Pères du rap, pardonnez-moi car j’ai pêché. J’ai écouté le deuxième album de Drake, Take Care, et je n’ai pas été révulsé devant cette effusion de tendresse. Pourtant, Drake avait toutes les cartes en main pour me décevoir sur cet album. Beaucoup de chant, de la douceur au détour de chaque rime, des histoires de cœur et même un cover-art ne demandant qu’à être tourné en ridicule. Chronique.
Drake, qu’on avait connu plus arrogant sur son premier album ou sur la mixtape So Far Gone, joue ici la carte de l’introspection. La solitude des sommets sans doute, d’ailleurs parfaitement retranscrite sur la pochette de l’album. Démontrant sa conquête totale de ce territoire bâtard situé à mi-chemin entre le rap et le R’n'B, Drake nous invite à partager 70 minutes en sa compagnie…
Mais ne vous-y trompez pas, il y a plusieurs autres invités de marque comme le trop peu présent Andre3000, la famille YMCMB avec Lil Wayne et Nicki Minaj, les obligations marketing que sont devenues Rihanna et Rick Ross. Apprécions l’élégance de Drake qui a également invité The Weeknd, l’autre Canadien qui monte et qui a été célébré en indie l’année dernière. Enfin, cerise sur ce doux gâteau, tonton Stevie Wonder tape même un petit solo d’harmonica sur Doing It Wrong.
Au niveau des producteurs, on retrouve principalement les architectes du succès de Thank Me Later, à savoir 40, Boi-1 Da et T-Minus. Un autre producteur célèbre est de la partie, Just Blaze, qui livre une instru grandiose sur Lord Knows, où Drake est accompagné de Rick Ross.
L’album s’ouvre sur Over My Dead Body, belle intro sur laquelle Drake déclare d’emblée “I think I killed everybody in the game last year”. Une façon de rappeler à tous ses détracteurs que derrière ses apparences de rappeur le plus gentil se cache bel et bien un des récents poids lourd du rap game. On arrive un peu plus loin à Headlines, l’un des singles officiels de l’album. Avant d’écouter cette chanson, j’aurais parié que je me serais arraché les cheveux après écoute. Finalement Drake m’arrache un sourire avec la ligne “Tuck my napkin in my shirt cause I’m just mobbin’ like that“, une façon assez décalée et originale de faire référence à la mafia italienne, mais aussi un bon argument à avancer aux enfants récalcitrants à l’idée de devoir mettre une serviette à table. Merci Drizzy !
Après cette belle entrée en matière, l’album poursuit son bonhomme de chemin, nous offrant au passage de bien beaux morceaux comme Underground Kings et We’ll Be Fine. C’est enfin avec un plaisir non dissimulé, que nous retrouvons Andre3000 sur The Real Her, ode dédiée à une strippeuse inconnue.
Notons aussi le magistral Crew Love, l’un des nombreux featurings de l’album, avec The Weeknd qui pousse la chansonnette comme il sait si bien le faire, sur une instru lui laissant tout l’espace requis pour exprimer son talent. Mention à la ligne “this ain’t no f*cking sing-along“, qui en plus de son sens premier dans la chanson, pourrait à mon avis représenter une allégorie de la philosophie de Drake. Un tiraillement permanent entre le besoin d’avoir une attitude “respectée” par les fans de rap hardcore et la nécessité d’aborder des sujets plus suaves et destinés à la gent féminine. Ainsi, Take Care valse constamment entre douces mélodies et couplets un peu plus secs, laissant l’auditeur pantois quant au positionnement véritable de Drake.
Au-delà de ces considérations relatives au message d’Aubrey Graham, soulignons la musicalité particulièrement aboutie de l’album. Les mélodies sont d’excellente facture et permettent d’apprécier pleinement la dextérité verbale de Drake, en attendant son prochain opus, la mixtape Y.O.L.O. (You Only Live Once) réalisée conjointement avec Rick Ross, qui devrait a priori donner l’occasion à Drake de se rapprocher d’un public un peu plus hardcore, après un Take Care résolument mielleux.
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