Dans l'édition du 23 novembre de JOUR DE GALOP, Mayeul Caire faisait mention
d'une tendance atypique en France, celle de voir les parieurs investirent de plus en plus en plus alors que les propriétaires investissent de moins en moins. D'un côté, nous avons des parieurs
très sollicités par le PMU, apparemment majoritairement satisfaits du contexte de développement des opportunités de plus en plus nombreuses de paris, satisfaits également de pouvoir suivre sur
EQUIDIA des enchaînements mécaniques de courses et de l'autre des propriétaires ne sachant pas toujours comment s' adonner de façon satisfaisante à leur passion.
Globalement je dirai que la France, malgré une organisation économique qui permet une évolution régulière des
allocations distribuées et qui garantit la pérennité de la filière (que beaucoup nous envient) souffre d' un déficit d'intérêt pour le sport hippique. Dédain des médias généralistes, carence en
ce domaine des médias spécialisés : n'importe quel observateur de l' extérieur remarquera que, malgré les moyens mobilisés par les médias (presse papier et sur le Web), rien n' est vraiment fait pour susciter une réel engouement autour du sport hippique, comme cela existe dans beaucoup d'autres pays. Il n' y a qu'a voir comment EQUIDIA
relate certains évènement internationaux pour s'en convaincre (souvent pas de journalistes sur place, courses diffusées en différé ou intercalées quasi anonymement entre deux courses de
province). Il n' y tout simplement pas pas de réelle volonté de générer cet engouement pour le sport (et pour l'affrontement des meilleurs chevaux dans les meilleures épreuves) car les médias et
les autorités hippiques n' y voient pas l'intérêt "financier" à court terme. Tous les moyens sont mobilisés pour organiser le maximum de courses et pour guider le parieur dans ses choix, plutôt
que focaliser l'attention du-dit parieur sur les enjeux sportifs et sur les grandes courses.
Pourtant, je crois sincèrement que l'avenir des courses passe aussi par cette focalisation médiatique sur les
épreuves majeures en France et l'étranger, d'autant plus que la rencontre entre chevaux originaires de différents continents devraient être à l'avenir de plus en plus fréquents.
Chez nos voisins britanniques, l'engouement pour les courses fait partie de leur patrimoine culturel, ce qui n'est
pas le cas chez nous qui avons été élevés au biberon du tiercé dans les années cinquante. Outre-Manche, malgré les difficultés persistantes et la relative faiblesse des allocations, les courses
suscitent toujours autant d'intérêt, à la fois chez les spectateurs (affluence nombreuse sur les hippodromes malgré des tarifs d'entrée parfois élevés) et chez les professionnels (dynamisme des
entraîneurs, ceux-ci informant régulièrement sur leurs sites Web, présence soutenue dans les réseaux sociaux, propriétaires nombreux par le biais d'associations). Leur souhait de vouloir
conserver cet état d'esprit est tel que beaucoup de leurs actions sont orientées vers la jeune génération. A Newmarket, par exemple, l'hippodrome a permis aux enfants d' être associés
virtuellement à des chevaux et de pouvoir les suivre tout au long de l'année. De quoi peut-être susciter des vocations de propriétaires.
Sur le sujet du déficit de propriétaires en France, l'éditorial de Mayeul Caire
du 24 novembre me semble intéressant, tout comme le témoignage de Gina Rarick, entraîneur à Maisons-Laffitte.
LE PMU A RENDU LES PARIEURS HEUREUX
LES ACTEURS DU GALOP DOIVENT COPIER SA METHODE !
Par Mayeul Caire, Directeur de Jour de Galop
Les deux piliers sur lesquels repose notre industrie sont :
– les parieurs qui jouent de l’argent sur les courses de chevaux;
– les personnes qui investissent dans l’activité "courses et élevage" (propriétaires professionnels ou non, éleveurs
professionnels ou non et entraîneurs professionnels ou non – car je n’oublie pas les permis d’entraîner).
Le premier pilier va plutôt bien. À tous les niveaux : plus de parieurs qui jouent plus souvent et plus d’argent au
total.
Le second va plutôt mal. À tous les niveaux : il y a de moins en moins de propriétaires, les éleveurs ont du mal à
valoriser leur production et beaucoup d’entraîneurs tirent le diable par la queue.
La question du propriétaire est la plus importante… car, en y répondant, on répondra à toutes les autres !
