“Se révolter, c’est courir à sa perte, car la révolte, si elle se réalise en groupe, retrouve aussitôt une échelle hiérarchique de soumission à l’intérieur du groupe, et la révolte, seule, aboutit rapidement à la soumission du révolté… Il ne reste plus que la fuite.” H. Laborit dans “L’Éloge de la fuite”
On a instillé le poison, celui de la dissension au sein de la gauche. Un poison qui mène à la défaite électorale dit-on. E. Joly créditée d’un pouième de pourcentage à l’élection présidentielle vacille. Sous les coups de la droite, ceux de la gauche (en particulier du PS), et enfin de son propre camp. Pas d’accord sur ligne politique avec la candidate. Ce que l’on appelle ligne politique dans le spectacle public consiste à minutieusement chorégraphier son aptitude à ramper face au Parti Socialiste. À définir par de petits arrangements, non-dits, dans un symbolisme occulte, la manière dont va se nouer, au final, le rapport de domination entre le Tout-Puissant parti de centre gauche, et le croupion écologiste.
Christopher Dombres
Si l’on s’en tient à une logique typiquement électoraliste, E. Joly a tort. Elle est même hors compétition depuis le début. Une logique qui consiste à exister par l’entremise du meilleur score à l’élection présidentielle le nez plongé dans le tréfonds de ce qu’attendent les Français à la lumière des experts, sondeurs et saltimbanques de plateaux TV issus de think tanks (de droite). Or si un candidat écologiste, y compris un N. Hulot que l’on regrette presque aujourd’hui, avait une moindre chance d’être présidentiable, dans ce moment électoral, cela serait une révolution. En d’autres termes, l’intérêt d’un parti écologiste ne relève pas du témoignage type Grenelle de N. Kosciuzko-Morizet, ou des bonnes résolutions “de brosses à dents”. La richesse d’un mouvement envirronemental tient à sa capacité à aborder des sujets agaçants.
Au-delà de la cuisine électorale, E. Joly révèle la politique hexagonale. Elle dévoile même la capacité du système médiatique à faire entrer tout candidat dans le standard de l’élection présidentielle. Une sorte de prototype. Un modèle de droite, franchouillard, de quinqua, ayant on le subodore, un destin. E. Joly n’a pas ce destin. Elle ne correspond à aucun des critères. Lorsqu’elle s’oppose à l’affligeante procession militaire de la fête nationale elle réveille les instincts cocardiers, et focalise haine, railleries, xénophobie. Elle ne correspond d’ailleurs à aucun critère de candidats secondaires, gigotant par principe, mais conscients de leur insignifiance face aux grandes forces qui structurent la vie politique française.
Dont l’une est mise en lumière au cours cette séquence, le nucléaire. Il aura fallu que les écologistes et le PS discutent de la question pour que tout le monde s’en mêle. Dans un mimétisme ahurissant, de droite et de gauche, récitant les fiches argumentaires de la communication d’AREVA sur le prix de l’électricité, les emplois, l’indépendance. Un tissu de balivernes repris, bizarrement tels quels, par la majeure partie des journalistes. Mais surtout ne suscitant réellement aucun débat de fond. On aura compris alors qu’au-delà du clivage politique, la question du nucléaire est un consensus. Et doit le rester.
E. Joly est entrée en collision avec le consensus. Un habitus national indisposé. Ulcéré par tout ce qu’elle est en termes de probité face aux petits arrangements coutumiers. Bouleversant les vérités de l’élection présidentielle, orgie démocratique.
Une orgie démocratique de débats cloisonnés, proprets entre permanents du cercle de la raison, où E. Joly n’a manifestement pas sa place. Elle a déjà fui.
Comme le voilier de H. Laborit face aux vents contraires, préférant prendre le large, pour explorer de nouveaux horizons. Loin de la tempête médiatique orchestrée par une cohorte mimétique, suiviste et sclérosée.
Vogelsong – 23 novembre 2011 – Paris