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L'invention de la dette

Publié le 24 novembre 2011 par Despasperdus

Le conseil supérieur de l'internet civilisé ordonne au webmaster du bloug de publier la tribune, ci-dessous, conformément aux dispositions du décret relatif à la liberté d'expression et d'information dans l'internet civilisé :

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« Chers amis oligarques,

A l'heure où la République populaire de Chine domine le capitalisme international, de graves menaces internes pèsent sur nos profits.

En effet, le peuple commence à évoquer le droit au travail, la sécurité sociale, le droit à la santé et à l'éducation, la retraite à 60 ans pour tous, la justice sociale...

Fort heureusement, nos amis européens, dont l'expertise en capitalisme débridé est indépassable, ont inventé une arme de destruction massive des droits du peuple : la dette publique.

La crise de la dette qui secoue la 2ème puissance économique européenne est un cas d'école : ses entreprises et ses travailleurs sont extrêmement performants, ses chercheurs régulièrement récompensés par le prix Nobel, ses citoyen-ne-s éduqué-e-s et les richesses produites n'ont jamais aussi importantes. Paradoxalement, plus la France s'endette, plus l'oligarchie indigène enrichit.

Il convient donc d'étudier avec attention les mécanismes qui ont permis à la France de se doter de la dette !



1 : INTERDIRE A LA BANQUE CENTRALE DE PRÊTER DES FONDS A L’ÉTAT :

Jusqu'en 1973, l’État français emprunte directement à la banque centrale à titre gratuit, ce qui limite la création de monnaie, interdit toute intrusion privée dans les affaires publiques et surtout n'endette pas artificiellement l’État.

Mais, depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 73-7 du 3 janvier 1973, dont les dispositions sont inscrites dans le dernier traité de Lisbonne (article 123), l’État français doit emprunter auprès des institutions privées.

Notez que lesdites institutions privées empruntent - auprès de la banque centrale à un taux de crédit préférentiel de 1% - avant de faire crédit à l'État à un taux nettement supérieur qui varie selon le bon plaisir des "marchés" !

Et comme par hasard... depuis 1973, la dette de la France est emprisonnée dans une spirale exponentielle, l'État français s'endettant toujours plus pour rembourser des emprunts à des taux de crédit de plus en plus élevés. Grâce aux taux d'intérêt, les spéculateurs ont empoché de l’État l'équivalent du budget de l'éducation nationale en 2010 : sympa, non ?

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Le schéma, ci-dessus, révèle que la dette de la France (courbe rouge) croit inexorablement quand bien même ses besoins sont quasiment stables depuis 1979 (courbe bleue). La partie jaune représente la dette illégitime, soit les bénéfices accumulés grâce aux taux de crédit qui varient selon la confiance des marchés et des agences de notation. Plus la confiance et la notation baissent, plus le taux du crédit s'élève et plus la dette augmente...

Aujourd'hui, la France ne serait quasiment pas endettée si l'État avait continué à emprunter auprès de la banque centrale (son niveau d'endettement correspondrait à la courbe bleue).

2 : DÉFISCALISER POUR TARIR LES RESSOURCES DE L'ÉTAT AU PROFIT DES PLUS RICHES :

Depuis 20 ans, les différents gouvernements ont imposé des réformes diverses et variées au nom de la protection de l'emploi, de l'équité sociale et du mérite :

  • réduction de la part de la fiscalité directe (impôt sur le revenu) au profit de la fiscalité indirecte (taxes diverses sur la consommation);
  • limitation de la progressivité de l'impôt sur le revenu;
  • réduction de l’impôt sur les sociétés de 50 % à 33 %;
  • baisses massives et continues des cotisations sociales;
  • exonérations des plus-values de long terme réalisées sur la cession des diverses participations des entreprises (20 milliards d’euros);
  • création de diverses niches fiscales pour limiter au maximum la fiscalité des personnes les plus riches (cf. lecschéma ci-dessous avec le crédit d'impôts qui profite aux ménages aisés et qui représente un manque à gagner pour l’État);

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  • création d'un paquet fiscal pour empêcher que l’État n'impose plus de 50 % les revenus des plus riches;
  • privatisations des entreprises publiques à des prix d'amis;
  • désindexation du revenu minimum et de l'aide sociale sur l'inflation;

Selon la Cour des comptes, les mesures de défiscalisations représentent 70 milliards d’euros de cadeaux fiscaux (« dépenses fiscales ») soit 3,6% du PIB. Elles sont en partie à l'origine des budgets annuels déficitaires :

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L'accumulation de lois de finances déficitaires a doublement appauvri l'État français en l'obligeant à s'endetter et à réduire ses domaines d'intervention, notamment dans les domaines économique et bancaire.

3 : IMPOSER UNE POLITIQUE ANTI-INFLATIONNISTE :

L'objectif officiel poursuivi depuis 1983 est de limiter l'inflation à un taux maximal de 2 % en menant une politique monétariste.

