L’été 2008 est de retour, la déflation est juste derrière

Publié le 24 novembre 2011 par Copeau @Contrepoints

Non seulement la récession arrive, mais aussi une sévère dépression doublée d’une déflation.

Par Loïc Abadie

La psychologie des foules ne concerne pas que les opérateurs et spéculateurs sur les marchés financiers.

Ses changements affectent l’ensemble de la société, et se répercutent jusqu’aux dirigeants. Ceux-ci sont touchés par ces changements avec retard, parce qu’ils sont isolés de la majorité des citoyens par la bulle confortable et le microcosme privilégié dans lequel ils vivent. Mais ils finissent quand même par être touchés.

Rappelez-vous ce qui s’est passé de 2008 à 2010 : l’ensemble des dirigeants et experts économiques, sûrs de leur vision euphorique de l’économie qui leur faisait croire qu’il suffisait de faire joujou avec des équations monétaires, des taux d’intérêt ou une planche à billets pour créer de la richesse et de la croissance avaient lancé de très ambitieux plans de relance : vagues de quantitative easing aux USA, relance par la dette massive aux USA et en Europe.

Ils ont obtenu un maigre rebond de l’activité de quelques trimestres, sans aucune création d’emplois.

Dans le monde idéal des inflationnistes qui croient aux hélicoptères illimités de Bernanke, la solution à la crise serait toute simple : une Europe (fédérale et unie bien entendu) émettrait dans la joie, la bonne humeur et la fraternité solidaire 2000, 3000, 4000 milliards d’eurobonds, pour racheter les dettes de tous les États en difficulté, et relancer ensuite toutes les économies à coup de billets magiques et créateurs de richesse.

La BCE se lancerait dans le même temps dans un quantitative easing massif à l’européenne, pour mettre les taux des emprunts de tous les ex-États de l’Europe fédérale en dessous de 3%, et tout ce beau rêve serait supervisé par des experts de la commission européenne, afin d’éviter que des peuples stupides et mal éduqués ne viennent perturber ce programme par des pratiques obsolètes appelées « élections » ou « référendums ».

De l’autre côté de l’Atlantique, ce serait un peu pareil : on ferait tourner de nouveau la planche à billets et les déficits publics, via un troisième puis un quatrième round de quantitative easing, afin de relancer encore plus l’économie. Et ensuite une gentille stagflation effacerait toutes les dettes et tout irait bien.

Mais alors, pourquoi le CAC est-il aujourd’hui à 2850 alors qu’il était à 6000 en 2007 ? Combien d’inflationnistes nous affirmaient il y a encore quelques mois qu’il ne redescendrait plus en dessous des 3400 du fait des politiques monétaires « accomodantes » ?

Pourquoi l’indice CRB des matières premières est-il aujourd’hui à 310 (soit sensiblement son niveau de 2005) alors qu’il était à 475 en 2008 ?

Pourquoi l’action Total dessine-t-elle une figure baissière en tête épaules géante sur plus de 10 ans ?

Pourquoi l’indice de la bourse grecque est-il déjà revenu à son niveau de 1990, montrant la voie à tous les autres indices européens et américains qui présentent un graphique similaire, avec juste quelques trimestres de retard ?

Précisons que ce retour s’est opéré en monnaie courante, et malgré le fait que les taux d’inflation en Grèce soient restés au dessus de 10% jusqu’en 1994, et au dessus de 5% jusqu’en 1998, phénomène considéré comme « impossible » par les inflationnistes !

Pourquoi l’Europe ne parvient-elle pas à s’unir pour nous proposer un feu d’artifice d’eurobonds et de quantitative easing, et intervient-elle aussi mollement dans la crise des dettes souveraines ?

Pourquoi les Républicains américains sont-ils devenus partisans de la rigueur et du contrôle de la dette, alors qu’ils étaient les champions de la dépense et du déficit public en 2008 juste avant l’élection d’Obama ? Et pourquoi le congrès américain se met-il à bloquer toutes les nouvelles initiatives de relance économique des démocrates ?

La réponse à ces questions est simple. La psychologie des foules progresse, trimestre après trimestre, vers un niveau de pessimisme de plus en plus grand. Cela est associé à une aversion au risque de plus en plus marquée (plans de rigueur), et à un désir de repli sur soi (divisions croissantes entre pays en Europe, et à l’intérieur d’un même pays entre partis politiques aux USA).

Observez le nom des derniers gadgets keynésiens inventés en Europe : le « FESF » (fonds européen de stabilité financière), le « MES » (mécanisme européen de stabilité), ou bien du dernier jouet du FMI, la « Ligne de précaution et de liquidité » (dont le marché semble se moquer éperdument d’ailleurs). En 2008-2009, les objectifs des dirigeants étaient de « relancer ». À présent ceux-ci espèrent beaucoup plus modestement « stabiliser » un peu les choses et éviter l’effondrement. Ils échoueront bien entendu, mais leurs ambitions sont déjà fortement revues à la baisse depuis l’hélicoptère tout puissant de Bernanke.

Observez ce qui se passe pour l’immobilier français. Juste après le début d’implosion de la bulle immobilière française en 2008, le gouvernement avait employé les grands moyens (avec une certaine réussite d’ailleurs en matière de regonflement de bulle) : loi scellier hyper-avantageuse fiscalement, prêt à taux zéro, fiscalité allégée.

Aujourd’hui, alors que le moteur de la bulle cale de nouveau, que fait ce même gouvernement ? Il supprime la loi scellier, durcit le PTZ et la fiscalité immobilière. Tout ce qu’il faut pour précipiter l’implosion de la bulle, implosion qui devrait cette fois aller jusqu’au bout !

Ces changements de comportement sont typiquement déflationnistes (au moins à moyen terme, parce qu’à long terme le risque de faillite d’État et d’hyperinflation est évidemment bien réel). L’indice des prix en France n’a progressé que de 0,4% sur les six derniers mois. Et le gros de la baisse des matières premières est à mon avis à venir, sous l’effet du ralentissement des économies émergentes et de l’entrée en récession des économies occidentales.

L’indice Harpex du coût du fret maritime me semble clair sur ce point :

Nous sommes aujourd’hui dans la même situation qu’en été 2008 : au début de la vague 3 d’un nouveau grand marché baissier, juste après un rebond technique assez long pour laisser croire aux américains que la menace de la récession s’éloigne chez eux.

Décomposition elliottiste de l’eurostoxx :

Cette vague 3 devrait, comme au second semestre 2008, donner lieu à une nouvelle et puissante vague de déflation sur l’ensemble des actifs (dont nous avons déjà eu un modeste aperçu), au profit du cash, et en particulier du dollar US.

Les inflationnistes risquent de découvrir de nouveau dans les trimestres à venir (et je pense en particulier à la première moitié de l’année 2012 qui serait le cœur de tendance de ce nouveau marché baissier) qu’un changement majeur de psychologie des foules est capable de balayer n’importe quelle équation ou dispositif de politique monétaire.

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Article repris depuis Objectif Eco avec l’aimable autorisation de l’auteur.