Dans les différentes nouvelles qui composent son recueil, Jacques Dalodé met en scène un groupe de personnages récurrents à des périodes différentes de leurs vies respectives, les faisant interagir et il dresse avec brio et très simplement des scènes de vie béninoises en Cotonou et Boulagon, un village imaginaire qui ressemble à si méprendre à celui de l’auteur. Sur le fond, l’intérêt de la narration de l’ingénieur retraité réside dans le balancement très bien coordonné entre le monde de l’arrière-pays béninois et la réalité urbaine de Cotonou, dans ce va-et-vient des personnages entre leur imaginaire et la réalité quotidienne. Toujours sur le fond, le monde que décrivent les nouvelles est ancré dans des croyances occultes, dans la corruption de fonctionnaires qui imprègne l’atmosphère ou en interaction avec l’étranger qui débarque avec les sabots du jugement à l’endroit du petit peuple qui tente tant bien que mal de joindre les deux bouts. Sur la forme, la touche qui donne une dimension particulière à ce recueil de nouvelles réside dans la truculence et la distance de l’auteur s’emploie à décrire et à rire avec un cartésianisme militant. On sent que Jacques Dalodé sait de quoi il parle, l'ingénieur béninois ayant longtemps travaillé dans son pays, mais qu’il a également le recul de celui qui jauge les choses de l'extérieur. C'est une invitation à la distance par le rire qu’il propose au lecteur qui de mon point de vue est une belle réussite. On lit aussi dans certaines nouvelles, quelque chose de plus personnel, le témoignage selon lequel la corruption n’est pas une fin en soi, elle n’est pas inhérente à l’homo africanus. Elle reste un choix, même si le système s’emploie à faire pencher l'individu des défenses d'intérêt au détriment du plus grand nombre. Là, c’est l’expérience qui parle l'auteur.
Loin de l’oppression, le lecteur se délecte de situations scabreuses, hilarantes, parfois dramatiques. Mais de manière générale, les nouvelles sont bonnes. Je joue, avec le titre. Je donnerai une mention spéciale à la nouvelle qui voit Daa Boulanon, grand devin et autorité spirituelle version afrocentrée de Boulagon, perdre ses pouvoirs. J’ai littéralement rigolé dans le RER en la lisant.
Je vous invite donc à découvrir ce recueil, et à venir nous donner des nouvelles de votre point de vue.
Écoutons, le docteur Cobli face à une foule médusée par un « évènement surnaturel » :
Je le sais, beaucoup parmi nous pensent : « C'est la faute à cette satanée pluie. » Pourtant il ne pleut plus. Le soleil brille au-dessus de nos têtes mais nos coeurs restent froids. Pourrquoi cela? Parce que nous nourissons des idées fausses. Ces idées, il nous faut absolument les chasser de nos têtes, leur dire : « Halte! on ne passe plus! » Ce n'est pas la pluie qui a semé l'angoisse et la désolation, c'est notre peur irraisonnée du pluviateur, comme notre ami Jo aime à désigner le Dannon. Aucun jeteur de sort ne nous a réduits au silence. Nous nous taison parce que nous nous laissons impressionner. Ne pas croire aux sornettes, c'est la clé de la force mentale.Page 83, Editions Gallimard, collection Continents noirs
Très Bonnes lectures !
Jacques Dalodé, Très bonnes nouvelles du Bénin
Editions Gallimard, Collection Continents noirs
1ère parution en 2011, 235 pages
D'autres points de vue :
Encres vagabondes, Cultures Sud
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