Après l'Indonésie, c'est à un voyage musical très intelligemment scénographié par Fabienne Fulchéri que l'Espace culturel Vuitton convie le visiteur.
Il est accueilli dans le hall par une sculpture de Rémy Jacquier, Pavillon S.T., représentant métaphoriquement une oreille un peu à l’instar de la guitare de Picasso. Se rendre à l’Espace Culturel Vuitton c’est accepter de changer de repères et consentir à la surprise. Le voyage en ascenseur est lui-même un rite de passage. La cabine, conçue par l’artiste Olafur Eliasson est moelleusement capitonnée, totalement insonorisée et plongée dans une obscurité parfaite. Le visiteur n’y est jamais seul, sans doute pour éviter aux claustrophobes d’avoir peur et jouir pleinement d’une petite relaxation. Il faut un certain temps pour accéder au 7ème étage, suffisamment pour s’être dépouillé du stress et avoir pu changer d’état d’esprit.
Après le rituel de la montée en ascenseur le visiteur longera le sous-bois constitué de souches-tourne-disques proposé par Su-Mei Tse pour déboucher dans l’univers de Thierry Mouillé, sur les traces de la trompette de Jéricho, de Gabriel ou sur le cor qui a résonné du dernier souffle de Roland à Roncevaux. Le Brass Space, Pavillon 1 invite à tester les embouchures, rendant le spectateur actif de ses découvertes.Beaucoup de personnes osaient souffler dans les cors. Moins nombreux étaient ceux qui osaient frapper la toile du LSD Song.Tandis que Thierry Mouillé circulait lui-même d'un étage à l'autre ...et d'une sculpture à une œuvre picturale ...
Dans la rotonde, c’est du bout des doigts que nous pouvons faire résonner des tablettes et constituer un septuor numérique.
Anri Sala emploie un autre instrument à vent, le saxophone, dont il a demandé à Jemeel Moondoc de jouer, suspendu à une plate-forme, à la façade d’une barre d’immeuble de Berlin dont le nom a donné le titre de l’œuvre, Long Sorrow. Elle se donne à voir sous la forme d’un film de 13 minutes qui répond en écho à un enregistrement identique (sur vinyle) qu’on devine en provenance de la pièce voisine, dont les parois capitonnées emprisonne imparfaitement les notes de musique. Les deux saxophones s’interrogent et se répondent en provoquant notre réflexion sur la trace et la mémoire du lieu.
Christina Kubisch interpelle différemment le visiteur. Elle a conçu une déambulation que l’on entreprend avec un casque sur les oreilles pour entendre l’inaudible. Cette musicienne, qui jouait de la flute traversière, a commencé il y a vingt ans à enregistrer les ondes électromagnétiques qui se propagent dans les villes. Elle est revenue dans certains endroits et a constaté que le champ magnétique est en constant épaississement. Elle ne livre cependant aucun message en bien ou en mal, restant dans la position de l’artiste qui révèle le linceul sonore dans lequel nous sommes emprisonnés. Ici, en nous plaçant entre les tentacules de ces anémones de mer géantes nous pouvons percevoir les ondes qu’elle a captées à la Gare de l’Est, au métro Georges V, sous des néons, ou encore à proximité d’alarmes incendie.
Laurent Saksik a imaginé La Lyre par pour revivre l’expérience du thérémine, un des premiers instruments de musique électronique, particulièrement prisé par le groupe Led Zeppelin.
Un grand cadre métallique ouvert et posé sur le sol maintient deux plaques de verre translucides entre lesquelles on peut prendre place. En bougeant les mains sous les capteurs de mouvement on provoque des vibrations que le verre transforme en musique. Cette action relève en quelque sorte de la magie puisque l’instrument émet un son en l’absence de contact physique, à condition d’avoir la « main musicale » , voire même les mains musicale, parce qu’il ne suffit pas d’en agiter une pour obtenir un résultat satisfaisant. A certaines heures de la journée, quand les rayons du soleil frappent les vitres le son sera très différent.
Stéphane Vigny a disposé in situ 128 cymbales de batterie dans un espace clos, composant une pièce instrumentale à laquelle il n’a pas donné de nom, mais dont il disait lui-même ce soir qu’elle est mouvante pour émouvoir, fascinatique et autoritaire comme une mer.
Rue Bassano, la Bomb Cello fabriquée par Charlotte Moorman en 1984 suggère qu’un engin de destruction peut émettre un message radicalement différent en le transformant en instrument de musique, ce qui était alors totalement révolutionnaire.
Espace culturel Louis Vuitton, 60 rue de Bassano, 75008 Paris, 01 53 57 52 03
Entrée libre, du lundi au samedi de 12 à 19 heures, dimanche et jours fériés de 11 à 19 heures (sauf les 25 décembre et 1er janvier)