« Ma responsabilité, c'est de tenir le cap ». Ainsi s'exprimait Nicolas Sarkozy devant quelques centaines de maires de France, mercredi dernier.
Nous avions le tournis.
Toute la soirée de mercredi soir, sur LCI, un journaliste répétait à chaque flash d'information une nouvelle terrifiante pour quiconque croyait encore que Nicolas Sarkozy était ce modèle fait
de rocher qui nous guide dans la tempête malgré les secousses: le Monarque avait changé d'avis sur le droit de vote des étrangers. Reniement ou indécision ?
Et ce n'était pas tout.
Sarkozy est indécis...
... sur le droit de vote des étrangers
Mercredi, le président français
s'était encore renié. Il n'avait pas honte,
il l'a fait devant 2 ou 3.000 des 36.000 maires du 94ème congrès des maires de France. En 2005, pour troubler à gauche, il avait déclaré soutenir le droit de vote aux élections locales
pour les étrangers extra-communautaires. En 2011, pour satisfaire sa droite
« populaire », il se déclare être opposé droit de vote aux élections locales pour les étrangers. Sarkozy serait-il indécis ?
Le timbre bas, la voix faussement calme, il a critiqué, de sa petite estrade élyséenne, la proposition socialiste examinée au Sénat d'élargir le droit de vote aux élections municipales :
«Une telle proposition me paraît hasardeuse. Elle présente le risque de diviser profondément les Français au moment, où plus que jamais, nous avons besoin de nous rassembler. (...) Le droit
de voter et le droit d’être élu, dans nos territoires, doit demeurer un droit attaché à la nationalité française ». « Je suis très attaché à ce que notre Constitution
n'aille pas au-delà, parce que je crois que le droit de voter et le droit d'être élu, dans nos territoires, doivent demeurer un droit attaché à la nationalité française ».
Sarkozy est indécis...
... sur son plan de rigueur.
Mardi, François a annoncé qu'il renonçait au quatrième jour de carence d'indemnités maladie pour les salariés malades du secteur privé. François Fillon ne décide rien, ne refuse rien qui
n'ait été approuvé par le Monarque.
Nicolas Sarkozy seul décide. Rappelez-vous. C'est le chef, le président qui décide dans l'adversité. On n'oserait croire que François Fillon ait eu une quelconque autonomie dans ce revirement
si soudain.
Quelle indécision ! Sarkozy venait d'annoncer la mesure qu'il l'annule déjà. On applaudit.
Sarkozy est indécis...
... sur son plan de rigueur... (Bis)
Autre taxe, autre abandon. Il n'a fallu que 10 jours à Nicolas Sarkozy pour lâcher un autre prélèvement né des exigences de la rigueur: la taxe qui devait s’appliquer sur
les factures hôtellières supérieures à 200 euros la nuit pour compenser l'abandon d'une autre taxe annoncée cet été sur les parcs d'attraction a été abandonnée ...
La séquence fut délicieusement illustrative de l'état de déshérence dans lequel vivote la Sarkofrance.
Comme le notait le site Lobbycratie, « Après
avoir rencontré le secrétaire d’Etat à la consommation, aux PME et à plein d’autres choses, Frédéric Lefebvre, les représentants de l’hôtellerie de luxe avaient indiqué que cette taxe était
abandonnée. Il est amusant de voir que le même sous-ministre avait lequel ils se sont entretenus est le même qui a fondé le cabinet PIC Conseil, propriétaire de parts dans l’agence de
lobbying “Domaines publics”. Or, Domaines publics,
parmi les secteurs d’activité qu’ils représentent, travaille depuis quelques temps pour l’hôtellerie de luxe. »
Finalement, sur cette taxe, Nicolas Sarkozy était indécis.
Sarkozy est indécis...
... sur l'Europe. Il a beau répété, rabâché qu'il faut davantage de gouvernance européenne, il reste l'otage des décisions d'Angela Merkel. Il ne sait plus comment faire. Il est
« ennuyé ». «Rien n'est fait. On est loin. On n'a pas d'accord pour l'instant» a expliqué un conseiller élyséen.
