La droite espagnole vient de l’emporter, avec seulement 47% de participation au scrutin. C’est ce que oublient de préciser l’ensemble des médias à la botte de la classe dominante. Or 53% des
électeurs ne se sont pas déplacés et une frange significative des électeurs du PSOE ont voté pour les candidats de Izquierda Unida, notamment dans les Asturies. La situation ressemble étrangement
à celle de 1934. La droite de la CEDA reporte les élections de 34 dans une situation de crise. La gauche républicaine modérée, malgré les évolutions sociales n’avait pas satisfait l’essentiel des
revendications de la classe ouvrière, représentée par les deux grandes centrales syndicales, l’UGT, liée au PSOE et la CNT anarchiste. Le PSOE alors était un Parti Ouvrier, dirigé par des
ouvriers avec un dirigeant hors du commun , Francisco Largo Caballero. Un jeune intellectuel , Araquistain développe le socialisme révolutionnaire, ligne sur laquelle va se situer l’UGT et
Largo Caballero.
Les cabinets de droite de Leroux et Gil Robles arrivent au pouvoir en imposant des politiques de rigueur et de récession. La réaction revient sur les acquis ouvriers et sur les salaires. A la
demande du capitalisme anglais propriétaire de mines dans les Asturies, les mesures contre les mineurs sont particulièrement dures. Le syndicat des mineurs est puissant dans une région qui est le
berceau du socialisme ouvrier espagnol. La grève générale est décrétée à l’appel de l’UGT et de la CNT, la répression est terrible en Andalousie , en Catalogne mais plus particulièrement dans les
Asturies où les ouvriers prennent les armes et décrètent la grève révolutionnaire. Les liens entre le démocrate chrétien Gil Robles et le nazisme allemand sont connus. Toute la région se soulève.
Les ouvriers prennent le dessus et c’est alors que le gouvernement de droite fait appel , déjà, au Général Franco. La répression sera impitoyable , des dizaines de milliers d’arrestations et des
milliers de morts. Franco utilise l’artillerie lourde et des villages entiers sont détruits. La jeune phalange (fondée en 33 par Primo de Rivera fils) assassine, c’est l’horreur. Ici on tue pour
tuer (matan por matar). Des villages entiers dont les habitants grévistes ou pas seront jetés au fond des puits de mine, hommes femmes enfants et vieillards , c’est la barbarie à l’état
pur. Les prisons espagnoles sont pleines des révolutionnaires des Asturies et des populations entières sont déplacées, parquées comme des bêtes. La crise a fait des dégâts au sein d’une
Europe dominée par le fascisme et l’impérialisme anglais avec en Espagne une droite et une bourgeoisie aux ordres. Francisco Largo Caballero est emprisonné ( pour la troisième fois de sa vie,
notamment en 1917 après la tentative révolutionnaire en Andalousie et enfermé à Cartagène) et condamné à 30 ans de réclusion. Il sera libéré un peu plus tard, son prestige est devenu tel au sein
des masses, qu’il inspire une profonde crainte et même peur dans la bourgeoisie espagnole.
En 1936
, c’est la victoire du Front Populaire (Frente Popular) et s’instaure la République des Travailleurs avec Francisco Largo Caballero comme premier ministre. C’est une première , il y a des
ministres anarchistes malgré les controverses internes à la CNT et à la FAI, organisations qui ont toujours refusé « la parodie électorale et la participation à quelconque pouvoir ». La
première mesure sera la libération de tous les prisonniers politiques et l’indemnisation des familles des victimes de la répression sanglante des Asturies.
Les
anarchistes ne votent pas et n’ont voté en 2011, dans un pays dont on sait qu’ils représentent encore et malgré tout, une force sociale non négligeable avec deux organisations ouvrières que sont
la CGT, issue d’une scission de la CNT et la CNT historique. Les indignés également appelaient à ne pas voter PP ni PSOE ni PPSOE, l’équivalent de notre UMPS. L’UGT n’est plus celle de Largo
Caballero mais elle n’est plus aussi liée au PSOE de pouvoir actuel et bien de ses dirigeants se situent à la gauche de Zapatero, proches de la gauche de la gauche. Sans compter avec CCOO, les
commissions ouvrières. La situation risque de devenir explosive en Espagne, pays dans lequel , le rapport des forces n’est pas forcément celui que l’on croit malgré la victoire électorale de la
droite. Les apparences sont trompeuses quand on sait le degré de combativité de la classe ouvrière espagnole. Il reste à la bourgeoisie, à l’église et à l’armée leur tradition anti
démocratique et la barbarie dont ils ont toujours été capables. C’est bien un épisode et non pas la fin d’un processus. Celui ci engage déjà le prochain.