Il y a plusieurs constantes réjouissantes chez Anne Fontaine. La principale est son amour des acteurs. Dans chacun de ses films, elles les poussent à une auto caricature, bien plus finaude qu’il n’y paraît, afin de mieux révéler l’hypocrisie de la société, les tromperies des a priori, les failles derrière les masques. Béart, dans Nathalie…, n’était pas la prédatrice sexuelle attendue. La virilité de Berling, dans Nettoyage à sec, était questionnée. Bourgoin, dans La Fille de Monaco, n’avait rien d’une potiche. Anne Fontaine aime surprendre son public. Pas étonnant donc qu’elle utilise le duo Poelvoorde/Huppert de la même façon. Lui, beauf grossier insupportable. Elle, amatrice d’art contemporain, élitiste, glaciale et coincée. De leur rencontre (leurs fils respectifs sont meilleurs copains) vont jaillir tous les enjeux du récit : ressorts comiques d’un côté, vraie critique sociale de l’autre. Le génie d’Anne Fontaine, dans tout cela, est d’avoir su insuffler du cynisme à la comédie romantique attendue.
Bien sûr, elle nous fait le coup des deux protagonistes antagonistes qui finissent par tomber in love. Sauf qu’elle, elle y met la forme. Et, passés les gags prévisibles (mais par ailleurs réussis), la réalisatrice ne se gêne pas pour taper un peu sur tout le monde : la figure du loser qui se complait dans la médiocrité et qui ne fait rien pour s’en sortir, la bourgeoise qui oublie de vivre, empêtrée dans de (fausses) certitudes, l’intellectuel de mari (André Dussolier), à la sexualité sacrifiée, ou même la jeune bobo ridicule (Virginie Efira). Mine de rien, sous une satire évidente, Fontaine autopsie la société française. Elle y parle d’un monde d’apparences où l’on étiquette, où le matérialisme vient écraser les valeurs du cœur, où l’on est plus que ce que l’on fait. Voilà peut-être, le vrai cauchemar.