Arts martiaux. Au-delà des clichés véhiculés par les films américains,
l’art des ninjas est bien plus qu’une méthode de combat. Une philosophie
du quotidien. Reportage à Vanves dans le cours de Stéphane Ladegaillerie
Le Bujinkan regroupe neuf écoles (donc neuf enseignements différents) créées entre le IXe et le XVesiècle au Japon et réhabilitées dans les années 1970 par Masaaki Hatsumi qui reçut l’immense privilège de la part du légendaire Toshitsugu Takaamtsu (« le Tigre de Mongolie ») d’exporter et d’enseigner l’art des ninjas dans le monde entier. « Masaaki Hatsumi est toujours vivant. C’est un exemple pour nous,affirme M. Ladegaillerie. A 80 ans, il est très actif même s’il voyage moins maintenant, mais le travail est fait. Il existe 4 ou 5 structures de ninjutsu dans les grandes villes. Ça se pratique partout en France (plus de 2000 licenciés) et dans toute l’Europe, les adeptes se retrouvent lors de stages fabuleux. »
Sur le tapis, après un petit échauffement, on commence la technique. Aujourd’hui, deux nouvelles têtes ont fait leur apparition. Deux filles rapidement prises en charge par les plus gradés. « C’est un vrai plus quand des filles viennent à nos cours, se réjouit le professeur. Elles progressent beaucoup plus vite car elles travaillent dans la douceur. Les garçons, eux, sont plus dans la force. Au début, il faut leur faire accepter que l’efficacité vient de la précision du mouvement. » Déplacements fluides, blocages, clés, torsions, maniement des armes… le programme est vaste pour être un combattant complet et prétendre au XVe dan, le grade le plus élevé. Stéphane Ladegaillerie, lui, est shihan (13e dan au Japon). Il pratique le Bujinkan depuis près de 25 ans. Comme tous les mordus de cet art martial, il a dû faire valider tous ses dan au pays du Soleil-Levant (à raison d’un voyage par an) : « Dans mon cours, je fais passer les grades selon le programme du Ten Chi jin (du protek de a.cousergue koi martial art) reconnu par la Fédération française du sport travailliste. Du 1er au 9ekyu, on est ceinture blanche, puis ceinture verte. Ensuite, à partir du 1er dan, on porte une ceinture noire. Pour autant, tout cela est secondaire. Le grade n’est pas révélateur d’un niveau. On les valide quand on est prêt. Tout dépend de l’investissement. C’est une boîte vide qui nous donnée à la base. Tout le travail va consister à la remplir de qualités aussi bien techniques qu’humaines. C’est tout le sens que nous donnons à la progression. »
La patience est une des vertus du Bujinkan. L’éventail des techniques à maîtriser est large.« Quand j’ai commencé il y a deux ans, les valeurs m’ont tout de suite plu, témoigne Julien, la trentaine. Il faut savoir être humble et précis. Beaucoup abandonnent vite parce que la progression est lente. C’est un travail de longue haleine. » Dans ce cours, certains en sont à leur première heure, le plus expérimenté a entamé sa seizième année. « Ici, la sélection se fait naturellement. Ceux qui ont envie de progresser restent. Parfois, on voit arriver des gens qui veulent se battre, mais on leur fait comprendre qu’ils se sont trompés d’endroit,tranche Stéphane Ladegaillerie. Le but d’un pratiquant dans notre art, c’est qu’il arrive par la technique à acquérir une philosophie de vie. La société dans laquelle nous vivons est très menaçante, assez incertaine. Grâce au Bujinkan, un pratiquant va acquérir des techniques qui vont le renforcer, une certaine endurance, une confiance qui va lui servir dans la vie de tous les jours. Savoir que l’on peut se défendre et s’adapter à tout type d’adversaire est un atout majeur. »
Il est presque 22 heures, fin officielle du cours. Stéphane Ladegaillerie fait une démonstration de haut vol face à deux adversaires. A observer les déplacements précis qui sollicitent tous les muscles du corps, les sens en éveil et le regard furtif, on s’aperçoit de l’efficacité de cet art martial. Le professeur sort un sabre. En une fraction de seconde, l’attention des adversaires est détournée. « L’efficacité des Shuriken (étoiles japonaises, juttes, éventails, kunaï) est encore un mythe. Ces armes sont faites pour détourner l’attention et frapper l’adversaire là où il ne s’y attend pas », explique Stéphane Ladegaillerie en laissant tomber un objet que je m’entête à suivre des yeux. Trop tard, le sensei est déjà face à moi, dangereusement près. Ces deux heures de cours n’auront pas suffi. Il me reste encore bien des choses à apprendre.
Florent Bouteiller
Site Web du club à Vanves; 06 84 02 87 05
Points de repères sur le Bujinkan
- Bujinkan : Terme inventé par Masaaki Hatsumi au début des années 70 pour désigner le ninjutsu, ce dernier étant trop attaché aux ninjas et à la mauvaise réputation qui leur collait à la peau.
- Le ninjutsu est reconnu par la Fédération française des sports travaillistes (FFST)
- Les armes sont nombreuses : Le couteau, le jutte, l’éventail, le kunaï, le bâton (court, moyen et long), les sabres (katana, Tachi), la lance, la corde, les chaînes, la hallebarde, le shuriken ou encore les griffes métalliques (shuko) car les ninjas étaient de redoutables grimpeurs.
- Citations de Masaaki Hatsumi :
– « Fort » et « faible » sont des mots courants sur les lèvres des pratiquants d’arts martiaux. J’ai établi une règle pour montrer à mes élèves qu’ils doivent se conduire avec autant de droiture que possible, en accomplissant les devoirs du Ninja. Pour moi, c’est cela qu’être fort signifie. Après tout, pour comprendre un héros un homme doit être un héros lui-même.Je n’apprends pas à mes étudiants à vaincre des ennemis, mais à devenir des hommes qui puissent vivre.
– Aucun pratiquant d’arts martiaux, aucun Ninja, n’aime le combat ni la violence. Un Ninja dans le vrai sens du terme est un artiste qui aime et respecte la beauté de la nature et celle de l’esprit.