Les principaux industriels européens concernés et les enseignes de distribution privilégient de plus en plus l'huile de palme dite "durable" pour freiner la déforestation mais leurs efforts restent trop timides, indique aujourd'hui le WWF dans une étude portant sur 132 entreprises européennes.
Alors que s'ouvre aujourd'hui l'Assemblée Générale de la RSPO, table ronde pour l'huile de palme durable qui regroupe producteurs, industriels et ONG du monde entier, le WWF révèle que près d'un distributeur sur deux et un industriel sur cinq ne satisfait pas la charte établie pour une huile de palme plus verte.
"Il y a eu des progrès depuis la dernière étude, en 2009, mais les engagements ne se traduisent pas suffisamment vite dans l'utilisation accrue d'huile de palme durable certifiée", note le WWF qui vient de publier deux études sur le sujet. Toutes les deux font le même constat : sur le terrain, l'huile de palme certifiée RSPO entraîne des améliorations concrètes et nécessaires qu'il faut consolider. Aujourd'hui 10% de l'huile de palme mondiale est issue de cette certification, ce qui représente 5 millions de tonnes disponibles.
Selon les critères retenus par l'ONG (engagements, approvisionnements et transparence), le géant anglo-néerlandais de l'agroalimentaire et des cosmétiques Unilever est le groupe le plus vertueux, juste devant le numéro un mondial des cosmétiques L'Oréal.
Généraliser l'utilisation d'huile de palme dite durable
Dans son rapport intitulé "Huile de palme, de la déforestation à la nécessaire durabilité ", le WWF dresse le bilan d'une mission réalisée sur le terrain en Indonésie, sur les avancées et les défis de la filière de l'huile de palme durable.
L'expansion en surface des plantations de palmiers à huile prévue d'ici à 10 ans est estimée à 4 millions d'hectares et ce pour l'Indonésie uniquement. "Afin que ces plantations ne s'étendent plus au détriment des forêts naturelles, de nombreuses actions locales et internationales sont nécessaires. La généralisation de l'utilisation d'huile de palme durable permettrait selon le WWF "de réelles avancées", "comme le développements de bonnes pratiques agricoles."
Mais tout n'est pas rose ! Le concept d'huile de palme durable est critiqué par d'autres organisations environnementales et experts scientifiques, en raison des conflits d'intérêts industriels dans l'élaboration de la charte. De plus, le WWF France a recensé un certain nombre d'écueils.
L'ONG a en effet publié un "scorecard 2011" sur les performances environnementales des entreprises en ce qui concerne l'approvisionnement en huile de palme. En clair, il s'agit du classement de plus de 130 entreprises Européennes, Australiennes et Japonaises.
"Il n'a jamais été aussi facile pour les entreprises d'avoir des garanties sur l'huile de palme qu'elles utilisent ", déclare Adam Harrison, représentant du WWF au conseil d'administration de la RSPO. "Toutefois, le dernier classement WWF des utilisateurs d'huile de palme indique que seulement la moitié de l'huile de palme utilisée par ces entreprises est durable. Il est donc clair que certaines grandes marques ou distributeurs ne sont pas en bonne voie pour atteindre leurs engagements, certaines n'ont même pas encore commencé."
Bons et mauvais élèves
Des entreprises utilisant d'importants volumes, comme Nestlé et Unilever, semblent avoir rattrapé leur retard, obtenant la note de 8 sur 9 points. D'autres fabricants utilisant des volumes moins importants d'huile de palme, comme IKEA et United Biscuits, ou encore des volumes beaucoup plus faibles, comme Brioche Pasquier, Harry's, L'Oréal et Yves Rocher, ont reçu une bonne note et "démontrent que même en étant de plus petits utilisateurs il est possible d'aller vers plus de durabilité" affirme le WWF.
Cependant, "la moitié des distributeurs français et le quart des entreprises fabricantes sont mal notés" affirme le WWF dans son communiqué.
"Des entreprises comme Ferrero et Lactalis se doivent d'accélérer leurs efforts étant donné leurs responsabilités associées aux importants volumes utilisés."
"Manque de transparence"
Le constat le plus inquiétant qui ressort de ce classement est le manque de transparence sur les quantités d'huile de palme utilisées par les entreprises.
"La plupart des entreprises n'ont en effet donné qu'une vague estimation des volumes utilisés, certaines n'ont même fournit aucune donnée" déclare le WWF.
L'ONG rappelle que la première action à mettre en place par les entreprises est donc d'identifier précisément ces volumes. Si beaucoup d'entreprises se sont engagées à utiliser 100% d'huile de palme tracée et durable d'ici à 2015, le WWF conclu donc sur les efforts manquants : "pour y parvenir, toutes les entreprises doivent avancer plus vite vers leur objectif. C'est seulement ainsi que nous pourrons nous assurer que l'élan créé par la RSPO n'est pas vain."
Reste à savoir si cette certification peut convaincre les consommateurs, de plus en plus au fait des méfaits de la culture de la palme sur la biodiversité, l'économie et les populations locales.
Olivia Montero