Je trouve que j’ai souvent la larme à l’œil en ce moment au ciné. Oh, ce n’est pas nouveau me direz-vous, vous souvenant peut-être de quelques anecdotes déjà racontées. Bon d’accord, j’avoue, et j’assume, devant un film, je laisse l’émotion m’emporter, et si je suis touché, la boule se noue dans la gorge, les yeux s’humidifient, et de temps en temps, les larmes glissent discrètement sur mes joues (parfois, ce n’est même pas discret). L’objectivité froide, ce n’est pas moi. Et ces jours-ci, je le constate particulièrement.
Il y a d’abord eu Hello Ghost au Festival Franco-Coréen du Film le mois dernier, un film qui m’a vu vainement tenter de retenir mon émotion devant un final inattendu qui avait en même temps emporté presque toute la salle dans le sillage des larmes. Et puis la semaine dernière, il y avait eu Toutes nos envies de Philippe Lioret, un mélo assumé dans lequel le couple Marie Gillain / Vincent Lindon avait su faire vibrer mes cordes sensibles.
Je pensais être tranquille pour quelque temps, n’ayant pas non plus pour habitude de lutter contre les larmes toutes les semaines au cinéma, mais contre toute attente, je me suis déjà fait piéger une troisième fois en à peine plus d’un mois. Et après le cinéma coréen et le cinéma français, c’est cette fois un film américain qui m’a fait renifler à la sortie d’une projection : 50/50 de Jonathan Levine (qui a la particularité d’être connu pour un film sorti nulle part, All the boys love Mandy Lane).
J’ai beau avoir l’outrecuidance ponctuelle de me penser plus fort que les émotions évidentes, force est de constater que finalement, on n’est peut de chose émotionnellement parlant devant la maladie et la perspective de la mort, car il s’agit après tout ici encore un peu de cela, avec cette histoire d’un jeune mec de 27 ans (Joseph Gordon-Levitt) qui apprend du jour au lendemain que ses douleurs au dos sont dues à un cancer qui a une chance sur deux de le tuer à court terme. Balancé comme ça, forcément, ça sent le mélo, encore. Pourtant non. 50/50, c’est autant une comédie qu’un drame (celui qui a dit « Une dramedy quoi, comme disent les ricains » a droit à un bon point).
En même temps, lorsque l’une des deux têtes d’affiche du film est Seth Rogen, l’humour point rapidement. Rogen interprète Kyle, le meilleur ami du héros malade, débonnaire, protecteur et lourdement dragueur. Si l’émotion nait, finalement, dans ce 50/50 tout de même sacrément déconneur, c’est parce qu’au-delà du fait qu’il s’agisse d’une histoire vécue par le scénariste du film, Will Reiser, le film laisse transparaître une belle humanité dans les interactions entre les personnages. C’est cette mère qui a la tête d’Anjelica Huston, particulièrement couveuse mais délaissée par son fils, c’est cette psy stagiaire qui a du mal à gérer la relation docteur / patient avec objectivité, et bien sûr c’est cette amitié masculine entre Adam le héros et Kyle son meilleur pote. Cette fausse décontraction, cet art du non-dit et de la pudeur que l’on cache derrière le futile pour ne pas avoir à trop se dévoiler.
L’amitié est belle devant la caméra de Jonathan Levine, et c’est elle, sûrement, qui a emballé mon cœur et fait piquer mes yeux. Parce qu’elle est faite de rire autant que d’émotion, parce que Joseph Gordon-Levitt et Seth Rogen sont toujours bons et qu’ils le montrent ici une fois de plus. Devant moi, lorsque le générique s’est terminé et que la lumière s’est rallumée, un mec racontait à sa copine qu’il était déçu, qu’il aurait préféré quelque chose « à la Marc Webb » (véridique), comme si le réalisateur de 500 jours ensemble, du haut de son film surestimé, était une référence à suivre et que son style aurait fait de 50/50 un meilleur film. Drôle de remarque. J’essaie de me représenter ce qu’aurait été le film de Jonathan Levine à cette sauce-là… Je suis sûr que je n’y aurais pas versé ma larme. Et j’ai beau faire celui qui se plaint de trop verser sa larme ces temps-ci, je n’aurais échangé cette sensation pour rien au monde devant 50/50. Je pleure souvent au cinéma en ce moment ? Tant mieux !