Le fait espagnol (1) Avant de crier avec la meute, lisons avec attention cette tribune, car sa construction est intéressante. Elle part d’un constat qui saute aux yeux de tous ceux qui suivent un petit peu le sport, qu’on soit généraliste ou spécialiste : l’Espagne écrase le monde un peu partout et « sort » des champions à la pelle depuis 15 ans : sport collectif (football, basket-ball), individuel (tennis, demi-fond), et cyclisme, le plus collectif des sports individuels. Il s’agit d’un évènement unique dans l’histoire du sport moderne post guerre froide : les seules choses que nous avions vues avant, c’était une discipline trustée par un pays, parfois suite à un travail de fond du pays et des instances fédérales, avec véritable création d’un « savoir faire » (exemples du cyclisme sur piste français ou du football) parfois de manière subite et louche (la natation chinoise féminine par exemple).
Analyse de la complexité Yannick Noah se sert de ce constat et avec son œil de sportif, nous dit que cette suprématie n’est pas normale et il parle ouvertement de dopage. Alors bien sûr, il n’a pas de preuves, mais Noah sait bien que le dopage est un sujet complexe où souvent le tricheur a une longueur d’avance sur la législation et la patrouille. Ceci se confirme quand les espagnols, Pep Guardiola en tête, le mettent au défi : « qu’il prouve ce qu’il dit ». Ils n’ont rien compris ces espagnols, Noah se pose en amoureux du sport qui nous alerte sur une situation qui est alarmante, pas en juge avec preuves. Il use de son statut et de l’écho qu’il peut avoir pour secouer un peu les instances et la société civile. Noah nous dit qu’en matière de lutte anti-dopage, l’Espagne ne fait pas son travail, et nous sommes une immense majorité à penser comme lui. Le ministre des sports espagnol a beau jeu d’avance un volume de contrôles antidopage conséquent, tout le monde sait que l’important c’est la qualité (méthode de détection, suivi longitudinal et aléa du contrôle), évidemment pas la quantité. Bêtise…
Le fait espagnol (2) Et Noah poursuit sa chronique intelligemment, en évoquant l’affaire Puerto qui demeurera la tâche originelle du sport espagnol du 21eme siècle. L’affaire Puerto vient d’un coureur cycliste espagnol de seconde zone, Jesus Manzano, qui dénonce une industrialisation (sordide) du dopage en Espagne, et dans tous les sports : cyclisme, football, athlétisme… L’affaire Puerto se passe en Espagne, implique plusieurs dizaines de sportifs, un médecin espagnol (Eufemiano Fuentes), des managers et directeurs sportifs mais malheureusement, elle est instruite par la justice espagnole. Résultat, depuis 6 ans : des cyclistes étrangers convaincus de dopage : Jan Ullrich, Ivan Basso, un semi-obscur espagnol, Guttierez, des directeurs sportifs et entraîneurs (Pevenage, Saiz), et les responsables du laboratoire, voilà tout Par décence, nous ne parlerons pas des ramifications de l’affaire Puerto au Barca, au Real Madrid, au FC Valence, chez Raphaël Nadal… Et nous ne vous parleront pas non plus des multiples tentatives d’ajournement de l’enquête par diverses instances espagnoles. En revanche, regardons le cas d’Alejandro Valverde, finalement le seul sportif espagnol d’envergure pincé : il n’aura jamais inquiété par la justice espagnole, encore moins par sa fédération en dépit de preuves accablantes (poches de sang identifiées) ; c’est grâce à l’obstination et la ténacité du Comité olympique Italien, le CONI, que le Tribunal Arbitral su Sport (TAS) le suspendra pour deux ans. Belle justice espagnole !
Légaliser le dopage ? C’est sur cette option que Yannick Noah termine sa tribune. Faut-il le croire ? Peut-être le pense-t-il, peut-être l’a-t-il écrit par dépit… Cette option est évidemment la pire, une sorte d’abandon de la lutte contre le dopage et donc, de l’idée que l’on peut se faire du sport qui deviendrait une sorte de dégénérescence mercantile sans âme, sans principes, sans valeurs… et donc sans avenir. Une sorte de PMU pour humains. Nous ne jugerons pas ici ses propos mais penchons pour le fait que Noah a sciemment émis l’hypothèse pour provoquer, choquer, et ainsi alerter le plus grand nombre, tablant sur la pathétique réaction des institutionnels, des média et autres « vertueux ». En d’autres termes, Noah a pris le risque de mettre en jeu sa réputation et son image au nom du sport, et cela nous lui en serons toujours reconnaissants au Comptoir des politiciens où, si il le veut, « il peut venir s’en jeter un ptit » car désormais, pour lui, c’est OPEN BAR.