Français pendant 50 ans, il court après sa nationalité
Publié le vendredi 29 février 2008 à 06H31
Abdelkrim Fodli attend de la cour d'appel qu'elle lui restitue ses droits
Abdelkrim Fodli, Français depuis l'âge de trois mois avait toujours obtenu sans difficulté sa carte d'identité.
"Français je suis, Français je mourrai. Je fais confiance à la justice de mon pays." Une confiance que, pour l'instant, les juges n'ont pas manifestée en retour à Abdelkrim Fodli. Français depuis l'âge de trois mois - il a aujourd'hui 52 ans -, cet habitant de Grasse avait toujours obtenu sans difficulté passeport et carte d'identité. Il vote à chaque scrutin, tenant même, parfois, un bureau. Jusqu'à ce que, en 2004, le tribunal d'instance de Cannes lui annonce que, son père, ayant perdu la nationalité française le jour de l'indépendance de l'Algérie, lui-même, sa mère, sa soeur ne l'étaient plus non plus.
Pas même apatride, Abdelkrim Fodli tombe alors dans un trou noir juridique. L'affaire était évoquée, hier, devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, ultime étape d'une course d'obstacles judiciaire. Dernier espoir de récupérer ce bien qu'on ne ressent précieux que lorsqu'on le perd : la nationalité et donc la citoyenneté. La cour rendra sa décision le 3 avril.
Contre lui, Kafka et Courteline se donnent la main. En 1962, les accords d'Évian octroient la nationalité française aux Algériens qui en font la déclaration. Kadour, le père d'Abdelkrim vivant et travaillant en France, opère cette démarche, en 1963, au tribunal d'instance de Gap. Mais lorsque, quarante ans plus tard, il réclame la trace de cette déclaration, son avocat ne reçoit qu'un extrait informatique indiquant "classé sans suite". La déclaration d'option pour la nationalité française a-t-elle été enregistrée, rejetée ? Impossible aujourd'hui de savoir.
Bien qu'il ait produit une carte d'identité française de son père, l'acte de mariage en 1940 et un relevé de carrière établissant une implantation permanente en France, le tribunal de Nice a refusé, à son tour, de le considérer Français. Pour son avocate, Catherine Cohen-Seat, "c'est inextricable, intenable". Même le procureur de Grasse a refusé de livrer les enquêtes faites avant de lui délivrer une licence 3 d'exploitation de débit de boissons. Et pour l'obtenir, la loi exige pourtant la nationalité française.
Pour corser l'affaire, le coup aurait pu être rattrapé en entérinant sa présence en France depuis sa naissance. Cette procédure s'appelle l'acquisition de la nationalité par possession d'état. Sauf que les juges lui encore opposé un refus, exhumant une vieille condamnation, aujourd'hui non avenue. "On détruit psychologiquement ma famille et moi. Ma femme a peur, j'ai pris dix-huit kilos".
Le permis de conduire qu'il voulait renouveler ne lui pas été restitué et l'autorisation provisoire de conduite pas renouvelée alors qu'il doit accompagner son fils paraplégique à l'hôpital. Le passeport de sa fille, âgée de 12 ans, lui a été retourné, détruit par la préfecture. Toute une famille dans le trou noir juridique…
Par Luc Leroux ( [email protected] )
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