Nous appelons l'attention de M. le Président de la République Nicolas Sarkozy sur le cinquantième anniversaire de la sanglante répression du 19 mars 1962. Ce jour là, alors que la guerre d'Algérie touchait à sa fin, les harkis et leurs familles subissaient une terrible campagne de répression d'une violence inouïe menée par le FLN en raison de leurs engagements au sein des armées françaises.
Patrie des droits de l'homme et du respect de la dignité humaine, la France ne peut rester insensible à ces massacres ethniques. Nous lui demandons quelles mesures concrètes entend mener la France pour reconnaître sa responsabilité dans le massacre des harkis. Rompons avec une frilosité qui n'est plus de mise, brisons un tabou de notre temps. C'est l'honneur d'un peuple et d'une nation que de reconnaître et d'assumer son histoire.
Du 19 mars 1962 et les jours suivants le FLN, avait donné carte blanche pour épurer les harkis, procédait à des arrestations massives. En l'état actuel des recherches, certains estiment à environ 80 000 à 150 000, le nombre de harkis morts, victimes de la répression FLN.
C’est pourquoi, nous demandons d'une part de reconnaître officiellement la responsabilité de l'État français dans ces massacres et d'autre part de permettre aux historiens de mener leurs travaux à leur terme, en autorisant la déclassification de l'ensemble des archives ayant trait à ces tragiques évènements.
Aujourd'hui, il est important de redonner espoir à cette communauté comme on sait le faire pour tant d'autres Français en leur donnant un signal de reconnaissance. Il est temps d'avoir un discours clair et de ne pas autoriser les préfets à se rendre aux commémorations du 19 mars, date du cessez-le-feu ayant entraîné l'assassinat de milliers de harkis. Alors que l'on fêtera en mars prochain le 50e anniversaire du début de l'exil pour certains et de l’abandon pour d’autres, il y a là un devoir moral et surtout matériel d'apporter des réponses à nos interrogations légitimes alors que ces personnes sont aujourd'hui majoritairement âgées, voire très âgées.
Il était donc tout à fait légitime de revenir sur cette période douloureuse de notre histoire. En effet, comme le disait Jaurès : « on ne peut regarder en face l'histoire et en faire matière à une construction de l'avenir que si on a la volonté de dire la vérité ».
50 après, il a fallu du temps, mais aujourd'hui, disons la vérité.
Il faut que l'histoire se répète, oui on se doit de répété l’histoire de la réconciliation, ce qui avait été fait hier par le Monsieur Adenauer et le Monsieur Charles de Gaulle pour la rencontre, sans l'oubli, mais avec toute la fraternité, toute l'amitié, l'égalité possibles, entre le peuple allemand et le peuple français, doit être répété demain entre les Algériens et les Français.
Cette alchimie ne peut se réaliser que si la France reconnaisse sa responsabilité dans les massacres et l’abandon des harkis. Ceux, qui ont connu un long calvaire et qui ont souvent le sentiment d'avoir été trahis, abandonnés et exclus, ne pourront se satisfaire que si les mesures annoncées à plusieurs reprises par M. Sarkozy se concrétisent dans les meilleurs délais.
Ce besoin de reconnaissance et cette simple considération pour ce qu'ils avaient sacrifié de leur jeunesse, de leur vie même, étaient d'autant plus justifiés que la France, à la différence de bien d'autres pays, a pris la peine d'inscrire dans ses lois des droits pour les anciens combattants, y compris des droits à réparation, et que, dans un pays républicain et démocratique, la question des droits est inséparable de celle de l'égalité des droits.
Faut-il aussi évoquer le génocide harki ? Pire que l'abandon, la France a mené une politique d'entrave au sauvetage des harkis. Parmi les ordres donnés en ce sens, le télégramme du 16 mai 1962 émanant du ministre des armées, Pierre Messmer, va jusqu'à demander des sanctions contre les officiers qui avaient désobéi et qui étaient à l'origine du rapatriement des harkis dont l'installation en métropole avait été interdite. N'oublions pas que 150 000 d'entre eux, désarmés et sans protection, furent arrêtés par l'armée algérienne, au mieux condamnés aux travaux forcés, au pire exécutés.
Quant à ceux qui purent se faire rapatrier, la France les a parqués dans des camps avec fils de fer barbelés et régime disciplinaire. A ces Français par le sang versé, la France leur doit réparation.
Monsieur le Président de la République Nicolas Sarkozy, nous avons seulement évoqué quelques faits et une proposition tendant à l'adoption d'une ultime loi qui reconnaîtrait la responsabilité de la France de ne pas avoir protégé ses ressortissants des massacres, des enlèvements, des disparitions au cours des mois qui ont suivi le cessez-le-feu.
Cette reconnaissance doit aussi s'appuyer sur les conclusions d'une commission d'enquête qui mettrait à jour tous les dysfonctionnements et les conséquences induites. Ces dispositions législatives futures doivent enfin comprendre un volet sur l'indemnisation matérielle et morale, et intégrer les dettes de sang et d'honneur.
Alors, les harkis sauront que justice leur a été rendue. Alors, la France aura véritablement rempli son devoir de reconnaissance, de mémoire et de réparation envers ses enfants et surtout d’avenir avec l’Algérie.