Signalons au passage que cette dichotomie trompe nos amis britanniques. Aveuglés par le niveau élevé de nos
allocations, Anglais et Irlandais concluent un peu vite que tout va bien en France… À l’inverse, nous sommes à la fois conscients des difficultés dans lesquelles ils se trouvent sur le plan des
allocations, et "jaloux" de voir que malgré cela les propriétaires sont toujours aussi nombreux et investissent toujours autant aux ventes.
Il y a quelques années, on disait qu’il fallait élever en Irlande, faire entraîner en Angleterre et courir en France.
Je dirais les choses différemment pour décrire la situation d’aujourd’hui : le cheval-robot (au sens de portrait-robot) a été élevé par un Irlandais, a été vendu à Newmarket par Tattersalls,
appartient à un Anglais et dispute toutes ses courses en France… où il a droit aux primes car l’éleveur
irlandais a eu la sagesse de le faire assimiler en le confiant à un ami normand.
Je reviens à mon sujet de fond. Quand on dit que la filière va mal, il faut aussi préciser deux choses. La première
c’est que, dans ce contexte tendu, ceux qui vivent des courses (entraîneurs, propriétaires et éleveurs professionnels) n’ont pas le choix, il leur faut poursuivre… alors que le propriétaire
amateur peut tout arrêter du jour au lendemain.
Et la seconde chose c’est que, vraiment, l’effectif qui fait le plus défaut aujourd’hui, c’est bien celui des
propriétaires amateurs. Or, là où le constat est gravissime, c’est que ce propriétaire joue un rôle essentiel dans le financement de notre système.
Donc je pose une question un peu simpliste mais qui a le mérite d’être claire : pourquoi le parieur est-il heureux et
le propriétaire malheureux ? Je n’ai pas la formule magique, mais je connais deux hommes qui l’ont : Bertrand Bélinguier et Philippe Germond. Les deux hommes se sont succédés à la tête du PMU où
ils ont fait le bonheur des parieurs. Donc inspirons-nous des méthodes employées par le PMU, en les appliquant aux propriétaires ! C’est bien joli de répéter comme un mantra « Bravo Philippe
Germond, bravo le PMU » mais cequ’il faut surtout, désormais, c’est copier la méthode qui lui a permis de réussir. Le fondement de cette méthode, c’est : plus d’attention, plus de confort et plus
de service pour nos clients.
C’est simple, non ?
Depuis une quinzaine d’années, le PMU a placé le parieur au centre de ses réflexions et de ses actions ; le bonheur
du parieur a été son obsession ; tout a été fait pour que le parieur se reproduise,pour que le parieur joue plus ; le PMU a compris que ce n’était pas au parieur de s’adapter, mais à lui et aux
courses de changer, etc. En une phrase : seule la satisfaction du parieur est importante ; tout le reste n’est que cuisine interne, moyens humains financiers et
techniques à mettre en oeuvre pour atteindre l’objectif.
Dans les faits, cela s’est traduit par un credo : le parieur doit pouvoir parier tout le temps et partout. Ce qu’il
aime, c’est parier. Le niveau des courses n’est pas sa préoccupation première, car sa passion du pari est quasiment la même pour un réclamer que pour un Groupe. Ce qu’il n’aime pas, c’est ne pas
pouvoir parier : ou bien parce qu’il n’y a pas de course au moment précis où il aurait envie de jouer (ah, quelle était la vie du parieur avant la mise en place de quatre réunions quotidiennes,
etc.), ou bien parce que les moyens qu’il a à sa disposition ne lui permettent pas de parier (ah, quelle était la vie du parieur avant l’invention du compte PMU par téléphone, du compte PMU par
Internet, etc.). Voilà.
Maintenant, faites le même exercice que moi : amusez-vous à remplacer le mot parieur par le mot propriétaire et
demandez-vous ce que l’on pourrait faire de plus pour les propriétaires, afin qu’ils atteignent le même niveau de service que le parieur PMU. Nous agissons tous, déjà, au quotidien, pour donner
plus de confort aux passionnés des courses. Mais nous pouvons faire plus encore – nous tous : France Galop, les agences de vente, les entraîneurs, les journalistes, les courtiers, les
vétérinaires, les jockeys… Car, comme la femme est l’avenir de l’homme, le propriétaire est l’avenir des courses.
