Aide-toi, le ciel t’aidera

Publié le 22 novembre 2011 par Copeau @Contrepoints

Nos dirigeants, embourbés et mal conseillés par la peur économique et politique, cherchent une bouée de sauvetage du côté de l’Europe, de la règlementation et du contrôle. Mais ce n’est pas la solution. C’est de libéralisation et de motivation dont l’économie française a besoin.

Par Jacques Garello
Article publié en collaboration avec l’aleps

C’est la moralité de la fable du charretier embourbé. Quand on est en difficulté, il faut faire un effort et ne pas s’en remettre à l’intervention miraculeuse de la Providence, ni attendre le secours des autres.

Nos dirigeants feraient bien de s’en inspirer. Ils sont embourbés, et mal conseillés par la peur économique et politique. Ils cherchent une bouée de sauvetage du côté de l’Europe, mais ce n’est pas la solution : seule un sursaut français peut sauver la France.

La peur économique est légitime. D’une part la croissance est en panne, avec pour corollaire un chômage en hausse. Après avoir calculé un budget avec une hypothèse de croissance de 1,75 % en 2012, il a fallu le réviser sur la base de 0,9 %. Encore cette révision pourrait-elle être à nouveau révisée. Sans doute François Baroin, dans sa candeur (ou son habileté) extrême nous persuade-t-il qu’avec 0,4 % de croissance pendant le 3ème trimestre qui s’achève nous sommes à l’abri de toute mauvaise surprise, mais il est bien le seul de son avis.

Autre peur économique : l’accroissement des taux d’intérêt auquel l’État français (l’Agence du Trésor) doit emprunter chaque jour pour faire face aux dépenses courantes. Le seul fait de passer de 1,5 % à 3,5 % va alourdir la charge de la dette en 2012. En supposant que l’on n’emprunte pas davantage qu’en 2011, soit 240 milliards, les deux points de supplément d’intérêt représentent à eux seuls 4 milliards et demi d’euros, qui viendront s’ajouter aux 49 actuels.

La peur économique est peu de choses en comparaison de la peur politique. D’une part, une croissance ralentie et un chômage accéléré signifient des mouvements sociaux à répétition. Si les salariés du privé n’ont pas l’envie ni la possibilité de descendre dans la rue, les salariés du public, bénéficiant du statut de fonctionnaires, sauront se rendre disponible, apportant ainsi leur soutien à un François Hollande qui en a bien besoin. D’autre part, le Président et sa majorité ont nourri jusqu’à présent l’espoir de tenir jusqu’au printemps, et de laisser ainsi penser que seul Nicolas Sarkozy serait en mesure de gérer la crise, sauver l’euro et l’emploi : « moi ou le chaos ». Mais, au train où vont les choses, ce pourrait être « moi et le chaos ». Il y a de quoi paniquer dans les rangs du gouvernement et de l’UMP.

Alors, on essaie de chasser les peurs et d’apaiser les esprits en se tournant vers l’Europe. La semaine passée a été marquée par deux tentatives audacieuses pour mettre l’Europe dans le jeu de la France. La première a été celle de Michel Barnier, commissaire au marché intérieur, elle s’inscrit dans la grande pensée politique du moment : mettre fin à la crise ou à une réplique de la crise en renforçant le contrôle sur le secteur financier. Dans le collimateur du Commissaire : les agences de notation dont bien des gens ne doutent pas qu’elles ruinent les États en stimulant la spéculation. D’abord les agences se verraient interdire de noter des États en difficulté (elles n’auraient plus que le pouvoir de féliciter les États peu endettés), et la concurrence devrait être instaurée, avec sans doute la création d’une agence européenne sous contrôle de Bruxelles : on demande à l’écolier de relever lui-même les fautes de sa dictée et de se noter en conséquence. Mais l’idée « innovante, peut-être trop innovante » de Michel Barnier a dû être abandonnée au dernier moment devant l’hostilité générale qu’elle rencontrait.

La deuxième initiative est celle de François Baroin, qui veut faire pression sur la Banque Centrale Européenne pour qu’elle finance directement les États en achetant leurs obligations, ce qui en contrepartie l’amènera à créer une nouvelle masse d’euros. François Baroin s’étonne que la BCE ne soit pas, comme la FED, un « créancier en dernier ressort » capable de secourir les banques imprudentes. Jean Yves Naudet, dans sa chronique de conjoncture, montre l’hérésie et l’irréalisme de tels propos. Mais quand on est aux abois comme le sont nos dirigeants, on imagine des scénarios invraisemblables. La France obligera-t-elle les Allemands à prendre le risque d’une inflation massive ? À juste titre nos voisins voient dans l’inflation la déchéance totale d’une société et la voie ouverte à tous les débordements : Hitler a été le sous-produit de l’hyperinflation de 1927.

Alors, il ne reste plus qu’à nous aider nous-mêmes. J’y insiste : ce n’est pas de réglementation et de contrôle dont l’économie française a besoin, c’est de libéralisation et de motivation. Trois mesures au moins seraient des signes qui pourraient nous éviter les coûts et l’infamie de la perte de notre AAA : rendre au marché du travail sa totale fluidité, comme les Allemands ont su le faire avec les lois Hartz, ensuite cesser de surimposer les entreprises, l’épargne et la réussite et alléger la charge fiscale, comme Reagan l’a fait en 1980, enfin privatiser les services publics et utiliser l’argent de cette privatisation pour réduire la dette, comme l’ont fait Suédois et Canadiens dans les années 1990. Ces trois mesures peuvent être prises en quelques jours, et créer un choc salutaire. Elles doivent encore s’accompagner de l’annonce de réformes structurelles encore plus profondes : sauver les retraites et l’assurance maladie en passant à la capitalisation, mettre fin aux privilèges de la fonction publique, instaurer la concurrence dans le système scolaire et universitaire.

Sans doute faudra-t-il du courage pour prendre ces mesures. Mais il y a urgence. Dans quelques semaines la parole de la France et surtout de ses dirigeants ne sera plus crédible. Le charretier cesse d’implorer le ciel, et s’arcboute pour pousser son chariot embourbé.

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