La macé-scaronite, mieux la connaître, mieux la prévenir.
QU'EST-CE QUE LA MACE-SCARONITE ?
La macé-scaronite est une pathologie de l'auteur, particulièrement du journaliste, consistant à emprunter, sans le signaler, des bouts de texte (voire des passages entiers) chez un confrère ou une consœur de plume, et sans l'accord de ces derniers. Bien que ressemblant à la dementia journalistica (ou " maladie de la petite cervelle " dans la classification du professeur Mélenchon), elle ne doit pas être confondue avec elle.
COMMENT LA DEPISTER ?Selon les patients, la macé-scaronite peut varier en intensité et en fréquence. On distingue différents stades de gravité, remarquablement identifiables dans cet article du Monde sur le film Donoma, rédigé par une journaliste victime de ce mal, et s'étant servie dans un précédent billet de Variae.
Stade 1 : éruptions textuelles éparsesDes mots, des groupes de mots sont piochés dans le texte d'origine, parfois légèrement modifiés. Le caractère discontinu et limité des emprunts rend l'identification difficile, si ce n'est impossible, en l'absence d'autres symptomes.
Sophie Walon dans Le Monde :
" Donoma, auto-proclamé " film-guérilla " [...] des acteurs souvent épatants de justesse ".
Variae :
" Donoma, auto-qualifié " film-guérilla " [...] des acteurs épatants et suscitant immédiatement l'empathie "
Stade 2 : plaques d'irritation sémantiqueLe stade 2 ressemble au stade 1, mais est plus susceptible d'attirer l'attention du praticien. Les emprunts s'allongent, passent au niveau de la phrase, avec des combinaisons de mots rendant la probabilité d'un simple hasard extrêmement faible.
Sophie Walon dans Le Monde :
" Donoma filme ces jeunes plus ou moins blancs, plus ou moins riches [...] cette jeune classe moyenne urbaine "
Variae :
" Cette jeune classe moyenne urbaine [...] ces vingtenaires et trentenaires mélangés, plus ou moins blancs, plus ou moins riches "
Stade 3 : prurit verbal (appelé aussi " macé-scaronite purulente ")Au stade 3, la pathologie explose au grand jour. C'est bien souvent à ce stade déjà trop avancé que le patient est dépisté. Les emprunts se resserrent, touchent des passages entiers.
[Échantillon 1]
Sophie Walon dans Le Monde :
" Malgré (à cause de ?) cette démarche originale, on peut se montrer méfiants face à ce film étiqueté "film de jeunes de banlieue", à la bande-annonce décousue et à la longueur inquiétante. D'autant plus que la production du film, qui s'est faite hors de tous les circuits d'aides habituels, pourrait tout simplement être le signe d'une qualité artistique insuffisante pour y prétendre. "
Variae :
" A priori, beaucoup de raisons de ne pas tenter l'expérience : une bande-annonce décousue, une longueur inquiétante pour un premier film (plus de deux heures), un buzz de " film de jeunes de banlieue qui vient remuer le cinéma français ", et l'information que la production de ce long métrage s'est faite hors de tous les circuits d'aides habituels, ce qui peut tout simplement être le signe d'un niveau artistique trop faible pour y prétendre. "
[Échantillon 2]
Sophie Walon dans Le Monde :
" Alternant des séquences hyperréalistes quasi-documentaires, caméra nerveuse au poing, et des scènes à l'humour ou à l'onirisme extravagant [...] . Donoma semble rassembler tous les clichés du cinéma français en puisant tour à tour dans le film sentimental et psychologisant de bobos en appartement parisien, le film de banlieue et le cinéma d'auteur. "
Variae :
" On pourrait penser à une sorte de best of des clichés du cinéma français actuel. [...] le réalisateur (Djinn Carrénard) emprunte en effet aux principaux genres hexagonaux : le film sentimentalo-psychologique de bobo en appartement, le film de banlieue avec parler cru wesh wesh style, et aussi le cinéma d'auteur pour des séquences plus expérimentales. [...] Enchaînant des moments d'hyperréalisme quasi-documentaire, caméra nerveuse au poing, avec des scènes à l'onirisme envoutant "
COMMENT LA TRAITER ?Dans un premier temps, le patient met en place des stratégies d'auto-défense (" intertextualité ", " hasard ", " clin d'œil "), voire de dénégation, relayées par ses proches, ses collègues.
Sans prise de conscience - parfois brutale - le traitement est impossible. Une fois que le patient a accepté son état, des thérapies sont envisageables : suspension de la connexion à Internet et de la fonction " copier/coller " dans son traitement de texte, phases de recueillement personnel, ateliers d'écriture. Le surmenage étant un facteur aggravant, la prise d'un congé sabbatique pourra être envisagée.
La macé-scaronite n'est pas honteuse. Elle se maîtrise. Elle se soigne. Parlez-en à votre rédacteur en chef.Romain Pigenel
La visite du docteur Variae continue ici.