Les quatre verres devant les dineurs
Restaient à moitié pleins à cette heure
Ce qui indiquait
Que les convives l’étaient tout à fait.
Les tons de voix devenaient éclatants
Et les gestes exubérants.
Ils regrettaient de n’avoir pu donner
Des conseils au Créateur, le jour
Où il a ordonné
Les réalités de l’amour.
Qu’auraient-ils imaginé ?
Ils l’ignoraient
Mais ils les auraient
Autrement arrangées.
Ils trouvaient le Bon Dieu peu honorable,
Trop naturaliste dans son invention.
Ils auraient cherché une combinaison
Plus poétique, plus convenable.
L’un des quatre amis raconta au dessert
L’histoire de sa première inconduite.
C’était une femme du monde qu’il avait séduite.
Ou bien était-ce la femme qui l’avait séduit ?
Ceci revient au même dans l’affaire.
« La chose s’est bien sûr passée une nuit.
Elle eut lieu fin novembre.
Comme ma cheminée fumait,
Il n’y avait pas de feu dans ma chambre
Elle m’avoua :-Ça ne fait rien, j’en ai !
J’avais prévenu le propriétaire.
(Il devait venir faire le nécessaire
Avec le fumiste.) Elle murmura :
-Ce jour me fait honte. Ne me regarde pas !
Je fermais donc lumière et contrevents.
Le cœur palpitant,
À tâtons, je la cherchais ;
Je la trouvais.
Ce fut une heure de folie.
Puis nous nous sommes endormis.
Au matin, j’entendis qu’on m’appelait.
Les volets ayant été ouverts,
Mon amie se débattait, hurlait.
Pour se cacher, elle saisit un bout de drap.
Debout, au milieu de la chambre, là
Le fumiste et le propriétaire
Nous contemplaient.
-Que faites-vous chez moi, s’il vous plait ?
Fichez-le camp, Nom de Dieu !
Les deux hommes s’en allèrent à reculons :
-Pardon, monsieur,
Nous nous excusons.
Si nous avions cru vous déranger,
Nous ne serions pas venus.
Nous sommes confus.
Le concierge m’a dit
Que vous étiez sorti.
Ah ! On ne m’y reprendra pas de si tôt.
Depuis ce jour, je ne tire plus les rideaux
Mais je pousse toujours le verrou,
Voyez-vous ! »