L'Allemagne va mieux que l'Espagne, les diplômés espagnols apprennent donc l'allemand pour aller travailler de l'autre coté du Rhin. Ce n'est pas nouveau. 300 000 Français, de tous niveaux de qualification, des jeunes gens qui servent dans les bars aux financiers de haut vol, sont aujourd'hui installés à Londres, ce qui fait de la capitale britannique, la sixième ville française, juste derrière Nice, devant Nantes, Strasbourg, Montpellier, Lille ou Bordeaux. Et ce qui est vrai des Français et des Espagnols l'est certainement de bien d'autres, des Roumains, des Polonais, des Italiens et des Grecs. Mais la crise semble accélérer ce mouvement au point que pour beaucoup de jeunes diplômés la perpective d'aller s'installer quelques années (ou plus) ailleurs dans le monde (et, d'abord, dans la Communauté européenne) est une hypothèse à prendre en compte.
Nos politiques ne semblent pas l'avoir compris qui tentent, partout en Europe de freiner ces mouvements et de rendre plus difficile l'entrée d'étrangers au grand dam du patronat (voir, par exemple, les protestations du Medef contre la politique d'immigration du gouvernement). Leur réaction nourrie de populisme est stupide. La fluidité du marché du travail est l'un des atouts majeurs des Etats-Unis qui donne à ses habitants la possibilité d'aller là où il y a du travail. Et il y en a partout, même là où il y a du chômage. La médecine dans nos zones rurales en est un bon exemple. Les jeunes médecins français ne souhaitent pas, pour de bonnes ou de mauvaises raisons, s'installer à la campagne, mais des médecins espagnols, portugais ou roumains qui ne trouvent pas de travail satisfaisant chez eux seraient sans doute très heureux de s'installer en Creuse, en Lozère ou dans le Maine et Loire. Cela aurait le double avantage de donner des médecins à ceux qui en manquent et de forcer leur pays d'origine à trouver des politiques pour les retenir.
L'Europe se fait sous nos yeux, avec et grâce au citoyens, alors même que l'impéritie de dirigeants obsédés par des élections proches pousse à sa déconstruction. C'est, pour le moins, un paradoxe.