais, jusqu'à maintenant, nous n'avons conclu aucune entente entre nous», a-t-il indiqué. M. Legault a refusé de commenter le geste du député. «On a toujours dit qu'on voulait conclure les discussions avec l'ADQ avant d'entreprendre les discussions avec les députés indépendants», a fait savoir Jean-François Del Torchio, porte-parole de la CAQ. «S'il y a de l'intérêt, nous allons le rencontrer comme les autres candidats», a-t-il ajouté.
Bien qu'il se dise toujours souverainiste, M. Ratthé estime que cette option politique «ne se trouve plus au coeur des préoccupations des Québécois». Il a raconté que ses commettants l'abordent au sujet d'autres questions à leurs yeux plus immédiates comme «l'accès à un médecin de famille, la création de nouvelles places en centres de la petite enfance, l'aide à domicile pour les handicapés et des personnes aînées, l'accroissement significatif du transport en commun, surtout aux heures de pointe, et la lutte contre le décrochage scolaire». Le député fonde ce constat sur des téléphones effectués dans sa circonscription et ses rencontres avec ses électeurs.
M. Ratthé n'avait pas informé son bureau de circonscription de son intention de démissionner. Joint hier, le président du bureau de Blainville, Maurice Rivet, s'est dit «déçu» et a soutenu que lors de la dernière réunion de direction, M. Ratthé avait réitéré son appui à Mme Marois. M. Rivet s'est borné à ces commentaires, les membres du bureau se réunissant ce soir pour déterminer la position qu'ils adopteront quant à la situation. Ils tiendront une conférence de presse pour la faire connaître.
Leclair
Le député Guy Leclair s'est refusé à tout commentaire hier. Exclu du caucus — sans en être expulsé définitivement — plus tôt cette semaine, il avait été accusé par le bureau de Pauline Marois d'être la «taupe» qui avait livré au Journal de Québec l'intention d'une dizaine de députés du PQ de démissionner en bloc après la défaite péquiste annoncée dans Bonaventure, le lundi 5 avril. M. Leclair a nié fermement, dans un communiqué mercredi, avoir révélé quoi que ce soit au Journal. Il a dit hier ignorer si M. Ratthé était la fameuse taupe. «En tout, jusqu'à hier, c'était moi!» a-t-il ironisé. Quant à son retour au caucus, M. Leclair a dit que ce n'était «pas une priorité». Le député doit faire face à la justice après avoir été arrêté en ayant la garde et le contrôle d'un véhicule moteur avec les facultés affaiblies.
Par ailleurs, les rumeurs circulaient hier au sujet d'un retour possible au sein du caucus péquiste qui compte maintenant 45 membres: celui du député de Groulx, René Gauvreau. Celui-ci a été exclu du groupe d'élus lorsque son ex-attaché politique Jean Paquette a été accusé de vol, en juin dernier. Au bureau de la chef hier, on a répondu que «tant que l'histoire de son ex-attaché politique n'est pas réglée, M. Gauvreau ne réintégrera pas le caucus».
D'autres députés seraient l'objet de pression de la part de la CAQ. François Rebello (Laprairie), par exemple, qui a été très proche de François Legault. Joint hier, M. Rebello a répété ce qu'il dit depuis des mois concernant la CAQ: «Je réaffirme mon appui à ma chef et au Parti québécois. Je ne suis même pas en réflexion.» Ancien du cabinet de M. Legault lorsque ce dernier était ministre, Pascal Bérubé (Matane) a carrément exclu être candidat pour la CAQ lors des prochaines élections. «Bien que j'aie de l'affection pour François Legault [...] je demeure un souverainiste. Et moi, j'aimais bien François Legault le souverainiste.»
Source : LeDevoir
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