Le moins que l’on puisse dire, c’est que Yannick Noah a mis un beau bazar avec sa prise de position pour la légalisation du dopage dans le sport !
Certes, il y a de la provocation et de l’ironie là-dessous, ce que n’a visiblement pas compris, encore moins apprécié le ministre des Sports, David Douillet. Et pourtant, il y a bien longtemps qu’on se pose des questions, nous aussi, au sujet de l’insolente réussite des sportifs espagnols dans toutes les disciplines : football, basketball, handball, tennis, cyclisme, moto, athlétisme, etc. Noah n’a fait que balancer un pavé dans la mare de la grande hypocrisie actuelle. Il n’est que de se référer aux récentes déclarations du nouveau président de l’AMA (Agence mondiale anti-dopage) qui a affirmé que « la lutte anti-dopage n’attrapait que les dopés simplets » ! De la part de celui qui doit défendre la crédibilité de l’institution faîtière, c’est plutôt inquiétant et assez significatif…
Noah a bien raison de stigmatiser la situation actuelle, n’en déplaise au colosse normand qui s’est offusqué comme une vierge effarouchée des propos du « sportif préféré des Français ». Pour donner du poids à son démenti diplomatique et accompagner ses excuses aux Espagnols, Douillet se dit « l’exemple vivant du sportif qui a gagné sans dopage ». Il doit bien être l’un des rares par les temps qui courent et pour qu’il soit conservé dans le formol, pourquoi ne fait-il pas don de sa personne à la France, finalement, selon une formule déjà entendue…
Les athlètes espagnols sont-ils mieux lotis et mieux protégés que les autres ? Pour son initiative, qui éclabousse le milieu sportif mais oblige à une nouvelle prise de conscience, Noah mérite d’être soutenu. S’il y a un problème, ce n’est pas en le niant qu’on va le résoudre. La différence, cette fois, c’est que le vélo n’est plus le seul à « morfler » dans l’opinion publique, même si certaines de ses « affaires » continuent à défrayer la chronique. Malheureusement il est toujours pratiquement le seul à subir devant la justice ! Et ça c’est une évidence. L’affaire "Festina" en 1998 ; l’affaire Fuentes à Madrid, en 2006. Un autre tremblement de terre dans le monde du sport. A ce jour, seuls les cyclistes concernés par ce trafic de poches de sang (Manzano qui a dénoncé le réseau, Ullrich, Basso, Valverde et quelques autres) ont été suspendus. Les autres sportifs impliqués ont disparu sous le voile de l’anonymat et de l’oubli.
Cinq ans après les faits, le docteur Fuentes, principal accusé, continue d’ailleurs à exercer comme si de rien n’était ! Comment ne pas montrer du doigt l’Espagne sportive ? Comment ne pas s’interroger sur l’attitude et la responsabilité de ses dirigeants ? L’affaire Contador est là pour le rappeler : d’abord condamné à un an de suspension pour son contrôle positif au clenbutérol sur le Tour de France 2010, puis blanchi par la fédération espagnole, ce qui a provoqué le recours de l’UCI et l’AMA. Seize mois après les faits, on ne sait toujours pas si les micro-doses de clenbutérol proviennent bien d’un bœuf basque et si les traces de plastique sont celles d’éventuelles poches de sang. Dans l’intervalle, Contador a remporté plusieurs courses par étapes dont le Giro. Il a aussi participé au Tour 2011 mais il n’est pas certain que la décision du TAS (Tribunal arbitral du sport) nous arrive avec les cadeaux de Noël. C’est plutôt prévu pour début janvier 2012, comme si cette affaire n’en finissait pas d’empoisonner la vie des juges lausannois.
Pas de quoi se réjouir d’un verdict de culpabilité : les palmarès à modifier, les résultats à reprendre, les classements à refaire, les primes à recalculer et surtout la nouvelle atteinte grave portée à l’image du sport cycliste qui se retrouverait sur le banc des accusés. Comme aux plus mauvais jours, et en nous rappelant qu’il est pratiquement le seul à payer ses erreurs au prix fort. Celles-ci ont été nombreuses et parfois dramatiques. Mais si beaucoup ont été sanctionnés pour avoir franchi la ligne blanche, ils ont pratiquement tous pu reprendre le cours de leur carrière. Les exemples sont nombreux – et la liste n’est pas exhaustive – de ceux qui sont bien en place ou de retour dans le milieu après avoir été rattrapés par la patrouille : de Riis à Gianetti en passant par Kim Andersen et Mickael Rasmussen pour les directeurs sportifs ou managers ; de Vinokhourov à Klöden en passant par Millar, Rebellin, Kashechkine, Cobo, Sevilla, Scarponi, Di Luca, Zabel, Basso, Astarloza, en attendant les deux derniers revenants, annoncés, Thomas Dekker et Stefan Schumacher, pour les coureurs.
Je sais bien qu’il faut pardonner à ceux qui ont purgé leur peine ou leur suspension. Mais ce n’est pas en acceptant que les tricheurs reprennent du service et reviennent aux affaires que le vélo va se préserver de ses vieux démons. On n’en sortira jamais.
Bertrand Duboux