Sacco © Futuropolis - 2011
Palestine, Caucase, Irak, Immigrés africains qui font route vers l’Europe (en passant par Malte), Inde… des crises, des guerres, des massacres, de la corruption… des situations qui n’ont souvent pas voix au chapitre, qui font la Une des journaux mais après avoir été tronqués, déformés et maquillés pour les rendre plus « acceptables », plus accrocheurs et donc plus « vendables » (respirez, la phrase est terminée).
Cet album regroupe des reportages que l’auteur a publiés dans des magazines, journaux et livres collectifs. Regroupés en six chapitres, Joe Sacco dresse un portrait rapide mais complet du quotidien douloureux d’individus aux quatre coins du globe. « J’ai choisi moi-même les histoires que je voulais raconter et cette sélection devrait faire apparaître assez clairement mes sympathies » précise l’auteur.
Plongée en apnée dans presque 200 pages de misères et de souffrances.
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En introduction, Joe Sacco revient sur la question de l’objectivité du journaliste et le côté subjectif de ses dessins. Il précise d’ailleurs qu’« un dessinateur de BD capture son dessin au moment qu’il ou elle choisit. C’est ce choix qui fait de la bande dessinée un médium subjectif par nature ». Pourtant, y a-t-il lieu de nier cette forme de journalisme ? Je ne crois pas, je suis même convaincue du contraire.
Les reportages de cet album ont été réalisés entre 1998 et 2011 pour le compte de revues de presse comme le New York Times, le Time Magazine, le Boston Globe, Harper’s Magazine, la Revue XXI… les rédacteurs en chef de chaque éditorial se laissant la possibilité de ne publier qu’une partie du reportage, déformant ainsi les propos de l’auteur. Un manque de reconnaissance de son travail parfois douloureux.Voilà un bon album d’investigation dont il est difficile de parler. Les reportages abordent des situations de crise à différents points du globe et, même si le maître mot semble être l’intolérance des hommes à l’égard d’autres hommes, il est assez difficile de présenter cet ouvrage sans vulgariser son contenu et la qualité des reportages qu’il contient. Joe Sacco parvient à se positionner ouvertement, à dénoncer, sans omettre l’avis contraire. On accède ainsi aux différents points de vue sur plusieurs situations critiques du Globe sans recourir aux jugements de valeur (je pars du principe que donner son point de vue en l’argumentant n’est pas un jugement de valeur). Alors forcément, le lecteur est de parti pris mais les éléments sont amenés avec finesse et intelligence… libre à chacun de voir les choses différemment du reporter.
Les visuels ont un réel poids ; ils sont tantôt au service des propos de l’auteur, tantôt servis par ces mêmes propos. Enfin, la présence de passages muets laisse le lecteur seul face au témoignage, « une image vaut mille mots » dit un proverbe chinois… J’ai été saisie par ces témoignages d’hommes et de femmes en détresse, en grande souffrance. Que faire à notre niveau ?
Je partage cette lecture avec Mango et les participants aux
Cet album me semble être un bon support pour découvrir l’auteur et se sensibiliser à son approche. Je comprends les lecteurs qui appréhendent de s’enfoncer dans Gaza 1956, en marge de l’histoire (près de 400 pages) ou Palestine (diptyque de plus de 300 pages). Ici, la découpe en chapitres permet d’interrompre la lecture si le besoin se fait ressentir. Les mots sont pesés, les reportages offrent une vision assez complète des situations même si, habituée à ses autres albums, je n’y ai (logiquement) pas retrouvé un traitement du(des) sujet(s) aussi fouillé. Le contexte historique/politique et social est certes moins étoffé… mais cette approche permet de se sensibiliser sans avoir l’impression d’être étouffé par le poids d’une déferlante d’informations, de dates… Le chapitre « Palestine » ouvre d’ailleurs quelques fenêtres sur ses deux autres albums (cités plus haut) puisqu’on y retrouve des hommes et des femmes que l’auteur a déjà présentés, certains visuels (rares) sont également repris ici.La fiche album du site Bedetheque reprend plus en détails le contenu de chaque reportage.
Treize pages sont prépubliées sur le blog de Futuropolis.
L’avis de FlavienP.
Extraits :« Malgré l’impression qu’ils peuvent essayer de donner, les journalistes ne sont pas des mouches sur le mur, que nul ne voit ni n’entend. Quand un journaliste fait un reportage sur le terrain, sa présence est presque toujours ressentie. Les jeunes hommes brandissent leurs fusils lorsqu’une équipe commence à les filmer, et ils se rappellent mutuellement à l’ordre si un journaliste commence à leur poser des questions inquisitrices. Mon intention, en admettant que je suis présent dans la scène, est de signaler au lecteur que le journalisme est un processus pratiqué pour un être humain, avec toutes les imperfections que cela implique. Ce n’est pas une expérience figée, effectuée par un robot derrière du Plexiglas » (Reportages).
« L’équilibre ne doit pas être un écran de fumée pour cacher la paresse. S’il existe une, deux ou davantage de versions des événements, un journaliste doit explorer et examiner chacune des affirmations. Mais à la fin, il doit aller au fond des choses et rendre compte indépendamment de ceux qui affirment » (Reportages).
« Les profondeurs rurales de Kushinagar sont un exemple de cette Inde qui ne rayonne ni ne scintille. La plupart des gens n’y possèdent presque rien, voire rien du tout, et il leur est possible – par l’endettement – d’avoir encore moins » (Reportages).
Reportages
One Shot
Éditeur : Futuropolis
Dessinateur / Scénariste : Joe SACCO
Dépôt légal : novembre 2011
Bulles bulles bulles…
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