Des Casino Shopping et des Carrefour City commencent à fleurir un peu partout. Comment l’expliquer?
Par Georges Kaplan
Mais là, le Casino Shopping m’a bluffé.
Comment vous dire ? Dés la porte franchie, un parfait inconnu – qui semble rétrospectivement être le gérant du magasin – me gratifie d’un « bonjour monsieur » façon Pagnol. Je sais, on est à Marseille et à Marseille c’est l’usage mais tout de même, pas dans un supermarché. Ensuite le design des lieux : parquet, rayons tout en rondeur, clairs, accessibles et biens présentés – pour un peu on se serait cru dans une parfumerie. Et le reste s’enchaine : musique discrète, produits choisis, prix normaux, surface limité (560m²), circulation facile, comptoir en bois… Un ovni vous dis-je ! Jugez vous-mêmes :
Alors je me suis renseigné auprès d’une des meilleures spécialistes en commerce de proximité dans le centre ville de Marseille. J’ai nommé : mon épouse. Eh bien le machin a effectivement ouvert cette année et il fait visiblement l’unanimité, notamment auprès de la gent féminine (renseignements pris sur le site de Casino, l’ambiance girly c’était fait pour). Mieux encore, Casino a en fait été devancé dans ce créneau par Carrefour qui a lancé son concept Carrefour City dès janvier 2009. Et effectivement, en y faisant attention, j’en ai repéré trois en 30 minutes de promenade dimanche matin.
Oh miracle ! Les grands manitous de la grande distribution m’ont enfin compris. Après s’être obstiné, pendant des décennies, à ouvrir leurs chambres froides géantes en banlieue, ils ont enfin eut la présence d’esprit de penser à mon insignifiante personne et se sont lancé dans l’ouverture de petites surfaces de proximité. Tous en même temps. La même idée. Un doute m’étreint. On me reproche souvent de toujours tout mettre sur le dos des interventions publiques mais là, vraiment, je n’y suis pour rien. Si Carrefour et Casino se jettent en même temps et avec un tel entrain sur le même segment de marché, ça ne peut pas être dû au hasard. Alors j’ai cherché.
Et j’ai trouvé.
Figurez-vous que, pour des raisons que seuls des politiciens peuvent connaitre, les gouvernements qui ont successivement présidé aux destinées de notre pays ont cru bon, depuis le début des années 1970, de limiter sévèrement la concurrence dans la grande distribution. Les français étaient sans doute considérés comme trop riches à moins que le législateur ait estimé que la rapacité des consommateurs soit de nature à ruiner les Carrefour, Auchan et autres Leclerc. Quoiqu’il en soit, la méthode retenue consiste à soumettre l’ouverture d’un nouveau magasin à autorisation d’une des commissions départementales d’équipement commercial ; à l’origine, la loi de 1969 ne concerne que les surface de plus de 3 000m², le seuil au delà duquel une autorisation est obligatoire est ensuite rabaissé à 1 000 m² en 1973 (loi dite « Royer »), puis à 300 m² en 1996 (loi dite « Raffarin »).
Évidemment, comme n’importe quel étudiant en première ou deuxième année d’économie vous le dira, cet arsenal réglementaire et bureaucratique a principalement eu pour effet de créer des petits monopoles locaux (et donc des prix plus élevés pour les consommateurs), de réduire la concurrence entre employeurs (et donc des salaires plus bas) et, d’une manière générale, limiter la capacité du secteur de la grande distribution à créer des emplois. Carton plein. Heureusement, après 40 ans d’errements et de réglementation nuisible, la loi de modernisation de l’économie, votée en juillet 2008, révolutionnera le paysage règlementaire français [ sarcasme ] en remontant le seuil à 1 000 m².
Entrée en vigueur au 1er janvier 2009 et hop ! Des Casino Shopping et des Carrefour City partout.
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Sur le web.