On a été pris d’une envie de concert de rock psychédélique comme d’une envie de chocolat. Irrésistible, totalement arbitraire, pas forcément bonne pour notre régime musical. Alors bam. On check ce qu’il se passe sur Paris. Coup de bol, cette soirée « Peur et Répugnance », organisée par Gonzai, nous tombe dessus. On nous annonce que notre pulsion boulimique sera satisfaite grace à trois groupes, Black Ivy, The Dead Mantra et Wall of the Death. Alors on prend avec nous Adrian, notre photographe, on se fait un Quick, et hop, nous voilà devant la scène de la Java prêts à en prendre plein la tête.
La soirée commence avec le groupe Black Ivy, qui se présente sous la forme de deux nanas et quatre vieux hippies à cheveux longs et barbe assortie. Ils nous proposent un premier morceau très cinématographique. On se dit que c’est pas désagréable, mais qu’on a déjà vu de meilleures entrées en matière. On apprécie le mec à la slide, sa présence vient de sauver un peu le morceau. Dès le deuxième, c’est le début de la peur. Il nous réserve des paysages trop conformes à ceux du premier morceau, et nous remarquons que la structure y est complètement analogue. Deux accords de folk, trois minutes de plat et un final de quinze secondes un peu plus rugueux. Ils veulent nous hypnotiser. Ça marche pas.
Au milieu d’un set où tout à été dit dès la première chanson, on hésite entre partir tout de suite et attendre la fin. Adrian, qui lit mes notes, me dit : « Tu peux quand même dire que c’est propre ». Même si c’est inspiré par sa libido, tant ses yeux virevoltait entre les deux chanteuses, c’est pas faux. Mais on se pose la question. Les deux nanas sont elles assez bien pour maintenir la foule en éveil ? On se fait vraiment chier. Vivement la suite. Le guitariste se prend pour Turzi, il nous tourne le dos tout du long, et en plus, il n’a pas un très joli cul. Au moment où nous commençons à nous faire ces remarques, on se dit que, vraiment, on ferait mieux d’aller se griller un cibiche devant la salle en attendant des jours meilleurs. Mais faudra quand même les présenter à JP Nataf, il adorerait. On notera comme conclusion le côté scolaire de la chanteuse quand elle lança à l’ingé : « J’peux débrancher ma guitare ? ».
Remarque de notre camarade : « Le batteur, il tabasse ! ». Libido, encore, mais juste, encore. On sort, sourd, fumer une nouvelle cigarette, encore abasourdi par un live qui a eu le talent de ne pas se perdre dans les méandres des « Wrrrrriiiiiiôôô » et des « Prrrrrrrroooouuuuhhhhh », mais s’en servant au contraire comme ingrédient dans un spectacle rock puissant qui aura décongelé la foule « black ivysée ». Nous retournons vers la scène, tout en nous disant que le lieu se prête vraiment aux ambiances électriques de ce soir.
Wall of the Death nous propose du Farfisa, du Korg, de sombres guitares vintage, on est impatient de comprendre tout ce qui va en sortir. On va se prendre pour introduction un premier chef-d’œuvre psychoactif tout en longueur, dont le seul défaut va venir d’une voix trop en retrait, trop molle. Peut-être sommes-nous naturellement peu réactifs aux élans embrumés du guitariste, mais on aurait imaginé alors un vrai chant en rentre-dedans. Malgré tout, les ambiances « pan européennes » compensent largement, et nous rappèle un peu les Aqua Nebula Oscillator, en humain, ou Kill For Total Peace, en moins acharnés. Une guitare 12 cordes apparaît dès le second morceau comme pour amener plus de lumière à cette musique, et le trio enchaine riffs orientalisants et batterie solennelle, toute en toms.
Si le contenu sonore est à la hauteur de nos espérances en nous embarquant illico entre Christiania et la Death Valley, c’est pas très spectaculaire. On a presque envie de rentrer écouter ça pépère à la maison, tant il ne se passe rien sur scène. Seuls le sourire communicatif du claviériste et le défilé de beaux instruments nous maintiennent en éveil. On se fait d’ailleurs la remarque, à ce moment-là : les top-modèles, ce sont les grattes, et les fringues, ce sont les musiciens. On aimerait assez que ce soit l’inverse.
La puissance du final est à l’image de la performance. C’est un festival d’harmonie entre la guitare et les claviers, soutenu brillamment par une batterie puissante. On ferme les yeux, et on est emporté. On les ouvre, et bam, on est déçu. On imagine alors ce même concert avec un show visuel porté par un VJ de qualité. Ça mettrait vraiment l’expérience en valeur, et, si l’occasion se présentait, on n’hésiterait pas à revenir. Ou peut-être auraient-ils gagné à moins compter sur la pouvoir psychoactif de leurs créations…
Le climax de la soirée aura donc été le second groupe, The Dead Mantra, qu’on retournera voir à l’occasion tant on en a pris plein la tête. La Java, en nous révélant qu’elle n’était pas que le lieu des résidences de Boogaerts et des apparitions chiantes de Brigitte Fontaine, nous a donné envie d’y remettre les pieds. C’était vraiment une bonne soirée, mais ça n’a pas changé nos vies. Fatal, qu’on s’est maté après, peut-être plus…