Dans les années 80, l’héroïne Libby Day a sept ans quand sa mère et ses deux sœurs sont massacrées dans leur ferme. La petite rescapée désigne son frère Ben, quinze ans, comme étant le meurtrier. Vingt-cinq ans plus tard, alors que Ben purge toujours sa peine « condamné en dépit d’une absence criante de preuves matérielles » et que Libby souffre de dépression et vit chichement, elle accepte contre une somme d’argent proposée par une association d’amateurs passionnés par cette affaire de revenir sur les lieux du drame.
Lentement mais sûrement, Gillian Flynn nous entraînent à la suite de Libby Day dans une enquête, une quête peut-on mieux dire, qui va permettre de découvrir ce qui s’est réellement passé la nuit du carnage, et si Ben était innocent ? Alternant les chapitres décrivant heure par heure la journée maudite précédant le 3 janvier 1985 à deux heures du matin, et ceux où de nos jours Libby se livre à son enquête, Gillian Flynn tisse une magnifique trame psychologique sur fond de Middle West dévasté par la crise économique. Tous les acteurs du drame vont apparaître sous des jours divers au fur et à mesure de la progression de l’intrigue, le père minable alcoolique dépensant les maigres revenus de la famille avant de se barrer, la mère qui élève seule ses enfants comme elle peut dans la ruine annoncée de son exploitation agricole, les enfants aux caractères variés, l’adolescent Ben, seul garçon de la tribu, qui peine à s’affirmer dans son rôle d’homme.
L’auteur nous balade à son gré, bars sordides, sectes Satanistes, dealers, arnaques, attouchements sexuels sur de jeunes gamines, au fil des pages nos soupçons porteront sur tel ou tel personnage, Libby elle-même ne sachant plus très bien si ce qu’elle pensait avoir vu cette nuit-là s’est réellement passé.
Un thriller mené de main de maître, le suspense n’est pas haletant, mais l’intrigue nous tient et nous amène crescendo à la révélation finale. Extrêmement bien construit, tout en psychologie, Gillian Flynn réussit un remarquable roman, qui allie le thriller et le roman social. Fouillé et détaillé, l’intrigue comme la toile de fond, nous donne à voir une Amérique profondément bouleversée et qui part en lambeaux. Superbe.
« A présent il pensait à des souris. Le gros chat que nourrissait sa mère avait repéré un nid et gobé deux ou trois souriceaux gluants avant de le déposer la demi-douzaine restante devant la porte de derrière. Runner venait de partir – pour la deuxième fois – donc c’était Ben qui avait la tâche de mettre fin à leurs souffrances. (…) Finalement, il avait pris une pelle et les avait écrabouillés contre le sol. Des bribes de chair éclaboussaient ses bras, et sa colère montait de plus en plus : chaque grand coup de pelle augmentait sa fureur. Alors comme ça tu crois que je suis une mauviette, Runner, tu crois que je suis une mauviette, hien ! Quand il eut terminé, il ne restait sur le sol qu’une tache collante. Il était en sueur, et en levant les yeux, il surprit sa mère qui l’observait de derrière la porte grillagée. Au dîner, ce soir-là, elle s’était montrée silencieuse. Elle fixait sur lui un visage inquiet, des yeux tristes. Il avait juste envie de lui balancer : Parfois ça fait du bien de niquer quelque chose. Au lieu de se faire toujours niquer. »