Ibrahim Maalouf - "Diagnostic" 2011 Mister Productions
Publié le 22 novembre 2011 par Audiocity
Chaque nouveau disque du trompettiste est un événement que je ne voudrais rater pour rien au monde. Réjouis ou déçu,
j'aime quoi qu'il en soit la couleur de son son, la délicatesse du souffle qu'il émet, la tranquillité de son jeu, la richesse harmonique de sa musique et le phrasé singulier que lui permet ce
quart de ton supplémentaire à son instrument. Quatre ans après le magistral "Diasporas", deux ans après
le surprenant et déstabilisant "Diachronism" pour lequel je n'avais pas vraiment accroché, Ibrahim Maalouf revient avec "Diagnostic", un disque
qui marque la fin d'un triptyque égocentrique et thérapeutique relatant la vie de cet enfant du Liban parti très jeune rejoindre la France et sa banlieue parisienne pour échapper à la guerre. A
31 ans, Ibrahim Maalouf signe donc la fin d'un cycle avec un album qu'il juge comme étant "le plus abouti" des 3.
« Pour moi, le préfixe grec Dia renvoie au temps, une notion essentielle dans mon travail et une contrainte que
je m'impose. Il faut avoir la patience de créer. Mes albums sont le résultat de lentes constructions, qui ressemblent plutôt à des scénarios. Je voulais un point commun entre ces 3 disques,
qu'ils s'inscrivent dans une continuité ».
Dans la lignée de ces 2 disques précédents, "Diagnostic" suit donc un cheminement artistique logique
lorsque l'on s'intéresse au parcours du musicien, mais porte t-il en lui le réel intérêt dont lui-même semble nous assurer? Pas si sûr. Personnellement je ne suis pas du même avis. J'ai beau
l'avoir déjà écouté de nombreuses fois avant d'écrire ces lignes, je reste réservé à son sujet. Ce qui m'ennuie le plus c'est que je n'arrive pas à être ému par la couleur ni par la production de
l'ensemble, et ce malgré mon acharnement répété à tenter de le prendre sans aucune pensée ou considération artistique préalable, mais directement dans son jus, comme si j'avais pu sortir de mon
crâne que Ibrahim Maalouf m'avait offert l'un de mes plus beaux disques de 2007. A l'instar de "Diachronism", les références sont très (trop) nombreuses, très
(trop) présentes, ce qui a plutôt tendance à me perturber le sens. Cet album me fait penser à un disque de boulimique sur lequel il n'y aurait pas eu assez de place pour y mettre tout ce qu'il
réclamait. Comme si ce ventre était impossible à rassasier et qu'il eu fallut constamment le remplir. Dans ces conditions, dur de fixer son attention lorsque, par exemple, "Maeva In The
Wonderland" passe d'une "valse" moyen-orientale à la basse électro, à un riddim sud-américain, puis revient sur le thème original, avant de finir dans un amas de guitares et de cuivres à
la sonorité plus proche du rock que du jazz auquel il m'avait habitué (surtout si l'on y ajoute l'introduction d'1 minute 20 qui débute sur un air péruvien guitare-flûte avant de laisser la place
à une mélodie de piano et à des arrangements de cordes). Non pas qu'il me faille à tout prix pouvoir situer le sens ou le cheminement de cet accomplissement sonore, mais ce trop plein
d'informations est du coup très "fatiguant" pour moi, et à la longue assez "indigeste" (il pèse trop lourd). Et l'exemple serait valable sur bon nombre de morceaux. D'ailleurs, si tout l'album
est construit sur le schéma du binôme - chaque titre comportant une ouverture plus ou moins longue qui précède les compositions que Ibrahim Maalouf dédie à des membres de sa
proche famille - la fusion des styles et l'incorporation d'éléments antinomiques est également l'axe fondamental du disque. Pas toujours facile de s'y retrouver dans toute cette salve de genres.
Il y a de l'Asie ("All Beautiful Things"), du Moyen-Orient (le jeu typique de la trompette et les thèmes
choisis), des balkans ("Will Soon Be A Woman" qu'on pourrait croire sortir tout droit d'un film d'Emir Kusturica), de l'Amérique du Sud, du blues ("Never
Serious" et son solo désaccordé à la maîtrise indiscutable), de la musique classique (la très belle ouverture de Ibrahim Maalouf au piano sur "Lily"),
du hip hop ("Douce" feat Oxmo Puccino, le titre le plus feutré
de l'album), du rock (la fin du titre "Beirut"), et une reprise de Michael Jackson ("We'll Always Care About You"), bref, un socle luxuriant
très orchestré qui penche par moments vers un joyeux "foutoir" chatoyant plus ou moins audible selon la quantité d'instruments ou de voix à mixer. Reste que le principal subsiste puisque les
chorus de trompette sont enivrants et touchent presque toujours juste.
Vous l'aurez compris, mon principal regret est que je ne retrouve ni la constance graphique ni la magie atmosphérique
qu'exerçait "Diasporas" sur mon intellect. Comme cela peut être souvent le cas lors d'un premier jet,
celui-ci reste selon moi sa plus belle oeuvre et gagne aisément la bataille de ces 3 entités. Mon pronostic: "Diagnostic" serait distancé de quelques longueurs pour y figurer en
deuxième position. A vous de voir.
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