L’inflation est l'ennemie de l'oligarchie. Elle gêne les banques, les institutions financières et les spéculateurs parce qu’elle réduit la valeur des créances. Elle défavorise aussi la rente, les héritiers, les positions dominantes anciennes.

A contrario, la stabilité des prix est une sécurité pour les créanciers, les rentiers et ceux qui placent de l'argent. A terme, la déflation qui en résulte est aussi une cause de l'endettement.

Depuis plus de 20 ans, la politique monétariste de Trichet à la banque de France, puis à la BCE, a renforcé les positions privilégiées de l'oligarchie. Les rentiers et les hyper-riches sont réapparus dans le paysage...

De plus, le monétarisme ralentit l'activité économique et crée du chômage. Ce dernier fragilise les salariés et les rend plus dociles, moins prompts à défendre leurs droits et à revendiquer des augmentations de salaires.

Cette politique déflationniste accélère la précarité sociale et la stagnation salariale du plus grand nombre : résultat, moins d'entrées fiscales pour l'État...

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Autre effet du monétarisme : entre 1983 et 2006, la part des salaires dans le PIB a baissé de de 9,3 % grâce au lobbyisme sans relâche de nos amis français, ce qui représente annuellement entre 120 et 170 milliards d'euros pris par le Capital au Travail.

4 : MANIPULER L'OPINION PUBLIQUE EN GROSSISSANT LE POIDS DE LA DETTE :

Il est démontré que plus l'opinion publique est effrayée, plus le peuple subit avec docilité des réformes, censées réduire le train de vie de l'État et créer de l'emploi, qu'il n'accepterait pas dans un autre contexte.

Par conséquent, les médias dominants et les élites dociles, acquis aux intérêts de l'oligarchie, ont créé artificiellement un climat de psychose grâce à la dette publique.

Le tour de passe-passe revient à grossir démesurément la dette en affirmant qu'elle représente près de 85 % du PIB (annuel)...

Or, en réalité, la dette ne représente que 12 % des ressources de l'État.

En effet, médias dominants et élites manipulent l'opinion publique en rapportant la dette au PIB d'une seule année. Cette manipulation (85 % du PIB) n'a aucun sens puisque les emprunts qui constituent la dette sont remboursés en moyenne tous les 7 ans ! C'est sur cette base de 7 ans que le poids de la dette doit être calculé !

Cette fabuleuse escroquerie intellectuelle légitime le discours dominant : "l'État dépense trop, nos enfants vont payer, il faut faire des sacrifices, soyons courageux..."

Et toutes les politiques de rigueur et d'austérité sont ainsi validées !

5 : PROTÉGER LA QUESTION BUDGÉTAIRE DE LA DÉMOCRATIE :

Jusqu'à présent, les représentants du peuple votent le budget de la nation. La démocratie - idéale en théorie - est dangereuse, surtout en matière budgétaire !

Imaginez qu'une majorité Front de gauche gouverne et s'affranchisse des règles néo-libérales qui ont conduit au déficit budgétaire de la France : la dette serait très rapidement effacée et les intérêts de l'oligarchie considérablement menacés.

Aussi, le traité de Lisbonne a institué la fameuse règle d'or qui interdit à un État de présenter un budget déficitaire supérieur à 3 % du PIB.

Aujourd'hui, les dirigeants UE et des États membres souhaitent franchir l'étape suivante afin de prémunir la question budgétaire contre les aléas la démocratie. Il s'agirait donc d'instituer un double verrou :

  • constitutionnaliser la règle d'or ;
  • remplacer en matière budgétaire les parlements nationaux par une commission européenne ad hoc.

Circulez, y 'a rien à voir !

CONCLUSION :

Nos amis français ont réalisé un travail remarquable.

A mesure que les points précités sont entrés en vigueur, la rigueur et l'austérité ont frappé de plus en plus durement le peuple pour le plus grand profit de l'oligarchie autochtone. J'aurais également pu évoquer la mansuétude de l’État français devant la fraude et l'évasion dans les paradis fiscaux...

Un travail d'autant plus remarquable, que même des consciences de gauche, en particulier celles de la social-démocratie, se contentent naïvement de rejeter sur la droite la responsabilité et la paternité de la dette, en évoquant l'incompétence et la mauvaise gestion de la droite, sans remettre en question le principe même des politiques de rigueur et d'austérité.

Chers amis oligarques, vous l'avez devinez, il conviendra de transposer les 4 premières mesures précitées. La 5ème est inutile puisque notre République populaire de Chine régule déjà la démocratie....» [1]

Notes

[1] on a lu : O. Bonnet,L'escroquerie de la dette publique signe la mort de la démocratie - et F. Lordon, La dette publique, ou la reconquista des possédants - Solidaires, Austérité, dette, ce n’est pas à nous de payer ! - Pensez Bibi, Va-t-on laisser faire Clearstream, Euroclear et Swift ?


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