4/5
Pas enthousiasmant ni passionnant, le film réussit à être souvent fascinant, voire saisissant de beauté. Adulé jusqu’à la déraison par les uns, apprécié pour sa beauté par les autres, conspué pour sa longueur inutile et son rythme languissant par certains, le film a bercé la soirée du Ciné-Club dans une sorte de douce litanie indolente qui s’est poursuivie jusque dans les débats, inhabituellement mous et pauvres en arguments.
Une histoire fluide, centrée sur Pocahontas (si le nom de la princesse est citée au générique, il n’est jamais prononcé dans le cours du film, comme d’ailleurs aucun autre nom de native American qui ne s’identifie entre eux que par des titres, des fonctions ou des appellations familières) en tant qu'incarnation d'une mère nourricière qui trouvera ailleurs, dans l'Ancien Monde, son destin de femme, sous des cieux moins cléments pourtant, et au sein d’une nature curieusement domestiquée (la vision des parcs royaux et leurs jardins « à la française » constitue un contrepoint idéal à celle des étendues sauvages et indomptées des côtes d’Amérique). La manière dont cette princesse indienne rayonne sur les humains, dont sa candeur naturelle apaise les tensions et calme les esprits, est remarquablement transmise dans ce film très pudique et d'une rare élégance avec ses prises de vue sur site et en lumière naturelle : adorée parmi les siens, elle sera au pire poliment ignorée au milieu des colons anglais, mais secrètement aimée – jamais, malgré les nombreuses occasions qui ont pu s’offrir pendant sa captivité, elle ne sera maltraitée, violentée alors même qu’elle était à portée de mains d’hommes désoeuvrés. Quant à la recherche presque maladive d’authenticité, elle n’a pas ici le même impact que dans les films récents de Mel Gibson, mais les extérieurs en Virginie, sur les lieux mêmes où s’est déroulé l’essentiel de l’action, permettent de se plonger sans retenue dans ces trésors sylvestres qu’offrait le Nouveau Monde aux colons avides de richesses et d’ailleurs.
La version longue est (très) longue et les tics de réalisation de Malick (longs plans contemplatifs mais jamais gratuits, longues séquences de séduction muette) ne sont pas là pour rassurer l'impatient. La bande son est somptueuse, la partition de James Horner épousant consciencieusement de sublimes morceaux classiques (l'intro majestueuse de la tétralogie de Wagner ainsi que le magnifique concerto pour piano de Mozart). Grâce à eux, et une interprétation qui sait éviter les pièges du mélo tout en en ayant l’apparence, ce métrage s’insinue curieusement dans votre esprit, y laissant d’insensibles traces fuligineuses qui hantent vos nuits et tempèrent votre appréciation.
Une sorte de rêve éveillé qui confine au mythe des origines. Moins séduisant que la Ligne rouge – peut-être moins « puissant » également – mais plus humble dans sa démarche que Tree of life.
Prochaine séance (en décembre) : Planète interdite
The New World, version longue
Un film de Terrence Malick (2006) avec Christian Bale, Colin Farrell & Q’orianka Kilcher.
Un blu-ray Metropolitan (2010) Region 2 :
2.35 : 1 en 16/9 ; VOst DTS HD-MA ; 169 minutes.