Quoi ? vous ne vous rappelez pas qui est Anoine Waechter ? C'est normal, il est passé aux oubliettes de l'histoire. Pourtant c'est avec lui et grâce à lui que les Verts sont devenus une force politique qui compte dans ce pays. Candidat pour les Verts à la présidentielle de 1988, il réalise 3.78 %, ce qui à l'époque constitue une véritable surprise. Il transforme l'essai lors des municipales de 1989 et surtout lors des Européennes de la même année, où la liste verte dépasse pour la première fois les 10 % (et sans Cohn-Bendit).
Mais, s'il est important, c'est parce qu'en matière de positionnement politique pour les Verts, il y a eu un avant et un après Antoine Waechter. Mr Waechter était partisan d'une ligne ni droite ni gauche, au contraire de la ligne soutenue par Dominique Voynet qui voulait ancrer le parti clairement à gauche. C'est cette vision là qui à gagné, entraînant le départ et la marginalisation d'Antoine Waechter.
Donc, depuis 1993, les Verts sont clairement étiquetés à gauche. En soi, c'était logique puisque les militants et une partie de leur électorat venaient clairement de ce côté de l'échiquier politique, et que les politiques libérales et capitalistes soutenues par la droite sont en grande partie responsables des dégâts environnementaux. La stratégie a eu du bon, puisqu'aujourd'hui les Verts sont devenus un allié indispensable pour le PS, les écologistes ont maintenant des élus à tous les échelons locaux, ont un groupe au Sénat (et probablement bientôt à l'Assemblée) et il sont plus audibles qu'avant dans le débat politique.
Aujourd'hui, l'écologie politique compte indéniablement, mais attention, toujours en tant que force politique alliée au Parti Socialiste. Les écolos ont de bonnes places, sont dans de nombreux éxecutifs locaux, postulent pour des places de ministre, mais qu'en est-il de leurs idées ?
Dominique Voynet, puis Yves Cochet ont été ministres de l'environnement entre 1997 et 2002. Que reste-t-il de leur action ? Qui peut citer une mesure environnementale d'importance à leur crédit ? Dans les grandes villes, les départements, les régions, les élus en charge de l'environnement ou des transports sont souvent écologistes. Où est la différence ? Ils agissent certainement, n'en doutons pas, mais ils sont surtout prisonniers de leurs alliances. Justement, le point d'orgue de la limite de cette politique d'alliance date de la semaine dernière. En négociant avec le PS, les écologistes ont clairement préféré avoir des sièges de députés et sacrifier ainsi une des idées fortes de la pensée écologiste, leur cheville ouvrière en quelque sorte, l'abandon du nucléaire. Le pire, c'est que cet accord a été signé au prix du désaveu de leur propre candidate qui continue, elle, a s'accrocher à ses idées. Ironie du sort, Mme Joly vient de la société civile, elle n'est pas une verte historique.
Du point de vue des idées, et sur l'aune du changement de la société, la stratègie d'alliances avec le PS est donc un échec, puisque depuis 15 ans, rien ou si peu n'a été amélioré dans le domaine environnemental, et que les mentalités évoluent plus à cause des catastrophes à répétition que grâce à l'action politique.
J'en reviens donc à Antoine Waechter et sa ligne ni droite ni gauche. Ce qui ne veut pas dire que l'on est ni à droite, ni à gauche, mais que l'on ne fait d'alliance ni avec les uns, ni avec les autres. Du Bayrou avant l'heure en quelque sorte, à ceci près qu'il y a une différence de taille avec Bayrou. En effet, pour le leader centriste, l'absence d'alliance est vitale, elle seule lui permet de continuer à exister. Si demain, il signait un accord de gouvernement avec l'un ou l'autre des deux grands partis, il signe sa mort électorale, du moins celle des idées qu'il veut porter. François Mitterrand n'a pas agi autrement pour tuer le PCF.
Pour les Verts, l'alliance n'était pas vitale, au contraire, puisqu'ils sont porteurs d'une idée, d'une philosophie de vie. Leur but devrait être de faire progresser cette idée. Toute proportion gardée, il faut comparer avec le Front National (qui tient lui aussi un discours ni droite ni gauche, mais pour d'autres raisons). En l'isolant politiquement, les principaux partis de droite et de gauche ont fait en sorte que celui-ci ne puisse jamais accéder au pouvoir. Il faut s'en réjouir. Sauf que dans le même temps, il a pu ainsi cultiver sa posture d'opposant, et s'il n'est au pouvoir, force est de reconnaître qu'une partie de ses idées font florès dans les hautes sphères de l'Etat. Et pas qu'à droite malheureusement !
Certes, les écologistes ne sont pas l'extrême-droite, heureusement. Mais en cultivant leur indépendance, en faisant jouer leur petite musique, ils auraient peut-être pu faire entrer dans les esprits qu'il y avait une autre façon de faire de la politique. Et tout en restant à l'écart du pouvoir, ils auraient peut-être pu y faire rentrer leurs idées. Il est intéressant de noter que sur les questions écologiques, les partis les plus radicaux aujourd'hui, sont le NPA, qui refuse toute alliance, et le Front de Gauche dont le candidat rejette toute participation à un gouvernement socialiste.