À ce sujet, qui osera mettre les pieds dans le plat en brisant certains tabous ? Qui osera dire que, sans aucun
doute, les conditions d’exercice du propriétaire français se sont dégradées avec le temps…Marcel Chaouat l’a fait. Il n’a pas été élu. D’autres l’ont fait. Et ils ont été élus. Ils ont maintenant
des devoirs.
Qui osera écrire que ce n’est pas à 100 % la faute de France Galop, comme c’est si facile de l’affirmer. Certes,
France Galop pourrait faire mieux encore, mais le recrutement de nouveaux propriétaires est plutôt un succès,
avec un solde positif au cours des dix dernières années. De la même manière, la question des allocations est importante, mais n’est pas décisive. Car, beaucoup de propriétaires le diront, ils ne
sont pas là pour gagner de l’argent avec leurs chevaux. Bref, ni l’argent distribué comme ci ou comme ça par France Galop (faut-il augmenter les Grs1 pour 2ans ou les "réclamer" pour 4ans et plus
?) ni la politique de recrutement et de fidélisation de France Galop ne sont les seuls responsables du fait que de moins en moins de gens ont envie d’acheter une poulinière, un yearling ou un
"réclamer".
Tout se passe malheureusement un peu comme dans le reste de la société civile : les Français sont les spécialistes
pour critiquer à longueur de journées l’État et, simultanément, l’appeler au secours au premier coup de grisou. Au lieu de s’en prendre toujours à la société-mère, balayons d’abord devant notre
porte et demandons-nous si, d’un bout à l’autre de la chaîne, il est possible d’offrir plus de confort et plus de service aux propriétaires (comme le PMU le fait avec ses parieurs).
N’oublions pas : plus d’attention, plus de confort et plus de service au quotidien. Bien traiter ses clients, les
informer régulièrement, bien leur parler, ne pas céder à la tentation d’instaurer un rapport de force avec
eux, voire d’inverser les rôles (se comporter en client alors qu’on est le fournisseur), savoir les étonner et les faire rêver, faire preuve de pédagogie, de patience et de générosité, etc. Vaste
programme !
C’est comme cela que le PMU a réussi ; et c’est comme cela que la filière galop retrouvera des investisseurs. Et s’il
y a plus de propriétaires-investisseurs, tout le monde ira mieux, des éleveurs aux entraîneurs.
VITE, DES PROPRIÉTAIRES !
Gina Rarick
Entraîneur américain à Maisons-Laffitte et animatrice du blog gallopfrance.com
Juste pour répondre à une petite partie de votre éditorial paru mercredi matin : pourquoi les propriétaires
n’investissent pas plus ? Et pourquoi n’y a-t-il pas plus de propriétaires
? Presque la totalité de mon (tout petit) groupe de propriétaires est nouveau dans les courses françaises, et je dois
faire un incroyable travail pour les aider dans le labyrinthe de papiers nécessaires pour devenir propriétaire chez France Galop. Le processus est intimidant, pas clair pour quelqu’un ne parlant
pas français, et prend beaucoup trop de temps. Les courses sont une histoire de passion.
Quand j’accompagne un groupe de visiteurs sur un hippodrome, un ou deux d’entre eux ont envie de s’impliquer tout de
suite. Pourquoi est-ce si difficile de leur permettre 'd’acheter une "jambe" d’un cheval, au minimum, à défaut de sauter directement dans la pleine propriété. Il faut au moins deux mois pour
qu’un nouveau propriétaire reçoive
son agrément. Malgré le département Propriétaires et le F.R.B.C., personne à France Galop ne prend les nouveaux
investisseurs par la main et ne se charge d’eux.
France Galop doit réformer cette procédure lente et compliquée et permettre à un propriétaire potentiel d’investir
dans la moitié, ou moins, d’un cheval immédiatement, en
attendant que le processus d’agrément soit finalisé. C’est l’un des dossiers soutenu par l’AEP, et c’est pour cela
que j’ai voté pour eux.
Juste un autre point : alors que les propriétaires anglais et irlandais apprécient le niveau des allocations ici, ils
sont consternés par "l’ambiance" de nos hippodromes. Il n’y en a aucune ! Tellement de choses doivent être réalisées dans ce sens, et ce n’est pas compliqué. France Galop ne peut pas faire
semblant de s’en occuper. Mais ce sera le sujet d’un autre email. Merci de m’écouter, et merci pour votre éditorial (même si je ne pense pas qu’il soit obligatoirement dangereux d’avoir
tant d’entraîneurs autour de la table !).