Des saumons en cavale
Des études menées en Norvège par le direction nationale de la pêche de Suède, montrent que dans les élevages de saumon de l'Atlantique, plusieurs centaines de spécimens s'échappent chaque année. Les relevés montrent ainsi que pendant la période 1989-1996, les poissons d'élevage échappés représentaient 34 à 54% des captures le long de la côte. En plus de la concurrence pour la nourriture que cela entraîne avec les saumons sauvages, cela les perturbe dans leur cycle de reproduction. Les spécimens évadés fraient plus tard, abîmant les nids de leurs congénères sauvages.
Alors que le WWF a récemment publié un rapport dans lequel il dénonce la pêche illégale de l'esturgeon et le commerce de son caviar, la FAO s'intéresse de près à l'aquaculture. Le secteur connaît l'essor le plus rapide de tous les secteurs de l'industrie agro-alimentaire. S'agit-il d'une bonne ou d'une mauvaise nouvelle pour l'environnement ?
Saviez-vous que le saumon que vous consommez lors des fêtes de fin d'année n'est pas issu de la pêche ? Pâle et moins savoureux que le saumon sauvage qui traverse le Pacifique, ce saumon-là provient la plupart du temps de fermes aquacoles d'Europe du Nord. Idem pour le tilapia, espèce originaire d'Afrique, dont l'élevage est l'un des plus répandus sur la planète. Celui que l'on vous sert au restaurant a certainement vu le jour où il a fini, c'est à dire en Chine, qui produit à elle seule 62,3 % des poissons d'élevage du monde.
"Boom" de consommation de poisson dans le monde
Ces éléments d'informations et bien d'autres figurent dans le rapport de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO). On y apprend ainsi que l'aquaculture connait une croissance trois fois plus rapide que la production mondiale de viande et qu'à partir de 2012, un poisson sur deux consommé dans le monde sera un poisson d'élevage. C'est une bonne nouvelle pour la sécurité alimentaire. En effet la contribution du poisson à l'alimentation atteint un niveau sans précédent (17 kilos par habitant) et assure au moins 15 % des besoins moyens en protéines animales de plus de 3 milliards de personnes. Si le poisson vient remplacer la viande rouge dans notre régime alimentaire, c'est aussi une bonne nouvelle pour la couche d'ozone. Mais tout n'est pas si simple ! L'aquaculture, autrefois présentée comme une solution à la surpêche, pose plusieurs problèmes environnementaux. La fausse "révolution bleue" connait effectivement les mêmes dérives que l'agriculture intensive.
Les dérives de la pisciculture
De grandes quantités de poissons sauvages sont nécessaires pour nourrir les poissons d'élevage. Ainsi, selon la fondation Goodplanet, la production d'un kg de poisson d'élevage nécessite de 1,2 à 5 kg de poissons pêchés en milieu naturel. "Réduire l'utilisation des produits de la pêche pour l'alimentation des poissons d'élevage par des substitutions répondant aux critères de développement durable est un des défis majeurs pour l'avenir de l'aquaculture dans le monde", conclu un article de chercheurs de l'INRA sur l'alimentation des poissons d'élevage.
De plus, l'aquaculture induit plusieurs types de pollution liés aux traitements antibiotiques administrés aux poissons. Mais aussi des risques de propagation de maladies des poissons d'élevage parmi les poissons sauvages. Il arrive ainsi que les poissons d'élevage s'échappent des bassins d'élevage (voir Infos plus), entrainant des interactions écologiques non désirées avec les espèces sauvages et risquant d'entre ens concurrence avec ces derniers sur le plan alimentaire.
Une autre dérive de l'aquaculture réside dans les organismes génétiquement modifiés. En effet, des poissons d'élevage OGM pourraient bien devenir monnaie courante aux Etats-Unis. Des chercheurs ont mis au point un spécimen transgénique dont la taille serait bien supérieure aux saumons normaux et qui serait plus résistant aux maladies. Du poisson transgénique, et bientôt de la viande transgénique ?
Le cas des poissons d'élevage bio
Toutefois, l'impact de l'aquaculture sur l'environnement est très variable selon les méthodes d'élevage utilisées. En aquaculture bio, le cahier des charges strict, permet de limiter les dégâts. Il impose aux producteurs le respect du bien-être des poissons, le respect de l'environnement, et le respect des consommateurs.
Par exemple, concernant l'alimentation des poissons d'élevage bio, il est exigé qu'elle ne compromette pas la capacité de renouvellement des espèces, et ne porte pas préjudice aux écosystèmes marins. S'ils se nourrissent également de farines et huiles de poisson, ces dernières proviennent donc de pêcheries gérées par quotas. Leur teneur en polluants chimiques de synthèse et métaux lourds (PCB, plomb,Cadmium,mercure) est strictement limitée par la réglementation et régulièrement contrôlée.
Concernant les eaux d'élevage, leur qualité figure également dans le cahier des charges. Seuls les sites se situant dans un milieu faiblement exposé aux risques de pollution inhérents aux activités urbaines, industrielles, piscicoles non biologiques et agricoles intensives, peuvent accueillir un élevage biologique.
Si dans un espace aquatique ouvert (fjord, lac, mer, ...), il y a présence simultanée d'élevages biologique et d'élevages conventionnels, toutes les mesures d'isolement et d'éloignement doivent être prises, exige le cahier des charges.
Il semblerait donc que les poissons d'élevage bio offrent à l'heure actuelle les meilleures garanties sanitaires et environnementales. Mais ces poissons étant élevés dans des milieux marins ouverts, exposés aux catastrophes écologiques, plus nous continuerons de polluer les océans et plus il sera difficile de consommer du poisson 100 % sain.
Alicia Muñoz