Donoma, film fauché, auto produit avec 150 euros et interprété par des acteurs non-professionnels, est sur toutes les lèvres. Faut dire, ce n’est pas tous les jours qu’un inconnu (Djinn Carrenard) sorti de nulle part et fraîchement revenu de New-York, se décide à monter un film à l’aide de potes, de matos prêté, et d’une promo via les réseaux sociaux. Quelle que soit la généreuse motivation à la base du projet et l’envie monstre d’une poignée d’artistes ultra passionnés, cela ne garantissait aucunement la qualité du résultat. Aujourd’hui on l’affirme : Donoma est une oeuvre impressionnante car unique en son genre. Du concept "guérilla filmmaking" initial, le cinéaste tire un film-choral urbain, profondément ancré dans son époque, à la croisée de diverses influences, Spike Lee et Abdellatif Kechiche pour ne citer qu’eux. Pourtant, ce n’était pas gagné. Car, d’emblée, les personnages ne sont pas aimables. Une prof d’espagnol un peu tarée qui entame une relation ambiguë avec un élève difficile, une célibataire photographe qui se lance dans une histoire avec le premier mec venu, une ado paumée en plein délire mystique : toutes les femmes du récit sont folles, en colère, déphasées. Tour à tour violents (l’ancien skin), opportunistes (l’inconnu du métro), et menteurs (l’élève insolent), les hommes, eux, sont des menaces.
Mais, cette guerre des sexes est éprouvante, formidablement étudiée, scrutée, dopée par une mise en scène à la fois audacieuse, brouillonne et désespérée. Djinn Carrenard, en plein Paris et caméra au poing, décortique la relation homme/femme contemporaine, écrabouillant au passage les idéaux d’un certain cinéma (prince charmant et cie), et la manière de raconter une histoire. Donoma est en mouvement, libre, fou, lancé à toute allure dans les airs, porté par le souffle d’une passion commune. Son principal atout : des comédiens incroyables, troupe de théâtre sur grand écran, qui mime, vit, crie, hurle, chiale, saigne sous l’œil du public. C’est incroyablement impudique. Sincère. Conséquemment, beau. Dans toute cette noirceur, il y a autant d’amour que de pessimisme, de rage que d’espoir. D’ailleurs, le titre, en langue sioux, veut dire "le jour se lève". Comme un rayon de soleil, un petit miracle, au cœur des drames de la vie. Idée que développe Donoma tout du long, et jusqu’à son existence même. Tentez donc l’expérience !