Angela Merkel a bien eu quelques sueurs froides, jeudi, quand son Etat n'a pas réussi à lever les 6 milliards d'emprunts dont il avait besoin, la chancelière reste maîtresse du jeu en Europe. Elle
est arrivé en retard, ce jeudi, pour ce micro-sommet franco-allemand-italien improvisé à Strasbourg. Une panne d'avion. A Strasbourg, l'Europe est de toutes façons restée en panne. Merkel a
refusé qu'on touche à l'indépendance de la BCE. Ailleurs en Europe, et surtout en France, on espérait que la BCE pourrait acheter quelques centaines de milliards de dettes souveraines si
les « marchés » se mettaient à douter. Mais Angela a refusé.
Alors Sarkozy se satisfait de peu, de petit, de très petit. Arnaud Leparmentier, du Monde, est ironique: « Malgré tout, le président français
estime avoir obtenu une petite victoire, en parvenant à ce que les dirigeants ne commentent les décisions de la BCE ni en positif ni en négatif.» Pour compenser son immobilisme, il
s'agitera sur une estrade, la semaine prochaine, à Toulon. Il
paraît que ce sera un clin d'oeil très appuyé à un précédent - et pourtant terrifiant - discours au même endroit en septembre 2008. A l'époque, il avait de grands mots, nous avions
« Sarko le gaucho » qui allait nous sauver du méchant monde de la finance. Jeudi, quand la nouvelle fut connut, le sénateur-maire de la ville, et ancien ministre de
Sarkofrance, Hubert Falco,
déclara: «Toulon a déjà reçu le président pour un discours sur la crise en 2008. C'est une ville qui lui porte chance».
Ces gens ont de l'humour.
Sarkozy est indécis...
... sur Eva Joly. Depuis trois jours, le microcosme politique s'est agité sur les états d'âmes d'Eva Joly. La candidate écologiste avait provoqué la stupeur de son camp en
hésitant à reconnaître qu'elle appellerait à voter Hollande au second tour, avant de se raviser quelques heures plus tard. Elle y perdit son porte-parole de campagne. A droite, ces
bisbilles ont déclenché des réactions aléatoires, confuses ou contradictoires. L'isolement d'Eva Joly prive l'Elysée l'un de ses arguments favoris, prétendre que François Hollande serait otage
de prétendus « Khmers verts ».
Habituellement, l'Elysée et Sarkozy en tête livrent les bons éléments de langage pour tacler l'opposition. Sarkozy fait campagne en coulisses, mais les argumentaires sont clairs et rodés à
chaque réunion à l'Elysée. Mais depuis mercredi, c'est la confusion. L'UMP ne sait plus quoi dire. Les habituels perroquets s'agitent dispersés.
L'UMPiste « populaire » Lionnel Luca était ravi de ses bisbilles: « Merci Eva, continue le combat ». Il n'avait pas vu le danger. Jean-Pierre Raffarin a
préféré souligné l'isolement d'Eva Joly, notant une prétendue « grave crise de confiance » entre la candidate verte et l'état-major d'EELV. A l'inverse, jeudi matin, Laurent
Wauquiez louait la « sincérité » d'Eva Joly contre « l'indécision » de François Hollande. Il se trompe. C'est plutôt la fermeté du second qui a agacé la
première. Et pour appuyer son raisonnement erroné, le jeune protégé de Nicolas Sarkozy vire au mensonge : «L'indécision de Hollande tourne au capharnaüm» et l'accord PS-EELV,
« un gigantesque foutoir». L'accord EELV/PS est pourtant clair, connu et public. Mais Wauquiez voulait sans doute se plaire à entretenir le flou.
Nicolas Sarkozy est indécis...
... sur sa candidature.
S'il fallait prendre au mot le Monarque, on ne peut que se résoudre à l'évidence. Nicolas Sarkozy hésite à être candidat. Sinon, il aurait pu l'annoncer. Un truc simple, « oui, j'ai envie de
continuer ». Mais non, il préfère dire ou laisser dire qu'il attendra mars pour se déclarer. Il n'y a donc que deux options. Soit il hésite encore... ce qui ce serait curieux pour quelqu'un qui
témoigne d'autant d'énergie pour faire campagne. Soit il s'est décidé mais le cache encore pour éviter l'épreuve d'une campagne... Et alors, nous sommes dans le mensonge ou l'hypocrisie.
Au choix.
Nicolas Sarkozy sera-t-il tenu par le programme présidentiel de l'UMP ? interrogea la journaliste Raphaëlle Duchemin ce jeudi matin. Wauquiez bafouilla son esquive : «Ce que je sais, c'est
que Nicolas Sarkozy n'est pas dans l'indécision ».
Vraiment ?
Laurent Wauquiez est un sacré farceur !